Rencontre de Saint François avec le sultan d'Egypte
Contrairement à un mythe répandu, saint François n’a pas été en cette rencontre ni en aucune autre le précurseur de l’indifférentisme religieux de la secte Vatican II, bien au contraire. Les récits ci-dessous montrent très clairement le zèle que saint François avait pour la conversion des âmes à la foi catholique, et son refus total de toute complaisance envers les fausses religions.
Père Jacques d’Autun prédicateur Capucin, Vie de Saint François d’Assise, 1676 :
[Saint François au sultan d’Egypte :] “… ce Jésus crucifié que tu fais l’objet de tes mépris, et de tes blasphèmes, me rendra ma vie qui ne finira jamais; je viens de sa part pour t’annoncer sa divine Parole, qui n’est pas captive avec moi; c’est de là que dépend ton salut éternel, et celui de tous tes sujets; la Puissance de ce Dieu que je te prêche surpasse celle de toutes les têtes couronnées, puisqu’elle s’étend sur les âmes aussi bien que sur les corps, et que la sévérité de sa Justice peut éternellement te condamner aux flâmes; ne te laisse pas séduire aux rêveries de ton faux prophète, de qui tu révères les cendres, tandis que son âme brûle dans les Enfers : Embrasse la Loi de Jésus-Christ, et quitte celle de Mahomet, si tu ne veux suivre dans les supplices ceux dont tu professes les erreurs.” 1
Saint Bonaventure, Légende de saint François* :
“Après s’être éloigné de la mer, il parcourut le pays répandant partout la semence du salut, et il en rapporta des fruits abondants. Mais celui du martyre avait séduit son coeur; il préférait aux mérites de toutes les vertus une mort glorieuse pour le nom du Seigneur. Il prit donc le chemin de Maroc afin d’annoncer l’Evangile de Jésus-Christ au Miramolin et à sa nation, et d’arriver ainsi à la palme après laquelle il soupirait.
Le désir qui l’entraînait était si ardent que, malgré la faiblesse de son corps, il précédait de loin son compagnon de voyage, tant il était pressé d’arriver, et que l’âme toute pleine d’une sainte ivresse, il semblait voler. Mais en Espagne, le ciel, qui le réservait à d’autres choses, lui envoya une grave maladie qui l’empêcha d’aller où il souhaitait.
L’homme de Dieu se jugeant donc encore nécessaire en ce monde aux enfants à qui il avait donné le jour, s’en retourna vers les tendres brebis confiées à sa sollicitude, bien qu’il crût pour lui la mort un gain véritable. Mais l’ardeur de la charité était un aiguillon qui le poussait vers le martyre, et il tenta une troisième fois d’aller propager au prix de son sang la foi en l’auguste Trinité.
La treizième année de son renoncement au monde, il se rendit en Syrie et s’exposa à des dangers de toutes sortes pour arriver jusqu’au soudan de Babylone. Il y avait alors entre les chrétiens et les Sarrasins une guerre implacable; les camps des deux armées étaient fort rapprochés, et l’on ne pouvait passer de l’un dans l’autre sans péril d’être massacré, car le soudan avait promis une pièce d’or à tous ceux qui lui apporteraient la tête d’un chrétien.
Mais le vaillant soldat de Jésus-Christ, plein de l’espoir d’être bientôt au terme de ses voeux, résolut de se mettre en route, sans se laisser effrayer par la mort, ou plutôt excité par son désir. Après avoir prié, se sentant fortifié par le Seigneur, il redisait avec confiance ces paroles du Prophète : Quand je marcherais au milieu des ombres de la mort, je ne craindrais aucun mal, parce que vous êtes avec moi.
Ayant donc pris pour compagnon frère Illuminé, homme vraiment digne de ce nom par ses lumières et sa vertu, il se mit en route. Bientôt ils rencontrèrent deux brebis. A cette vue, le saint rempli de joie dit à son compagnon : “Ayez confiance dans le Seigneur, mon frère, car en nous s’accomplit cette parole de l’Evangile : Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups”.”
Lorsqu’ils se furent avancés plus loin, ils trouvèrent les gardes avancés des Sarrasins, qui, comme des loups, accoururent et se saisirent brutalement des serviteurs de Dieu, leur firent subir des traitements cruels, et après les avoir accablés d’injures et de coups, les chargèrent de chaînes.
Enfin, après les avoir maltraités et affligés de toute façon, par une disposition de la divine Providence ils les conduisirent au soudan, selon le désir du saint. Celui-ci leur ayant demandé qui les avait envoyés et quel était le but de leur voyage, François lui répondit sans s’effrayer : “Je ne viens point de la part d’un homme, mais de la part du Dieu très-haut, afin de vous montrer à vous et à votre peuple la voie du salut, et de vous annoncer l’Evangile de vérité.”
Ensuite il prêcha avec un tel courage, une telle force et une telle ardeur au soudan le Dieu en trois personnes et Jésus-Christ sauveur de tous les hommes, qu’en lui s’accomplissait clairement cette promesse du Seigneur : Je mettrai en votre bouche des paroles et une sagesse auxquelles vos ennemis ne pourront résister, et qu’ils ne pourront contredire.
En effet, le soudan voyant le zèle admirable et la vertu du serviteur de Dieu, l’écoutait volontiers et le pressait avec instance de prolonger son séjour auprès de lui; mais François, éclairé d’en haut, lui dit : “Si vous voulez vous convertir à Jésus-Christ, vous et votre peuple, je demeurerai de grand coeur avec vous. Mais si vous hésitez à abandonner la loi de Mahomet pour la foi du Sauveur, faites allumer un grand feu : je le traverserai avec vos prêtres, et vous serez à même de juger alors quelle est la croyance la plus certaine et la plus sainte, et celle qui mérite l’adhésion de vos cours.” “Je ne pense pas, répondit le soudan, qu’aucun de nos prêtres consentit pour la défense de sa foi à s’exposer au feu ou à subir quelque autre genre de tourment.”
En effet, il avait vu un de ses prêtres, homme de zèle et déjà avancé en âge, prendre la fuite en entendant les propositions de François. Alors le saint ajouta : “Si vous voulez me promettre pour vous et pour votre peuple d’embrasser la foi de Jésus- Christ dans le cas où je sortirai sain et sauf du milieu des flammes, je les traverserai seul. Si le feu me fait sentir ses ardeurs, vous l’attribuerez à mes péchés; mais si la puissance du Seigneur me protége, vous reconnaîtrez que le Christ est la vertu et la sagesse de Dieu, qu’il est le Dieu véritable et le Sauveur de tous les hommes.”
Le soudan déclara qu’il n’osait accepter une telle proposition dans la crainte de voir son peuple se soulever. Cependant il lui offrit des présents considérables et d’un grand prix. L’homme de Dieu, plein de mépris pour les choses de ce monde, et avide seulement du salut des âmes, méprisa tout cela comme de la boue.
Mais ce refus, qui montrạit en lui un si parfait contempteur des biens terrestres, lui gagna encore davantage l’affection du soudan; et quoiqu’il ne voulůt ou n’osât embrasser la foi chrétienne, il supplia cependant le saint d’accepter ses dons afin de les distribuer pour son salut aux pauvres chrétiens ou aux églises. François, qui avait en horreur de porter le fardeau des richesses et ne voyait d’ailleurs aucun sentiment de vraie piété dans l’âme du soudan, n’acquiesça en aucune façon à ce qu’il souhaitait.
Ensuite, reconnaissant qu’il n’aurait aucun succès auprès de cette nation et qu’il ne pouvait obtenir l’objet de ses désirs, averti par une révélation du ciel, il revint en Europe." 2
Père Silvestre Castet, Annales des Frères Mineurs, 1680 :
“Il y a des auteurs qui assurent que le Soldan ayant reconnu la vérité de notre foi par la prédication de saint François, le conjura de prier Dieu pour lui afin qu’il le fortifiât dans le dessein qu’il avait de l’embrasser, et qu’étant depuis tombé malade le Saint Père s’apparut à deux de ses religieux qui étaient en Syrie, et leur commanda d’aller trouver ce prince, pour l’instruire et le baptiser; mais parce qu’ils firent tout cela secrètement, à cause de la crainte des Sarrasins, plusieurs en ont douté; mais il conte du moins bien que ce prince fit quantité de bonnes oeuvres en faveur des Chrétiens, et l’on peut dire qu’elles ont été les fruits de la bonne semence que saint François avait jetée dans son coeur : les Chrétiens qui avaient écouté ses prédications et vu la merveilleuse conduite de sa vertu en profitèrent davantage : car plusieurs, et des plus remarquables de l’armée se joignirent à lui et entrèrent dans son Ordre…” 3
Annales des Frères Mineurs, 1680 : “Avant de partir il voulut revoir le Soldan de qui il avait le salut à coeur; il revient donc en Egypte, et presse derechef ce prince à se convertir; mais il n’en put tirer que de belles paroles et des espérances pour l’avenir, la crainte de ses sujets ennemis jurés des Chrétiens étant plus forte dans l’esprit de ce roi, que la connaissance qu’il avait de la vérité de notre Foi;
notre Séraphique Père voyant cette irrésolution pria Dieu avec tant de ferveur pour le salut de son âme qu’il l’obtint, et Dieu lui révéla sa conversion et le temps auquel elle devait arriver qui fût celui de sa mort comme nous avons dit par avance;
il découvrit ce secret au Soldan comme à celui qui y avait le plus grand intéret, lequel en témoigna beaucoup de joie, et pria très instamment le Saint de ne le quitter pas; car il avait conçu une plus grande affection pour lui;
mais Saint François fut obligé par l’avis exprès de Dieu de revenir en Italie, avec ce déplaisir d’avoir fort peu profité pour la conversion de ce peuple, et de n’avoir pas pu gagner la couronne du martyre, pour laquelle il avait fait paraître tant d’ardeur.” 4
Riche A. abbé, Fioretti ou Petites fleurs de saint François d’Assise
, 1847 : “Embrasé du zèle de la foi du Christ et pressé du desir de verser son sang pour lui, saint François résolut de traverser la mer avec douze de ses saints compagnons, et d’aller trouver le Soudan de Babylone [sultan d’Egypte]. Arrivés dans le pays habité par les Sarrasins, les frères en trouvèrent les frontières gardées par des hommes si cruels, qu’un chrétien ne pouvait y passer sans y laisser la vie. Ils échappèrent cependant à la mort par une protection divine; mais ils furent pris, frappés, garrottés et trainés devant le Soudan.
Lorsqu’ils furent en sa présence, saint François, inspiré par l’Esprit-Saint, se mit à précher si divinement la foi du Christ, que, dans l’ardeur de son zèle, il était prêt à se précipiter dans les flammes pour lui rendre témoignage. Cette constance dans la foi, le mépris généreux qu’il témoignait pour le monde, le refus qu’il faisait, malgré sa pauvreté, des présents qui lui étaient offerts, toutes ces dispositions frappèrent le Soudan et lui inspirèrent une grande estime pour le saint missionnaire; il lui demanda de revenir souvent le visiter, lui permettant, à lui et à ses compagnons, de prêcher partout où il leur plairait; enfin il lui donna un mot d’ordre pour le mettre à l’abri de tout mauvais traitement de la part de ses sujets…
Cependant saint François, voyant que la prédication ne portait plus aucun fruit dans ces contrées, se disposa, par une inspiration divine, à retourner parmi les fidèles avec ses compagnons. Les ayant donc rassemblés, il alla prendre congé du Soudan. Celui-ci, avant de le quitter, lui dit : Frère François, ce serait volontiers que je me convertirais à la foi du Christ, mais je crains de le faire à présent : car si mes sujets venaient à le savoir, ils nous mettraient à mort, vous, vos compagnons et moi-même. Vous pouvez rendre encore de grands services, et j’ai à terminer, de mon côté, plusieurs affaires très-importantes; je ne veux donc compromettre ni votre existence, ni la mienne. Mais veuillez m’enseigner les moyens que je dois employer pour assurer mon salut, je suis tout disposé à suivre vos conseils.
Seigneur, répondit le Saint, je vais vous quitter; mais quand je serai de retour dans ma patrie, quand, par la grâce de Dieu, j’aurai établi ma demeure dans les cieux, je vous enverrai deux de mes frères qui vous donneront le baptême, et vous serez sauvé. Voilà quels sont les desseins de Dieu sur vous, et voilà ce qu’il m’a révélé. Mais, d’ici là, hâtez-vous de vous dégager de toute sollicitude, afin qu’au jour où la grâce descendra sur vous, elle vous trouve entièrement disposé à recevoir la foi.
Le Soudan promit de se conformer à ces avis, et il les suivit en effet. Après cette entrevue, saint François et ses vénérables compagnons quittèrent le pays des infidèles, et, quelques années après, le Saint rendit son âme à Dieu. Cependant le Soudan, devenu infirme, attendait l’accomplissement de la promesse qui lui avait été faite. Des gardes, qu’il avait fait placer en plusieurs endroits de ses frontières, avaient ordre, dès qu’ils verraient deux frères portant l’habit de saint François, de les lui conduire immédiatement. Son attente ne fut pas trompée; vers ce temps-là, le Saint apparut à deux de ses frères et leur ordonna d’aller, sans tarder, trouver le Soudan, et de lui procurer la grâce du salut, suivant la promesse qu’il lui en avait faite.
Ces deux frères obéirent sur-le-champ, traversèrent la mer et furent conduits par les gardes au Soudan, qui, en les voyant, s’écria, rempli de joie : Je le reconnais maintenant, oui, c’est Dieu lui-même qui m’envoie ses serviteurs pour me sauver; et c’était vraiment d’après une inspiration divine que saint François m’en avait fait la promesse. Aussitôt il fut instruit des vérités de la foi, reçut le baptême, que lui conférèrent les frères; et, ainsi régénéré en Jésus-Christ, il mourut de la maladie dont il était atteint, et son äme fut sauvée par les mérites et les prières de saint François.” 5