La Passion : le sujet de méditation ordinaire de Saint François
Source: Jacques d’Autun, prédicateur Capucin (d. 1678)
Il ne faut pas s’étonner si Saint François ne parlait que de la Croix ; c’était sa plus haute et sublime Philosophie ; tous les objets lui en présentaient l’idée, il ne pouvait voir des agneaux que l’on conduisait à la boucherie, qu’il ne se souvînt en même temps du très-doux et très-innocent agneau JESUS-CHRIST, qui avait été mis à mort pour donner la vie aux pécheurs ; et couché de compassion de ces pauvres animaux qui en étaient la figure, il donna jusqu’à son manteau pour les racheter.
Passant un jour par la marche d’Ancone, il rencontra un Paysan qui portait vendre deux agneaux, et ayant appris que ceux qui les achèteraient, les feraient égorger, il donna un manteau tout neuf, qu’on lui avait donné par aumône, pour leur sauver la vie, car après en avoir donné la valeur du prix, il les rendit au Villageois, avec condition qu’il ne les tuerait, et ne les vendrait plus.
Passant d’Ancone à Aximo, il rencontra un pasteur qui conduisait un troupeau de chèvres, et une seule brebis parmi ces vilains animaux ; son coeur aussitôt s’attendrit, et touché de compassion il dit à son Compagnon : C’est ainsi que l’innocent, et très-doux JESUS, était parmi les Scribes et les Pharisiens ; délivrons pour son amour cette pauvre brebis d’une si mauvaise compagnie ; mais n’ayant de quoi en payer le prix au pasteur, le Serviteur de Dieu pleurait à chaudes larmes, non pas pour la brebis, mais pour celui qu’elle représentait.
Un Marchand ayant ayant appris le sujet de ses pleurs, paya la brebis au berger, qui l’a donna au bienheureux Père, lequel la confia aux Religieuses de Saint Séverin. C’est ainsi que ce grand Spirituel de tous les objets sensibles se faisait une idée de la Passion de Jésus-Christ; c’est ainsi que par la compassion il participait à ses souffrances, et comme s’il eut déjà été transformé en celui qui droit souffrir, lorsqu’il lisait ou entendait les blessures mortelles de sa Passion, il participait encore aux délices de sa gloire, car il trouvait toutes les consolations et sa joie dans la Méditation des souffrances du Sauveur.
Un jour qu’il était extraordinairement travaillé des douleurs que lui causaient ses maladies continuelles, on le sollicitait de penser à quelque objet agréable pour divertir la force de son mal, et prendre quelque soulagement: Sachez, mes Frères, repartit le Serviteur de Dieu, que je n’ai rien de plus doux ni de plus agréable que le souvenir de la Passion de mon Sauveur, qui est le sujet de ma Méditation ordinaire, et si je vivais jusqu’à la fin du monde, je n’aurais pas besoin d’autre lecture.