Chap. 20 - Imiter Jésus-Christ
Source: Croset 1898
Instruction que j’ai reçue de la Reine de l’univers
1351 Ma fille, vous considérez avec admiration la malice endurcie des Juifs et la facilité de Pilate, qui l’ayant connue ne laissa pas de la favoriser au préjudice de l’innocence de mon adorable Fils. Je veux vous tirer de cet étonnement par les avis qui vous sont convenables pour vous rendre soigneuse dans le chemin de la vie.
Vous savez que les anciennes prophéties des mystères de la rédemption et toutes les Écritures saintes devaient être infaillibles, puisque le ciel et la terre avec toute la nature seraient plutôt renversés, que la vérité des paroles sacrées put manquer d’être accomplie selon qu’il est déterminé dans l’entendement divin. Or, pour faire souffrir à mon Fils cette mort très ignominieuse que les prophètes avaient prédite (Jer., xı, v. 19), il fallait qu’il y eût des hommes qui le persécutassent, mais que ceux-ci aient été les Juifs, leurs pontifes et l’injuste juge Pilate qui le condamna; ça été leur malheur et non point le choix du Très-Haut qui voudrait sauver tous les hommes.
Et si ces ministres sont tombés dans un malheur si déplorable, on le doit attribuer à leurs propres péchés et à leur extrême malice par laquelle ils ont résisté à la grâce des plus grands bienfaits qui consistaient à avoir parmi eux leur Rédempteur et leur Maître à converser avec lui, à le connaître, à entendre ses divines paroles, à être témoins de ses miracles et à recevoir les faveurs que les anciens Pères ont souhaitées si longtemps sans avoir eu la consolation de les obtenir.
Par ce moyen, la cause du Seigneur a été justifiée, et l’on a connu qu’il a lui-même cultivé sa vigne et l’a remplie de bienfaits, et qu’elle ne lui a donné que des épines et de mauvais fruits, faisant mourir le Maître qui l’a plantée et ne voulant point le reconnaître comme elle le devait et le pouvait, et cela avec d’autant plus de dureté et d’ingratitude que ses obligations surpassaient celles des étrangers.
1352 Ce qui arriva au chef Jésus-Christ mon Seigneur et mon Fils, doit arriver jusqu’à la fin du monde aux membres de ce corps mystique qui sont les justes et les prédestinés; car ce serait une chose monstrueuse que les membres ne répondissent point au chef, les enfants au père et les disciples au Maître. Et quoique dans le monde les justes soient mêlés avec les pécheurs, les prédestinés avec les réprouvés; et que l’on y voie toujours des persécuteurs et des persécutés, des meurtriers et des innocents à qui ils font souffrir la mort, des personnes qui mortifient et d’autres qui sont mortifiées; ces sorts néanmoins se divisent par la malice ou par la bonté des hommes et ceux qui par leurs péchés et par leur mauvaise volonté causent du scandale dans le monde seront malheureux, et c’est par là qu’ils deviennent les instruments du démon.
Les pontifes, les pharisiens et Pilate commencèrent de pratiquer cette méchanceté dans la nouvelle Église, car ils maltraitèrent le chef de ce très beau corps mystique, et ceux qui en maltraitent et qui en maltraiteront les membres qui sont les saints et les prédestinés, se rendront les disciples des Juifs et du démon.
1353 Voyez donc ma très chère fille, lequel de ces sorts vous voulez maintenant choisir en la présence de mon Seigneur et en la mienne. Et si après que votre Rédempteur, votre Époux et votre Chef, a été maltraité, affligé, couronné d’épines et chargé d’injures, vous voulez être sa disciple et membre de ce corps mystique, il n’est pas convenable… que vous la soyez, si vous vivez dans les délices du monde et selon la chair.
Il faut que vous soyez persécutée sans que vous persécutiez personne, et opprimée sans opprimer qui que ce soit, que vous portiez la croix et souffriez le scandale sans le causer, que vous viviez dans les souffrances sans faire souffrir votre prochain, mais vous devez plutôt travailler à son salut autant qu’il vous sera possible, continuant à pratiquer la perfection de votre état et de votre vocation. C’est là le partage des amis de Dieu, et l’héritage de ses enfants dans la vie passagère; cet héritage renferme la participation de la grâce et de la gloire, que mon très saint Fils leur a acquise par les peines, par les opprobres et par la mort de la croix : j’y ai aussi coopéré par tant de douleurs et d’afflictions que vous avez connues et dont vous ne devez jamais perdre le souvenir.
Le Très-Haut pouvait donner de grandes richesses temporelles à ses élus, les élever aux plus hautes charges, et les rendre si forts qu’ils eussent soumis toutes choses à son pouvoir invincible. Mais il n’était pas convenable qu’ils fussent conduits par ce chemin, afin que les hommes ne se trompassent point eux-mêmes, croyant que leur félicité consistât dans les grandeurs et les ostentations mondaines, cette erreur serait cause qu’ils abandonneraient les vertus, obscurciraient la gloire du Seigneur, ne connaîtraient pas l’efficacité de la grâce et ne désireraient point les choses spirituelles et éternelles. Je veux que vous étudiez continuellement cette science, que vous y fassiez tous les jours de nouveaux progrès et que vous pratiquiez tout ce qu’elle vous enseignera.