Chap. 19 - On amène Jésus-Christ chez Hérode
Source: Croset 1898
Pilate renvoie à Hérode le procès et la personne de notre Sauveur Jésus-Christ. On l’accuse devant Hérode, qui le méprise et le renvoie à Pilate. La très pure Marie le suit, et ce qui arriva dans cette occasion.
1314 Une des accusations que les Juifs et leurs pontifes présentèrent à Pilate contre le Sauveur, fut, qu’il avait commencé dans la province de Galilée à prêcher et à soulever le peuple par sa doctrine (Luc, XIII, v. 5 et 6). Ainsi Pilate prit de là occasion de demander si Jésus-Christ était Galiléen. Et ayant appris qu’il l’était, il crut avoir quelque raison de se décharger du procès de notre Rédempteur dont il connaissait l’innocence, et de se délivrer des importunités des Juifs, qui le pressaient avec tant d’instance de le condamner à mort.
Hérode se trouvait alors à Jérusalem pour y célébrer la Pâque des Juifs. Celui-ci était Fils de l’autre roi Hérode qui avait fait mourir les innocents et persécuté notre Seigneur Jésus-Christ nouvellement né; et comme il s’était marié avec une juive, il avait embrassé le judaïsme étant devenu prosélite. C’est pour cela que son fils Hérode observait aussi la loi de Moïse, et était parti de Galilée, d’où il était gouverneur, pour venir célébrer la Pâque à Jérusalem.
Pilate et Hérode, qui gouvernaient les deux principales provinces de la Palestine, savoir: la Judée et la Galilée, ne se voyaient point par jalousie; car il était arrivé peu de temps auparavant que Pilate voulant témoigner son zèle pour conserver les droits de l’empire romain, avait fait égorger quelques Galiléens dans le temps qu’ils faisaient certains sacrifices (comme il est marqué au chapitre treizième de saint Luc, v. 1), mêlant le sang des coupables avec celui de leurs sacrifices. Or, Hérode s’était irrité de cela ; mais Pilate souhaitant de lui donner quelque satisfaction, résolut de lui renvoyer notre Sauveur comme son sujet, afin qu’il examinât et jugeât son procès; espérant pourtant toujours qu’Hérode le délivrerait comme innocent et accusé par envie des pontifes et des scribes.
1315 Notre Seigneur Jésus-Christ sortit, lié comme il l’était, de la maison de Pilate pour aller chez Hérode; il était accompagné des scribes et des prêtres qui allaient l’accuser devant le nouveau juge, et d’un grand nombre de soldats et de serviteurs, pour l’amener et le tirer par les cordes, et pour s’ouvrir un passage au travers de la multitude de peuple qui remplissait les rues. Mais leur malice l’emportait sur cette multitude, et comme les ministres et les pontifes étaient si empressés ce jour-là pour répandre le sang du Sauveur, ils allaient fort vite et menaient sa Majesté presque en courant et avec un affreux tumulte.
La très pure Marie sortit aussi avec ceux qui l’accompagnaient de la maison de Pilate pour suivre son très doux Fils dans le chemin qui lui restait jusqu’à la Croix. Il n’aurait pas été possible que notre auguste Princesse eût fait ce chemin sans perdre de vue son bien-aimé, si les saints anges ne l’eussent empêché; ainsi elle se trouva toujours si proche de son Fils, comme elle le souhaitait, qu’elle put jouir de sa présence et participer par ce moyen avec une plus grande plénitude à toutes ses peines.
Elle obtint tout cela par son très ardent amour, et suivant de près le Seigneur, elle entendait les injures que les serviteurs lui disaient, les coups qu’on lui donnait, le murmure du peuple et les divers sentiments que l’on avait sur un sujet si lamentable.
1316 Quand Hérode eut appris que Pilate lui renvoyait Jésus de Nazareth, il en témoigna une joie extraordinaire. Il savait qu’il était l’intime ami de Jean, auquel il avait fait trancher la tête; il était aussi informé des prédications qu’il faisait et par une folle curiosité il souhaitait qu’il fît quelque miracle en sa présence et s’entretenir avec lui (Luc, XXIII, v. 8; Marc, vi, v. 27).
L’Auteur de la vie fut donc amené devant Hérode, contre lequel le sang de saint Jean-Baptiste criait bien plus devant le Seigneur que celui du juste Abel. Mais ce malheureux prince, qui ignorait les terribles jugements du Très-Haut, le reçut avec beaucoup de moqueries, le prenant pour un magicien. Et dans cette erreur sotte, il l’examina et lui fit plusieurs questions, s’imaginant le porter par là à faire quelque merveille, comme il le désirait.
Mais le Maître de la sagesse et de la prudence ne lui répondit pas un mot demeurant toujours dans un humble sérieux en la présence du très indigne juge, qui méritait avec tant de justice par ses méchancetés, d’être privé du bonheur d’entendre les paroles de vie éternelle qui seraient sorties de la bouche de Jésus-Christ, si Hérode eût été disposé à les recevoir avec respect.
1317 Cependant les princes des prêtres et les scribes étaient présents (Luc, xxIII, v. 10); ils persistaient à accuser le Sauveur et à lui objecter les mêmes crimes qu’ils lui avaient reproché devant Pilate. Mais il ne répondit rien non plus à toutes ces calomnies; car il n’ouvrit pas seulement la bouche devant Hérode, qui le souhaitait; ni pour répondre à ses questions, ni pour détruire les fausses accusations dont on voulait le noircir: parce qu’Hérode était de toute manière indigne d’entendre la vérité; ce fut pour lui un juste châtiment, et c’est aussi celui que les princes et les puissants du monde doivent craindre le plus.
Hérode s’irrita du silence et de la douceur de Jésus-Christ qui l’empêchaient de satisfaire sa vaine curiosité, et il en fut mortifié, mais il le dissimula par les railleries qu’il fit contre notre très innocent Maître, et ayant porté par son exemple tous ceux de sa suite à le mépriser, il ordonna de le ramener à Pilate. Tous les serviteurs d’Hérode se moquèrent aussi de la modestie du Seigneur, et voulant le traiter de fou, ils le vêtirent d’une robe blanche, selon l’ordre qu’ils en avaient reçu c’était la marque par laquelle on distinguait les insensés, afin qu’on les évitât. Mais cette robe fut chez notre Sauveur un symbole de son innocence et de sa pureté, la providence du Très-Haut l’ordonnant de la sorte, afin que ces ministres d’iniquité, par cela même qu’ils faisaient et qu’ils ne pénétraient point, rendissent témoignage de la vérité qu’ils prétendaient malicieusement obscurcir aussi bien que les merveilles éclatantes que notre adorable Rédempteur avait faites.
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Hérode remercia Pilate de l’attention avec laquelle il lui avait remis le procès et la personne de Jésus de Nazareth, et lui fit dire qu’il ne trouvait aucun crime en lui, mais qu’il le croyait un homme ignorant et fort digne de mépris. Depuis ce jour-là Hérode et Pilate qui étaient mal ensemble, devinrent amis, le Très-Haut le disposant ainsi par les secrets jugements de sa divine sagesse. Notre Sauveur fut donc renvoyé d’Hérode à Pilate et conduit par plusieurs soldats de ces deux gouverneurs, qui furent suivis d’une plus grande multitude de peuple, ce qui augmenta le tumulte. Car ceux qui l’avaient auparavant honoré et publié pour le Sauveur et le Messie béni du Seigneur, étant alors pervertis par l’exemple des prêtres et des magistrats, coudamnaient et méprisaient le même Seigneur, auquel ils venaient de rendre honneur et gloire; on peut voir par là combien l’erreur et le mauvais exemple des chefs sont puissants pour attirer le peuple. Parmi tous ces troubles et toutes ces ignominies notre Sauveur redisait intérieurement avec un amour, une humilité et une patience inneffables, ces paroles qu’il avait déjà dites par la bouche de David (Ps. xxi, v. 7 et 8): « Je suis un ver et non un homme; je suis l’opprobre des « hommes et le rebut du peuple. Ceux qui me voyaient se « sont tous moqués de moi; ils en parlaient avec outrage, «< et ils m’insultaient en remuant la tête ». Notre adorable Maître était un ver et non un homme, non seulement parce qu’il ne fut point engendré comme les autres hommes, et qu’il n’était point un simple mortel, mais Homme et Dieu véritable; mais aussi parce qu’il ne fut point traité comme un homme, mais comme un ver de terre, et que dans tous les outrages qu’il recevait, il ne fit non plus de bruit ni de résistance que le plus petit ver que l’on foule et que l’on méprise comme une chose très vile. Tous ceux qui voyaient notre Rédempteur Jésus-Christ (et c’était le très grand nombre) parlaient mal de lui et remuaient la tête, comme pour rétracter tout de qu’ils avaient dit et tout ce qu’ils avaient fait à son avantage.
La Mère affligée ne se trouva point corporellement présente aux opprobres et aux accusations que les prêtres firent contre l’Auteur de la vie devant Hérode, ni aux questions que ce malheureux prince lui fit parce qu’elle demeura hors de la salle où l’on fit entrer le Seigneur; elle connut néanmoins, par une vision intérieure, tout ce qui s’y
passa. Mais quand le Sauveur sortit de cette salle où était le tribunal d’Hérode, il la rencontra, et alors ils se regardèrent tous deux avec une intime douleur et avec une compassion réciproque, qui répondait à l’amour d’un tel Fils et d’une telle Mère. Cette robe blanche qu’on lui avait mise, le traitant d’insensé, fut pour elle un nouvel objet qui lui brisa le cœur, quoiqu’elle seule connût, entre tous les mortels, le mystère de l’innocence et de la pureté que cet habit signifiait. Elle l’adora sous cette robe mystérieuse, et le suivit chez Pilate où on le ramenait; car ce que la volonté divine avait disposé pour notre salut, devait y être exécuté. Le Sauveur allant d’Hérode à Pilate, il arriva que la multitude de peuple et l’empressement avec lequel ces très impies valets le menaient, le firent tomber quelquefois; et que le tirant par les cordes avec une cruauté et une violence horribles, ses veines sacrées s’ouvrirent et il en sortit beaucoup de sang; et comme il ne pouvait pas facilement se relever parce qu’il avait les mains liées, et que le grand nombre de ceux qui le suivaient ne pouvaient et ne voulaient pas même s’arrêter, ils tombaient sur notre divin Rédempteur, marchaient sur son adorable personne et lui donnaient plusieurs coups de pied, dont les soldats osaient bien prendre un sujet de rire au lieu de la compassion naturelle qu’ils en devaient avoir; mais la malice du démon les avait entièrement dépouillés de tous les sentiments humains.
- La compassion et la douleur de la très douce Mère augmentèrent à la vue d’une si grande cruauté, et s’adressant à ses anges elle leur ordonna de ramasser le précieux sang que leur Roi versait par les rues, afin qu’il ne fût point foulé aux pieds et profané par les pécheurs; et c’est ce que firent les ministres célestes. Elle leur commanda aussi que si son adorable Fils tombait de nouveau ils empêchassent ces gens impitoyables de marcher sur sa divine personne. Et comme elle était très prudente en tout, elle ne voulut pas que les anges le fissent sans avoir consulté le même Seigneur : ainsi elle leur ordonna de lui en demander la permission de sa part, et de lui représentér les peines qu’elle souffrait comme Mère, le voyant traiter avec une telle irrévérence sous les pieds de ces pécheurs. Et pour obliger davan
tage son très saint Fils à le permettre, elle le pria par l’intermédiaire des mêmes anges de changer cet acte d’humilité, qu’il voulait bien pratiquer en permettant à ces valets. d’iniquité de le fouler sous leurs pieds sacrilèges, en un autre d’obéissance en se laissant fléchir aux prières de sa Mère affligée, qui était aussi sa servante et tirée de la poussière. Les saints anges représentèrent tout cela à notre Seigneur Jésus-Christ de la part de sa très sainte Mère; ce n’est pas qu’il l’ignorât (puisqu’il connaissait tout de qui se passait dans l’intérieur de la très pure Marie et qu’il l’opérait lui-même par sa divine grâce); mais c’est que le Seigneur veut que l’on garde dans ces sortes de rencontres l’ordre de la raison que notre auguste Reine connaissait alors par une très haute sagesse, pratiquant les vertus par de différentes manières d’agir; car la prescience du Seigneur, qui pénètre toutes choses, n’empêche point ces prudentes précautions.
Notre Sauveur Jésus-Christ exauça les prières de sa très heureuse Mère et permit à ses anges d’exécuter, comme ministres de sa volonté, ce qu’elle souhaitait. Ainsi, ils empêchèrent qu’on ne le fît tomber durant le chemin qui restait jusqu’à la maison de Pilate, et qu’on ne le foulât aux pieds comme auparavant; sans empêcher pourtant que les servants de la justice et de la populace irritée n’exerçassent les autres mauvais traitements sur sa divine personne. La Vierge sacrée regardait tout cela avec un cœur invincible, mais pénétré de la plus sensible douleur qu’on puisse imaginer. Les Marie et saint Jean, qui suivaient le Seigneur et sa très pure Mère, le virent aussi et le considérèrent avec beaucoup de larmes et avec des sentiments proportionnés à leur disposition. Je ne m’arrête point à raconter les douleurs de ces saintes femmes et de quelques autres personnes dévotes qui accompagnaient aussi notre auguste Reine, parce qu’il faudrait y employer trop de temps. Et spécialement si je voulais déclarer ce que fit Madeleine comme la plus fervente à témoigner son amour et sa reconnaissance à notre Rédempteur Jésus-Christ, ainsi que le même Seigneur le dit quand il la justifia; car celui à qui on pardonne de plus grands péchés, c’est celui qui aime davantage (Luc, VII, v. 43).
Le Sauveur arriva pour la seconde fois à la maison de Pilate, que les Juifs pressèrent de nouveau de condamner Jésus à la mort de la croix. Pilate, qui connaissait l’innocence de Jésus-Christ et l’envie mortelle des Juifs, fut fort peiné qu’Hérode lui eut renvoyé le procès dont il souhaitait se décharger. Mais se voyant obligé comme juge de le terminer, il tâcha d’apaiser les Juifs par divers moyens. Le premier fut de dire secrètement à quelques serviteurs et amis des pontifes et des prêtres de leur inspirer de demander la liberté de notre Rédempteur, et de le délivrer après quelque châtiment qu’il lui ferait subir, et de ne demander plus par préférence l’insigne voleur Barabbas. Pilate avait déjà fait cette tentative lorsqu’on lui présenta pour la seconde fois notre adorable Maître pour le condamner. Car la proposition qu’il fit aux Juifs de choisir Jésus ou Barabbas, ne se fit pas une seule fois, mais deux ou trois l’une avant qu’on mena le Seigneur à Hérode, et l’autre après (Matt., xxvII, v. 17; Luc, xxIII, v. 14 et suiv.) et c’est ce que racontent les évangélistes avec quelque différence, sans pourtant se contredire en la vérité. Pilate s’adressant aux Juifs leur dit : Vous m’avez présenté cet homme, comme détournant le peuple de son devoir, et l’ayant interrogé en votre présence, je ne l’ai trouvé coupable d’aucun des crimes dont vous l’accusez. Hérode non plus, à qui je vous ai renvoyés, ne lui a rien fait qui montre qu’il soit digne de mort, quoique vous l’ayez accusé devant lui. Je me contenterai donc maintenant de le châtier, afin qu’il se corrige à l’avenir. Et étant obligé de délivrer quelque malfaiteur à cause de la solennité de Pâque, je délivrerai le Christ, si vous voulez lui donner la liberté, et je punirai Barabbas du dernier supplice. Les Juifs connaissant que Pilate désirait délivrer Jésus-Christ, répondirent: nous ne voulons point le Christ, faites-le mourir et rendeznous Barabbas.
La coutume de délivrer un malfaiteur de prison dans cette grande solennité de Pâque, fut introduite parmi les Juifs, comme en mémoire et en reconnaissance de la liberté qu’en un tel jour leurs pères avaient obtenue, lorsque le Seigneur les délivra du pouvoir de Pharaon, frappant les
premiers nés de l’Égypte cette nuit, et submergeant depuis le même Pharaon et toute son armée dans la mer rouge (Exod., XII, v. 29; XIV, v. 28). C’est pour cet insigne bienfait, que les Hébreux faisaient grâce à celui des prisonniers qui était le plus coupable, lui pardonnant ses crimes, et punissant les autres qui n’étaient pas si méchants. Une des conventions qu’ils avaient faites avec les Romains, était de leur garder cette coutume, et c’est ce que les gouverneurs accomplissaient ponctuellement. Quoique les Juifs renversassent dans cette occasion cette coutume en ce qui regarde les circonstances, selon le jugement qu’ils faisaient de notre Seigneur Jésus-Christ; car étant obligé de délivrer le plus criminel, et avouant eux-mêmes que Jésus de Nazareth l’était; ils ne voulurent pas néanmoins le délivrer et choisirent plutôt Barabbas qu’ils croyaient moins coupable que lui : La rage du démon les tenant dans un si grand aveuglement par l’envie qu’il leur avait communiquée, qu’ils se trompaient euxmêmes en toutes choses.
- Pilate étant dans le prétoire au milieu de ces troubles que les Juifs y causaient, il arriva que sa femme qui s’appelait Procula, l’ayant appris, lui envoya dire : Ne vous embarrassez point dans l’affaire de ce juste; car j’ai eu un songe aujourd’hui qui m’a fort travaillée à son sujet (Matt., xxvii, v. 19). Le motif de cet avis de Procula fut, que Lucifer et ses démons voyant les mauvais traitements que l’on exerçait sur la personne de notre Sauveur et la douceur immuable avec laquelle il les souffrait, se trouvèrent toujours plus confus et plus chancelants dans leur fureur. Et quoique Lucifer ne put comprendre par son orgueil téméraire, comment il se pouvait faire que la Divinité se trouvât si étroitement unie au Sauveur et qu’elle permit qu’on lui fit de si grandes injures et qu’il sentit en son corps les effets de tant de cruautés, ne pouvant pas dans cette perplexité connaître, s’il était Homme-Dieu ou s’il ne l’était pas, néanmoins ce dragon infernal croyait, qu’il y avait là quelque grand mystère en faveur des hommes, et que ce lui serait toujours d’un notable préjudice, s’il n’arrêtait le progrès d’une chose si extraordinaire. Et dans la résolution qu’il en prit avec ses démons, il inspira plusieurs fois aux Phari
siens de ne plus persécuter Jésus-Christ. Mais ces inspirations furent inutiles, comme introduites par le même dragon et sans vertu divine dans des cœurs dépravés et obstinés. De sorte que les démons désespérant de pouvoir rien faire sur l’esprit des Pharisiens, s’adressèrent à la femme de Pilate et lui firent entendre dans un songe, que cet homme était juste et innocent; que si son mari le condamnait il serait privé de sa charge; et qu’elle devait lui conseiller de délivrer Jésus et de punir Barabbas, s’ils ne voulaient point voir arriver quelque grand malheur et dans leur famille et dans leurs propres personnes.
- Procula fut fort effrayée de ce que le démon lui représenta dans ce songe, et quand elle sut ce qui se passait entre les Juifs et son mari, elle lui envoya dire ce que raconte saint Matthieu, afin qu’il ne condamnât point à la mort celui qu’elle regardait comme juste. Le démon inspira aussi à Pilate une autre crainte semblable, qui fut augmentée par l’avis de sa femme et comme tous les motifs en étaient terrestres et politiques et qu’il n’avait point coopéré aux grâces du Seigneur, cette crainte ne dura que jusqu’à ce qu’il en eût conçu une plus forte, comme les effets le firent voir. Mais alors, il tâcha pour la troisième fois (comme le marque saint Luc) (ch. XXIII, v. 22 et suiv.) de défendre la cause de notre Seigneur Jésus-Christ, et s’adressant aux Juifs il leur dit : qu’il était innocent, qu’il ne trouvait rien en lui qui méritât la mort, qu’il le corrigerait, et qu’ensuite il le mettrait en liberté. Il le fit effectivement châtier pour voir s’ils en seraient satisfaits, ainsi que je le dirai dans le chapitre suivant. Mais les Juifs insistèrent en haussant leurs voix à demander qu’il fût crucifié. Alors Pilate demanda de l’eau et ordonna qu’on délivrât Barabbas comme ils demandaient. Et se lavant les mains devant tout le monde, dit : Je n’ai nulle part en la mort de cet homme juste, à laquelle vous le condamnez. Prenez garde à ce que vous faites; car je me lave les mains, afin que l’on sache qu’elles ne trempent point dans le sang de l’innocent. Pilate crut par cette cérémonie se disculper de la mort de notre adorable Sauveur et l’attribuer aux princes des Juifs et à tout le peuple qui la demandaient. Et les Juifs furent si insensés et si
aveuglés dans leur fureur et dans le désir qu’ils avaient de voir bientôt notre divin Seigneur crucifié, qu’ils se chargerent de ce crime, et osèrent bien dire à Pilate ces exécrables et sacrilèges paroles : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants.
O insensé et cruel aveuglement! O témérité inouïe ! Vous voulez donc charger sur vous et sur vos enfants l’injuste condamnation du juste et le sang de l’innocent, que le juge même déclare être sans crime, afin qu’il crie contre vous jusqu’à la fin du monde! O Juifs perfides et sacrilèges! croyez-vous bien que le sang de l’Agneau qui lave les péchés du moude, et la vie d’un homme qui est en même temps vrai Dieu, soient d’un poids si léger? Quoi, est-il possible que vous veuilliez ainsi vous en charger? Quand il ne serait que votre frère, votre bienfaiteur, votre maître, il est certain que votre inhumanité et votre malice seraient monstrueuses et exécrables. Vous êtes avec justice dans les opprobres; il est juste aussi que le sang de Jésus-Christ, que vous avez voulu charger sur vous et sur vos enfants, ne vous laisse jouir d’aucun repos en nul endroit du monde ; et que cette charge qui pèse plus que les cieux et la terre, vous opprime et vous abatte. Mais, hélas! que dirons-nous, si nous considérons que ce sang divinisé ayant été versé sur tous les enfants d’Adam pour les laver et les purifier, est répandu pour cela sur tous les enfants de la sainte Église; il s’en trouve néanmoins plusieurs qui par leurs mauvaises œuvres chargent ce précieux sang sur eux-mêmes, comme les Juifs le chargèrent et par leurs œuvres et par leurs paroles; ceux-ci ignorant et ne croyant point que ce fût le sang du Christ, et les catholiques le connaissant et l’avouant pour tel.
Les péchés et les œuvres dépravées des chrétiens ont en quelque sorte une langue par laquelle ils parlent contre le sang et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, chargeant tout cela sur eux-mêmes; et dans ce langage ils disent Que le Christ soit outragé, déchiré et attaché sur une croix, méprisé, condamné à la mort et moins estimé que Barabbas. Qu’il soit dépouillé, flagellé et couronné d’épines pour nos péchés : nous ne voulons point avoir
d’autre part en ce sang, que d’ètre nous-mêmes la cause qu’il soit répandu d’une manière ignominieuse et qu’on nous l’impute éternellement. Que ce même Dieu incarné souffre et meure; pour nous, jouissons des biens apparents. Hâtons-nous d’user des créatures, couronnons-nous de roses (Sapient., II, v. 6), vivons dans la joie, servons-nous de notre pouvoir, empêchons que personne ne soit au-dessus de nous, méprisons l’humilité, ayons du mépris pour la pauvreté, amassons des richesses, trompons tout le monde, ne pardonnons aucune injure, plongeons-nous dans les plaisirs coupables, que nos yeux ne voient rien, que notre cœur ne désire et ne tâche qu’acquérir. Faisons-nous-en une loi et suivons la aveuglément. Et si par toutes ces pratiques nous crucifions Jésus-Christ, que son sang retombe sur nous et sur nos enfants.
- Demandons maintenant aux réprouvés qui sont dans l’enfer si ce n’a pas été la voix de leurs œuvres, que leur attribue Salomon dans la Sagesse, et si pour avoir tenu intérieurement ce langage, ils ne s’appellent pas eux-mêmes insensés et impies, et s’ils ne l’ont pas été véritablement. Que peuvent espérer après cela ceux qui ne profitent point du sang de Jésus-Christ, et qui le chargent sur eux-mêmes, non comme ceux qui le désirent pour leur sanctification, mais comme ceux qui le méprisent pour leur damnation? Où est celui d’entre les enfants de l’Église qui souffre qu’un voleur, et un scélérat lui soit préféré? Cette doctrine est si mal pratiquée dans le temps où nous sommes, que l’on admire celui qui consent qu’un autre aussi bon et aussi digne, ou même d’un plus grand mérite que lui, le précède; et on ne considère pas qu’on n’en trouvera jamais aucun aussi bon que Jésus-Christ, ni aussi méchant que Barabbas. Mais il s’en trouve une infinité, qui à la vue de cet exemple se croient offensés et malheureux s’ils ne sont préférés dans l’honneur, dans les richesses, dans les charges et dans tout ce que le monde estime. C’est ce que l’on recherche et que l’on dispute, et c’est en cela que les hommes emploient tous leurs soins, toutes leurs forces et toutes leurs puissances, dès qu’ils commencent d’en user jusqu’à ce qu’ils les perdent. Ce qui est encore plus déplorable c’est que ceux qui
par leur profession et leur état ont renoncé au monde et lui ont tourné le dos, ne reviennent point de cet aveuglement, et quoique le Seigneur leur commande d’oublier leur peuple et la maison de leur père, ils y retournent parce que la créature humaine a de meilleur, qui est l’attention la plus forte pour se mêler des affaires de leurs parents, la volonté et le désir pour leur procurer tout ce que le monde possède; et ils se laissent emporter dans une si grande vanité que tout cela leur paraît encore fort peu de chose. Au lieu d’oublier la maison de leur père, ils oublient celle de Dieu, dans laquelle ils demeurent, où ils reçoivent les faveurs du ciel pour travailler à leur salut et un honneur qu’ils n’auraient jamais reçu dans le monde, et où ils sont entretenus sans aucun soin qui puisse les distraire de leur obligation. Cependant ils deviennent ingrats à tous ces bienfaits, abandonnant l’humilité à laquelle leur état les oblige. On s’imagine qu’il n’y a que les pauvres et les solitaires, que le monde méprise, qui doivent participer à l’humilité de notre Sauveur Jésus-Christ, à sa patience, à ses affronts, aux opprobres de sa croix, profiter de son exemple et suivre sa doctrine c’est aussi pour cela que les voies de Sion sont délaissées, et qu’elles pleurent de ce qu’il s’en trouve si peu qui viennent à la solennité de l’imitation de notre adorable Rédempteur.
- La folle ignorance de Pilate n’a pas été moindre de s’imaginer qu’après s’être lavé les mains et avoir imputé le sang de Jésus-Christ aux Juifs, il serait justifié dans sa conscience et devant les hommes, qu’il prétendait satisfaire par cette cérémonie pleine d’hypocrisie et de mensonge. Il est certain que les Juifs furent les principaux agents et les plus criminels en condamnant l’innocent et en se chargeant eux-mêmes de cet horrible crime. Mais Pilate n’en fut pourtant pas exempt, puisqu’ayant connu l’innocence de notre Sauveur Jésus-Christ, il ne devait point lui préférer un voleur et un meurtrier, ni le châtier ne trouvant aucune faute en lui. Il avait encore moins de raison de le condamner à la mort et de l’abandonner à la volonté de ses ennemis mortels dont l’envie et la cruauté lui étaient manifestes. Aussi un juge ne saurait être juste lorsque, connaissant la
vérité et la justice, il agit par des vues humaines et pour son propre intérêt, parce que ces considérations terrestres entraînent la raison des hommes qui ont l’âme basse; et comme ils n’ont pas un fond solide de vertu et de probité, que les juges doivent nécessairement avoir, ils ne peuvent résister à la crainte qu’ils ont de déchoir, et étant aveuglés de cette passion, ils abandonnent la justice pour ne pas se hasarder de perdre leurs commodités temporelles, comme il arriva à Pilate.
- Notre grande Reine se trouva, dans la maison de Pilate, où par le ministère de ses saints anges elle entendit les disputes que cet injuste juge avait avec les scribes et les pontifes sur l’innocence de notre Seigneur Jésus-Christ et sur ce qu’ils préféraient Barabbas à sa divine Majesté. Elle entendit aussi tous les cris de ces barbares avec un silence et une douceur admirable, comme étant une image vivante de son très saint Fils. Et quoique sa modestie fût toujours immuable, les cris tumultueux des Juifs ne laissaient pas néanmoins de pénétrer son cœur affligé, comme une épée tranchante des deux côtés. Mais les gémissements qu’elle poussait dans son triste silence résonnaient dans le sein du Père éternel avec plus de douceur que les plaintes de la belle Rachel, qui, comme dit Jérémie, pleurait ses enfants sans se vouloir consoler, parce qu’elle ne pouvait pas les recouvrer (ch. xxxi, v. 15). Notre très belle Rachel la très pure Marie ne demandait aucune vengeance, mais elle demandait le pardon pour les ennemis qui lui ravissaient le Fils unique du Père éternel et le sien. Elle imitait tous les actes que l’âme très sainte de Jésus-Christ faisait, et agissait avec tant de sainteté qu’il n’était pas possible que la peine troublât ses puissances, que la douleur affaiblit sa charité, que la tristesse diminuât sa ferveur, que le murmure détournât son attention, et que les injures et le tumulte du peuple l’empêchassent de garder sa retraite intérieure parce qu’elle faisait toutes choses dans la plénitude de toutes les vertus et dans le plus haut degré de perfection.
Instruction que la Reine du ciel m’a donnée.
Ma fille, je vois que vous êtes dans l’admiration de ce que vous avez écrit et connu, considérant que Pilate et Hérode ne furent point si cruels dans la mort de mon très saint Fils, que les prêtres, les pontifes et les pharisiens; vous considérez aussi avec étonnement que ceux-là étaient juges séculiers et gentils, et que ceux-ci étaient docteurs de la loi et prêtres du peuple d’Israël qui professaient la véritable foi. Je veux répondre à cette surprise par une doctrine qui n’est pas nouvelle et que vous avez entendue autrefois, mais je veux que vous la repassiez mainteuant dans votre esprit et que vous ne l’oubliez de votre vie. Sachez donc, ma très chère fille, que plus on est élevé, plus la chute est dangereuse; car le mal en est irréparable, ou le remède fort difficile. Lucifer eut un lieu éminent dans le ciel, soit par la nature, soit par la grâce et ses dons, car il surpassait en beauté toutes les autres créatures: mais par la chute de son péché il descendit dans les profondeurs de la difformité et de la misère, et dans une plus grande obstination que tous ses sectateurs. Les premiers pères du genre humain Adam et Ève furent élevés à une très haute dignité, et reçurent de la main du Tout-Puissant des dons très sublimes; mais ils se perdirent eux-mêmes par leur chute et entraînèrent dans leur perte toute leur postérité; que si elle a été réparée, le remède en a été aussi cher que la foi l’enseigne; et ce fut une miséricorde immense que de les secourir eux et leurs descendants dans une telle disgrâce.
Plusieurs autres âmes se sont trouvées au plus haut de la perfection et elles en sont malheureusement tombées, ce qui les a mises presque dans le désespoir ou dans l’impossibilité de se relever. Ce mal a plusieurs principes du côté de la créature. Le premier est le chagrin et la confusion démesurée qu’a celui qui est tombé du lieu éminent des plus sublimes vertus, non seulement parce qu’il s’est privé des plus grands biens, mais parce qu’il ne fait non plus de fonds
sur les bienfaits futurs que sur les passés qu’il a perdus, et qu’il ne se promet pas plus de fermeté en ceux qu’il peut acquérir par de nouveaux soins, qu’en ceux qu’il avait acquis et dont il n’a pas profité par son ingratitude. Il arrive de ce funeste désespoir que l’on agit sans ferveur, sans goût et sans dévotion, car le désespoir éteint tout cela, comme l’espérance ferme aplanit plusieurs difficultés, fortifie la créature humaine dans sa faiblesse, et lui fait entreprendre de grandes choses. Il y a encore une autre cause qui n’est moins formidable: c’est que les âmes accoutumées aux bienfaits de Dieu, ou par office comme les prêtres et les religieux, ou par les exercices des vertus et des faveurs comme les autres personnes spirituelles, pèchent ordinairement par le mépris qu’elles font de ces mêmes bienfaits, et par le mauvais usage des choses divines car en les fréquentant souvent sans les justes dispositions, elles estiment peu par un aveuglement étrange les dons du Seigneur, et par cette irrévérence elles empêchent les effets de la grâce, pour y coopérer, et perdent cette sainte crainte qui porte la créature à faire le bien, à obéir à la volonté divine et à profiter avec soin des moyens que Dieu a ordonnés pour sortir du péché et pour acquérir son amitié et la vie éternelle. Ce danger est extrême dans les prêtres qui fréquentent l’Eucharistie et les autres sacrements sans ferveur, sans crainte et sans respect; dans les personnes savantes et dans les puissants du monde qui se corrigent difficilement de leurs péchés, parce qu’ils ont perdu l’estime et la vénération des remèdes que l’Église leur présente, qui sont les sacrements, la prédication et les saints livres. C’est pour cela que ces remèdes qui sont salutaires aux autres pécheurs et qui guérissent les ignorants, les rendent eux-mêmes malades, quoiqu’ils soient les médecins qui travaillent au salut spirituel des
autres.
- Ce ne sont pas là les seules raisons de ce mal, il y en a d’autres qui regardent le Seigneur même. Parce que les péchés de ces âmes, qui par leur état ou par leur caractère sont les plus obligées à Dieu, se pèsent dans la balance de la justice fort différemment de ceux des autres âmes qui sont moins favorisées de sa miséricorde. Et quoique les pé
chés de tous les hommes soient d’une même matière, ils sont néanmoins fort différents par les circonstances. Parce que les prêtres, les savants, les personnes puissantes, les prélats, et ceux qui ont un lieu ou un nom de sainteté, font un grand mal par le scandale de leur chute et par les péchés qu’ils commettent. Leur témérité est plus grande d’oser s’élever contre Dieu qu’ils connaissent davantage et auquel ils sont les plus redevables, l’offensant avec une plus grande connaissance, et par conséquent avec plus d’insolence et de mépris que les ignorants; ainsi il est extrêmement offensé par les péchés des catholiques, et il l’est beaucoup plus par ceux des personnes qui sont les plus éclairées, comme on le voit dans toutes les saintes Écritures. Et comme le terme de la vie humaine a été donné à chacun des mortels afin qu’il y méritât la récompense éternelle, de même il a été déterminé jusqu’à quel nombre de péchés la patience du Seigneur doit attendre et souffrir pour chacun : mais la justice divine ne calcule pas seulement ce nombre selon la quantité, mais aussi selon la qualité et le poids des péchés; ainsi il peut arriver que dans les âmes qui ont reçu plus de lumière et plus de faveurs du ciel, la qualité supplée à la multitude des péchés, et qu’elles soient abandonnées et punies avec un moindre nombre que les autres pécheurs. On ne doit pas s’imaginer qu’il arrive à l’égard de tous ce qui arriva à David et à saint Pierre (II, Reg., XII, v. 13; Luc, XXII, v. 61) parce qu’ils n’auront pas tous fait autant de bonnes œuvres avant leur chute, auxquelles le Seigneur ait égard. Il ne faut pas croire non plus que le privilège de quelques-uns soit une règle générale pour tous, parce qu’ils n’ont pas tous été choisis pour un ministère selon les jugements impénétrables du Seigneur.
- Votre doute sera éclairci ma fille, par cette doctrine, et vous connaîtrez quel mal c’est d’offenser le Tout-Puissant, combien est grand le malheur des âmes qui pèchent, lorsque le Seigneur les ayant rachetées par son propre sang, les élève et les conduit dans le chemin de la lumière, et comment une personne peut tomber d’un état relevé dans une plus grande obstination que celles qui sont dans un état inférieur. Le mystère de la passion et de la mort de
mon très saint Fils découvre cette vérité, en ce que les pontifes, les prêtres, les scribes et tout ce peuple étaient, par rapport aux gentils, plus redevables à Dieu et par leurs péchés ils devinrent plus obstinés, plus cruels et plus horribles que les mêmes gentils qui ignoraient la véritable religion. Je veux aussi que cette vérité et cet exemple vous rendent prudente et vous fassent craindre un si terrible danger, et que vous unissiez à cette sainte crainte une humble reconnaissance et une haute estime des bienfaits du Seigneur. Souvenez-vous de la pauvreté pendant l’abondance. Faites-en une juste comparaison en vous-même. Considérez que vous avez votre trésor dans un vase fragile et que vous le pouvez perdre; que lorsqu’on reçoit tant de faveurs, ce n’est pas une marque qu’on les ait méritées, puisqu’on ne les possède point par un droit de justice mais par une pure grâce. Que si le Très-Haut vous a traitée avec tant de familiarité, il ne vous a pas assurée pour cela que vous ne puissiez tomber, et il ne vous a pas donné lieu non plus de vivre dans la négligence ou de perdre la crainte et le respect. Plus ses divines faveurs croissent à votre égard, plus vous devez être vigilante, car Lucifer est plus irrité contre vous que contre les autres âmes, parce qu’il a connu que le Seigneur vous a plus donné de marques de son amour libéral qu’à plusieurs nations ensemble, et si vous étiez ingrate après tant de bienfaits et de miséricordes, vous seriez très malheureuse et digne d’un châtiment fort rigoureux et votre faute serait sans excuse.