Ordre des Frères Mineurs Capucins
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Chap. 17 - Souffrance de Jésus-Christ depuis le renoncement de saint Pierre jusqu'au lendemain

Source: Croset 1898

Ce que notre Sauveur souffrit depuis le renoncement de saint Pierre jusqu’au lendemain, et la grande affliction de sa très sainte Mère.

1283 Les évangélistes sacrés ont passé cet endroit sous silence, sans avoir déclaré où l’on mit l’Auteur de la vie, ni ce qu’il souffrit, ni les injures qu’il reçut dans la maison de Caïphe et en sa présence, depuis le renoncement de saint Pierre jusqu’au lendemain, quoiqu’ils aient néanmoins tous raconté le nouveau conseil qui se tint pour envoyer le Seigneur à Pilate, comme on le verra dans le chapitre suivant.

J’avais quelque crainte de toucher ce sujet et d’écrire ce qu’il m’en a été découvert, parce qu’il m’a été aussi montré qu’on ne connaîtra pas tout dans cette vie, qu’il n’est pas même convenable de le dire à tous, et que les mystères de la vie et de la passion de notre Rédempteur ne seront entièrement découverts aux hommes qu’au jour du jugement.

Pour ce qu’il m’est permis d’en manifester, je ne trouve point de termes qui soient proportionnés à la pensée que j’en ai formée, et encore moins à l’objet que je conçois, parce que tout y est ineffable et au-dessus de mes expressions. Mais obéissant au commandement qu’il m’en a été fait, je dirai ce que je pourrai, pour n’être pas reprise d’avoir caché la vérité, qui peut avec tant de sujet confondre et condanner notre vanité et notre oubli.

Je confesse en présence du ciel ma dureté, puisque je ne meurs point de confusion et de douleur d’avoir commis des péchés qui ont coûté tant de peines au même Dieu, qui m’a donné l’être et la vie que j’ai. Nous ne pouvons plus ignorer l’énormité du péché, puisqu’il a causé tant de fatigues et de mauvais traitements à l’Auteur de la grâce et de la gloire. Je serais la plus ingrate de tous les mortels, si dès maintenant je n’abhorrais le péché plus que la mort et autant même que le démon; et je déclare cette obligaon à tous les enfants de la sainte Église.

1284 Par les opprobres que notre Seigneur Jésus-Christ reçut en présence de Caïphe, l’envie de cet ambitieux pontife et la rage de ses ministres furent fort fatiguées, quoiqu’elles ne fussent point encore satisfaites. Mais comme minuit était déjà passé, ceux du conseil déterminèrent que, pendant qu’ils dormiraient, notre Sauveur serait gardé dans un lieu sûr jusqu’au lendemain. C’est pourquoi ils le firent mettre, lié comme il était, dans une espèce de cave souterraine qui servait de prison pour les plus grands voleurs et les plus scélérats.

Cette prison était si obscure qu’elle n’avait presque point de clarté, et si infecte qu’elle aurait été capable d’empester toute la maison, si on n’eût pris un très grand soin de la bien fermer : car il y avait eu pendant plusieurs années divers prisonniers sans qu’on l’eût jamais nettoyée; et comme elle était fort profonde et horrible par son infection, on la destinait pour ces hommes si méchants, qu’on les regardait comme indignes de compassion et comme des bêtes indomptables.

1285 On exécuta ce que le conseil d’iniquité avait ordonné; ainsi les ministres menèrent le Créateur du ciel et de la terre dans cette infecte et profonde prison. Et comme il était toujours lié de la même manière qu’il était venu du jardin, les bourreaux purent très facilement continuer les effets de la rage que le prince des ténèbres leur inspirait : car, se servant des cordes dont le Seigneur était attaché, ils l’amenèrent et en partie le trainèrent dans cet horrible lieu avec beaucoup de fureur, le chargeant de coups et de blasphèmes exécrables.

Il se trouvait dans un coin le plus reculé de cette cave une pointe de rocher si dur qu’on ne l’avait pu l’aplanir. Les bourreaux attachèrent notre Sauveur Jésus-Christ avec les bouts des cordes à ce rocher qui était fait en forme de demi-colonne; mais ce fut d’une manière très cruelle: car il n’avait pas la liberté de se redresser ni de s’asseoir pour prendre le moindre soulagement; et cette posture si gênante lui causait une peine inconcevable. L’ayant laissé dans cet état ils fermèrent les portes de la prison, et en remirent les clefs à un de ces méchants ministres afin qu’il les gardât.

1286 Mais le dragon infernal était continuellemenl agité par son orgueil, et désirait toujours savoir qui était Jésus-Christ; et voulant encore éprouver sa patience invincible, il inventa une nouvelle méchanceté, s’unissant avec ces ministres dépravés. Il inspira à celui qui avait les clefs du lieu où était le divin prisonnier et le plus grand trésor du ciel et de la terre, de solliciter ses compagnons aussi méchants que lui, de descendre tous ensemble dans la prison où était le Maître de la vie et de s’entretenir un peu avec lui pour lui donner occasion de deviner ou de faire quelque prodige; car ils le prenaient pour un magicien. Ils s’y résolurent donc par cette inspiration du démon.

Mais pendant qu’ils s’y préparaient, il arriva que la multitude d’anges, qui accompagnaient le Rédempteur dans sa passion, l’ayant vu dans une posture si pénible et dans un lieu si indigne et si abject, se prosternèrent devant lui et l’adorèrent pour leur Dieu véritable; et plus il se rendait admirable en se laissant traiter de la sorte pour l’amour des hommes, plus ils s’empressaient de lui témoigner leur vénération. Ils lui chantèrent quelques cantiques de ceux que sa très pure Mère avait faits à sa louange, comme je l’ai dit ailleurs.

Et tous les esprits célestes le prièrent au nom de cette auguste Reine, que puisqu’il ne voulait pas montrer le pouvoir de sa droite en délivrant sa très sainte Humanité de tant de peines, de leur permettre au moins de le délier pour lui donner quelque soulagement, et le défendre contre cette troupe de bourreaux, qui, provoqués par Lucifer, se préparaient à lui faire de nouveaux outrages.

1287 Le Sauveur ne voulant pas recevoir le service que les anges s’offraient de lui rendre, leur dit : « Ministres de mon père éternel, ce n’est pas ma volonté que vous me donniez maintenant aucun soulagement dans ma passion ; je veux souffrir tous ces opprobres et toutes ces peines, afin de satisfaire à l’ardente charité que j’ai pour les hommes, et laisser à mes élus et amis cet exemple, afin qu’ils m’imitent et qu’ils ne perdent point courage dans la tribulation; et afin que tous estiment les trésors de la grâce que je leur ai méritée avec abondance par le moyen de ces peines. Je veux aussi justifier ma cause, et faire voir dans le jour de ma colère aux réprouvés avec combien de justice ils sont damnés pour avoir méprisé la très douloureuse passion que j’ai souffert pour leur procurer le salut. Vous direz à ma Mère qu’elle se console dans cette tribulation, en attendant que le jour de la joie et du repos arrive; qu’elle m’imite maintenant en ce que je fais et en ce que j’endure pour les hommes; et que je regarde sa tendre compassion et toutes ses oeuvres avec beaucoup de complaisance ».

Les saints anges allèrent aussitôt trouver leur grande Reine, et ils la consolèrent par leur ambassade sensible, quoiqu’elle sut par une autre connaissance, la volonté de son très saint Fils et tout ce qui se passait dans la maison de Caïphe. Et lorsqu’elle connut la nouvelle cruauté que l’on exerça sur l’Agneau du Seigneur et la posture si pénible de son très saint corps, elle sentit la même douleur en sa très pure personne, comme elle sentait toutes les autres peines de l’Auteur de la vie : car elles résonnaient toutes comme un écho miraculeux dans le corps sacré de cette très innocente colombe; la même épée de douleur transperçait et le Fils et la Mère; avec cette différence pourtant, que Jésus-Christ souffrait comme Homme-Dieu et l’unique Rédempteur des hommes, et l’auguste Marie comme pure créature et la coadjutrice de son très saint Fils.

1288 Quand elle connut que sa Majesté permettait à ces cruels ministres provoqués par le démon d’entrer dans la prison, elle pleura amèrement pour les nouveaux outrages qu’on lui ferait. Et prévoyant les desseins sacrilèges de Lucifer, elle résolut d’user de son autorité de Reine pour empêcher qu’on ne fit aucune action indécente contre la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, comme ce dragon le prétendait par le moyen de la cruauté de ces malheureux hommes. Car, quoique toutes les actions qu’ils faisaient pour maltraiter le Sauveur, fussent indignes et d’une extrême irrévérence par rapport à sa divine personne; il pouvait pourtant y en avoir quelques-unes d’une plus grande indécence; et l’ennemi tâchait d’introduire celles-ci pour irriter le Seigneur, n’ayant pu altérer sa douceur par les autres. Ce que fit notre auguste Princesse dans cette occasion et dans tout le cours de la passion, fut si admirable, si héroïque et si extraordinaire, qu’on ne saurait le louer ni le raconter dignement, quand même on écrirait plusieurs livres sur cette seule matière; ainsi, il faut le réserver pour quand on jouira de la vision béatifique; parce qu’il n’est pas possible de l’exprimer pendant cette vie.

1289 Or, ces ministres d’iniquité entrèrent dans la prison, témoignant par des blasphèmes la joie qu’ils avaient pour les avantages qu’ils prétendaient avoir par le moyen des moqueries qu’ils voulaient faire du Seigneur des créatures. Et l’ayant abordé ils lui crachèrent honteusement au visage, et lui donnèrent des soufflets avec un mépris incroyable. Le Sauveur n’ouvrit point la bouche et n’éleva pas seulement les yeux, se tenant toujours dans une humble sérénité. Ces ministres sacrilèges voulaient l’obliger de parler ou de faire quelque action ridicule ou extraordinaire, pour avoir occasion de le faire passer pour magicien et de se moquer encore plus de lui; et comme ils virent cette douceur inaltérable, ils furent saisis d’une plus grande rage à laquelle les démons qui se trouvaient avec eux les portaient. Ils délièrent notre divin Maître du rocher où il était attaché, le mirent au milieu de la prison, et lui bandèrent les yeux avec un linge; et l’ayant ainsi au milieu d’eux, chacun lui donnait à l’envi des coups de poing et des soufflets, et redoublant leurs railleries et leurs blasphèmes, ils lui disaient de deviner qui l’avait frappé. Ces gens impitoyables proférèrent plus souvent ces blasphèmes dans cette occasion qu’en la présence de Caïphe, et lorsque saint Matthieu, saint Marc et saint Luc racontent ce qui se passa devant ce pontife ils comprennent tacitement ce qui arriva depuis (Matt., XXVI, v. 67; Marc, XIV, v. 65; Luc, XXII, v. 64).

1290 Le très doux Agneau se taisait parmi tant d’opprobres et de blasphèmes. Et Lucifer qui souhaitait avec ardeur qu’il témoignât quelque emportement, enrageait de voir une patience si immuable en notre Sauveur; et il inspira avec une malice infernale à ces ministres, qui étaient, et ses esclaves et ses amis, de le dépouiller entièrement, et de le traiter avec toute l’irrévérence et toute la cruauté qu’un ennemi si exécrable pouvait inspirer. Les soldats ne résistèrent point à cette tentation, et résolurent de l’exécuter. Mais notre très prudente Dame usant de son pouvoir de Reine, empêcha ce sacrilège abominable, y employant aussi ses prières, ses larmes et ses soupirs; car elle pria le Père éternel de ne point concourir à ces causes secondes de telles actions; et elle commanda aux puissances de ces mêmes ministres de n’user point de la vertu naturelle qu’elles avaient pour opérer.

Par ce commandement ces bourreaux ne purent rien exécuter de tout ce que le démon leur inspirait touchant ce sujet, parce qu’ils oubliaient aussitôt plusieurs choses qu’il leur mettait dans l’esprit, et qu’ils n’avaient pas la force d’accomplir les autres qu’ils souhaitaient de faire, car leurs bras étaient comme engourdis et perclus jusqu’à ce qu’ils eussent quitté leur pernicieuse résolution. Et ayant changé de dessein, ils revenaient à leur état naturel, parce que le miracle ne se faisait point alors pour les châtier, mais pour empêcher seulement les actions plus indécentes et permettre celles qui l’étaient moins, ou celles d’une autre espèce d’irrévérence que le Seigneur voulait bien souffrir.

1291 Notre puissante Reine commanda le silence aux démons, et de ne pas exciter les ministres et les soldats à commettre ces indécences auxquelles Lucifer voulait les porter. Par ce commandement le dragon fut abattu et n’eut pas la force d’entreprendre ce que la Vierge sacrée lui défendait; ainsi, il ne lui fut pas possible d’irriter davantage ces hommes dépravés; et ceux-ci ne purent ni dire ni faire autre chose que ce qui leur était permis. Mais ayant éprouvé en eux-mêmes ces effets si admirables, ils ne méritèrent pas de se détromper ni de connaître le pouvoir divin, quoiqu’ils se sentissent quelquefois comme perclus, et d’autres fois libres et sains, et tout cela presque dans un même temps : ces endurcis l’attribuant à l’art magique et disant que le Maître de la vérité et de la vie était un enchanteur. Et dans cette erreur diabolique ils continuèrent à maltraiter le Sauveur et à se moquer de lui par d’autres sortes d’injures, jusqu’à ce qu’ils connurent que la nuit était déjà fort avancée; et alors ils le lièrent de nouveau au rocher; ensuite eux et les démons sortirent de la prison. Ce fut une disposition de la sagesse divine de remettre au pouvoir de la très pure Marie la défense de son très saint Fils en ces circonstances par lesquelles il n’était pas convenable que Lucifer et ses ministres l’offensassent.

1292 Notre Sauveur demeura une autre fois seul dans cette prison, assisté néanmoins des esprits célestes qui admiraient les oeuvres et les secrets jugements de sa divine Majesté en ce qu’elle avait bien voulu souffrir; ils l’adorèrent pour cela et glorifièrent son saint Nom. Notre divin Rédempteur fit une longue prière à son Père éternel, pour ceux qui devaient être les enfants de son Église évangélique, pour l’exaltation de la foi et pour les Apôtres, spécialement pour saint Pierre, qui pleurait alors son péché. Il pria aussi pour ceux qui l’avaient outragé, et il adressa surtout sa prière pour sa très sainte Mère, et pour ceux qui, à son imitation, seraient affligés et méprisés du monde ; et il offrit pour tout cela sa passion et la mort qu’il attendait.

Dans ce même temps sa très affligée Mère faisait la même prière pour les enfants de l’Église et pour les ennemis de son Fils et les siens, sans avoir la moindre aigreur contre eux. Elle ne l’eut que contre le démon, comme incapable de la grâce à cause de son obstination irréparable. Et dans la sensible affliction où elle était, elle dit avec beaucoup de larmes au Seigneur :

1293 « Amour et bien de mon âme, mon Fils et mon Seigneur, vous êtes digne que toutes les créatures vous honorent et vous louent, car elles vous doivent tout honneur et toute gloire; parce que vous êtes l’image du Père éternel et la figure de sa substance; infini en votre être et en vos perfections, vous êtes le principe et la fin de toute sainteté. Si ces mêmes créatures dépendent absolument de votre volonté, comment, Seigneur, maltraitent-elles maintenant avec tant de mépris votre personne digne d’une adoration suprême ? Comment la malice des hommes a-t-elle osé s’élever avec tant de témérité? Comment l’orgueil s’est-il si fort oublié que de mettre sa bouche dans le ciel ? Comment l’envie a-t-elle été si puissante? Vous êtes l’unique soleil de justice qui éclaire et qui bannit les ténèbres du péché. Vous êtes la source de la grâce qui ne se refuse à personne, s’il veut la recevoir.

C’est vous, qui par un amour libéral, donnez l’être et le mouvement à ceux qui l’ont dans la vie, et dont toutes les créatures reçoivent leur conservation; tout dépend nécessairement de vous, sans que vous ayez besoin de rien. Or, qu’ont-elles vu ces créatures dans vos oeuvres? Qu’ont-elles trouvé en votre personne pour vous maltraiter de la sorte ! O laideur effroyable du péché, qui a bien pu ainsi défigurer la beauté du ciel et obscurcir sa splendeur! O monstre impitoyable, qui traite avec tant d’inhumanité le réparateur de tes désordres! Mais je connais, mon Fils, que vous êtes l’artisan du véritable amour, l’auteur du salut du genre humain, le Maître et le Seigneur des vertus; et que vous mettez en pratique la doctrine que vous enseignez aux humbles disciples de votre école.

Vous humiliez et confondez l’orgueil, et vous êtes pour tous l’exemple de salut éternel. Et si vous voulez que tous imitent votre charité et votre patience ineffable, je dois être la première à suivre votre exemple, moi qui vous ai donné la chair passible en laquelle vous êtes outragé et maltraté. O ! si je pouvais seule souffrir toutes ces peines, et faire en sorte, mon très innocent Fils, que vous en fussiez délivré! Mais si cela n’est pas possible, faites du moins que je souffre avec vous jusqu’à la mort.

Et vous, esprits célestes, qui admirez la patience de mon bien-aimé, et qui connaissez sa divinité immuable et l’innocence et la dignité de son humanité véritable, réparez les injures et les blasphèmes qu’il reçoit des hommes. Et déclarez qu’il est digne de recevoir l’honneur, la gloire, la sagesse, la puissance et la force. Conviez les cieux, les planètes, les étoiles et les éléments à le reconnaître, et voyez s’il se trouve une douleur égale à la mienne ».

Par ces discours si douloureux et par plusieurs autres semblables, la très affligée Mère adoucissait quelque peu l’amertume de ses peines.

1294 La patience qu’eut notre auguste Princesse dans la passion et à la mort de son très aimé Fils, fut incomparable : car elle ne crut jamais souffrir assez; la grandeur de ses peines n’égalait point celle de son affection, qu’elle mesurait à l’amour et à la dignité de son très saint Fils, et à l’excès de ses souffrances; dans tous les outrages que l’on faisait au même Seigneur, elle ne témoigna pas le moindre ressentiment; elle ne crut pas même en être offensée, quoiqu’elle les connût tous et les pleurât en ce qu’ils offensaient la divine personne de son Fils, et qu’ils étaient au préjudice de ceux qui les lui faisaient : elle pria pour tous et sollicita le Très-Haut de leur pardonner, de les retirer du péché et de tout mal, de les éclairer par sa divine lumière, et de leur faire la grâce d’acquérir le fruit de la Rédemption.

Instruction que j’ai reçue de la très sainte Vierge

1295 Ma fille, il est écrit dans l’Évangile (Joan., v, v. 27), que le Père éternel a donné à son Fils unique et le mien, la puissance de juger et de condamner les réprouvés au dernier jour du jugement universel. Et tout cela a été fort convenable, non seulemeut afin que tous ceux qui sont jugés et criminels, vissent alors le juge suprême qui les condamnera selon la volonté et la rectitude divine, mais afin qu’ils vissent aussi cette même forme de son humanité sainte, en laquelle ils ont été rachetés, et découvrissent en elle les opprobres et les peines qu’elle a soufferte pour les racheter de la damnation éternelle; et le même Seigneur qui les doit juger leur représentera tout ce qu’il a fait pour eux.

Et comme ils ne pourront lui alléguer aucune excuse, ni trouver aucune justification; cette confusion leur sera le commencement de la peine éternelle qu’ils ont méritée par leur ingratitude obstinée, car alors ils découvriront clairement la grandeur de la miséricorde avec laquelle ils ont été rachetés, et l’équité de la justice avec laquelle ils sont condamnés.

La douleur, les peines et les amertumes qu’eut mon très saint Fils de ce que tous ne jouiraient pas du fruit de la Rédemption furent extrêmes; et ce fut ce qui me pénétra le coeur dans le temps où je le voyais maltraiter avec tant de cruauté, qu’il n’est pas possible de le connaître dans la vie passagère. Je le connus dignement et clairement, et ma douleur fut proportionnée à cette connaissance, aussi bien que l’amour et la vénération que j’avais pour Jésus-Christ, mon Seigneur et mon Fils.

Mais les plus grandes peines que j’eus après celles-là, furent de connaître que sa Majesté ayant souffert une passion et une mort si cruelle pour les hommes, il s’en trouverait un si grand nombre qui se damneraient à la vue de ce prix infini.

1296 Je veux que vous m’imitiez aussi en cette douleur et que vous vous affligiez de ce malheur désolant; car parmi les mortels il n’y en a point d’autres qui soit digne d’être pleuré amèrement, il ne se trouve aucune douleur qui soit comparable à celle-ci. Il en est fort peu dans le monde qui fassent une sérieuse réflexion sur cette vérité.

Mais mon Fils et moi regardons avec une complaisance particulière ceux qui nous imitent en cette douleur et qui s’affligent de la perte de tant d’âmes. Tâchez, ma très chère fille, de vous distinguer en cela et ne cessez de prier; car vous ne savez comment le Très-Haut acceptera vos prières. Mais vous devez savoir qu’il promet de donner à ceux qui demanderont, et d’ouvrir la porte de ses trésors infinis à ceux qui y frapperont. Et afin que vous ayiez de quoi lui offrir, gravez dans votre coeur et dans votre mémoire ce que mon très saint Fils et votre Époux a souffert de ces hommes dépravés, et considérez attentivement avec combien de patience et de douceur il s’est assujetti à leur inique volonté. Profitez dès maintenant de cet exemple, et faites en sorte que ni l’appétit irrascible ni aucune autre passion de fille d’Adam règnent en vous, et qu’il se trouve dans votre coeur une horreur invincible pour le péché de l’orgueil et pour tout ce qui pourrait vous porter à mépriser et à offenser votre prochain. Demandez au Seigneur la patience, la douceur, la tranquillité dans les souffrances et l’amour de sa Croix. Unissez-vous à elle, recevez-la avec une pieuse affection, et suivez Jésus-Christ votre Époux, afin que vous puissiez l’atteindre.

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