Ordre des Frères Mineurs Capucins
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Instruction 2 - De l'Office Divin

Source: Jean-François de Reims (m. 1660)

Article 1 - De l’obligation que les Religieuses ont de dire l’Office Divin, ensemble les avis et résolutions nécessaires sur les difficultés de conscience qu’elles peuvent avoir en assistant au Choeur

Puisque le principal exercice des Religieuses destinées pour le Choeur est de s’employer à louer et glorifier Dieu, en chantant ou disant l’Office divin, et que plusieurs difficultés se peuvent présenter sur ce sujet, je mettrai ici les Instructions qui m’ont semblé nécessaires pour leur soulagement.

Elles doivent donc savoir que c’est une opinion reçue des Docteurs, que les Religieuses professes dédiées pour le Choeur sont obligées sur peine de péché mortel, de dire leur Office en particulier, quand elles n’assistent point au Choeur, si ce n’est que la maladie ou quelque autre incommodité les en excuse. Il faut néanmoins ici excepter les Religieuses, qui par Constitutions approuvées du Pape, sont exemptes de cette charge.

Or pour satisfaire à l’Office divin la Religieuse est obligée d’observer six choses:

  1. La première est, de le dire tout entier sans en rien omettre.
  2. La seconde, de le dire vocalement.
  3. La troisième, de garder l’ordre prescrit par l’Église.
  4. La quatrième, de le dire à son heure.
  5. La cinquième, de ne point faire d’interruption.
  6. Et la sixième, de le dire avec l’attention et intention requise.

La Religieuse est donc premièrement obligée de le dire tout entier: car si elle omettait volontairement une partie qui fût notable, elle pécherait mortellement; comme si elle omettait Sexte, None, ou quelque autre semblable Office; mais si elle omettait seulement quelque Psaume, ou deux, elle ne pécherait que véniellement. J’ai ajouté à dessein le mot volontairement: car il arrive quelquefois qu’on ne dit point quelque Office par un pur oubli, ce qui ne peut pas être condamné de péché mortel, vu que tel oubli n’est pas volontaire; néanmoins celle qui aurait reconnu être tombée quelquefois à ce défaut faute d’examen, semblerait être obligée de faire quelque petite revue sur soi-même touchant l’Office du jour: car autrement elle se mettrait au péril d’en oublier quelque chose. Au reste quand elle en a oublié quelqu’un par un oubli naturel, et qu’elle s’en souvient le lendemain, elle n’est plus obligée de le dire, vu que ce n’est plus le temps d’y satisfaire.

Secondement, elle est obligée de le dire vocalement: en quoi elle a diverses obligations: car si elle assiste au Choeur, elle semble être obligée, si elle n’a quelque incommodité, de chanter de son côté, principalement quand il y a peu de voix, vu qu’étant membre de la Religion, elle doit coopérer selon son pouvoir aux fonctions de la même Religion. Néanmoins pour satisfaire à l’obligation qu’elle a de dire l’Office divin, il n’est pas nécessaire absolument qu’elle le chante de son côté, mais il suffit qu’elle entende chanter l’autre côté du Choeur, et qu’elle dise avec une voix basse ce qui se dit de son côté, vu qu’en ce cas elle récite ce qu’elle est obligée de réciter de son côté, et participe à ce qui se chante de l’autre côté, et par conséquent satisfait à tout son Office. Ce qui doit consoler celles qui ont de la peine à chanter pour quelque infirmité, comme mal de tête, mal d’estomac, et semblable; car pourvu qu’elles puissent supporter le chant des autres sans incommodité, quoiqu’elles ne puissent pas chanter, elles doivent plutôt assister au Choeur, et dire l’Office avec les autres, en disant à voix basse ce qui se dit seulement de leur côté, que non pas le dire en leur particulier, vu qu’en ce faisant elles pourront avoir une plus grande attention, laquelle n’est pas peu interrompue quand on dit quelque Office pendant que les autres chantent. Néanmoins elles feront bien si elles peuvent de prononcer ce qui se chante de leur côté, avec une voix aussi haute comme si elles disaient l’Office avec quelqu’une hors le Choeur.

Pour donc satisfaire à l’Office divin, quand elles assistent au Choeur, elles doivent entendre ce qui se dit de l’autre côté. En quoi il est nécessaire de donner un avis, pour remédier à un scrupule qui est assez ordinaire aux âmes craintives : c’est que si elles n’entendent distinctement ce qui se dit de l’autre côté, elles s’imaginent de ne pas satisfaire suffisamment ; pour cette cause elles lisent dans leur Bréviaire ce qui se chante de l’autre côté, ou bien elles le disent à voix basse, si elles le savent par coeur ; et quand on vient à lire les Leçons et chanter quelque Répons, elles en font pareillement la lecture dans le Bréviaire. Qu’elles apprennent donc, que celle qui assiste au Choeur n’est pas obligée de dire en son particulier ce qui se dit de l’autre côté, quoiqu’elle n’entende pas quelques paroles ou Versets distinctement ; il suffit qu’elle prenne peine de les entendre. Il en est tout de même des Leçons et des Répons ; et pour donner une règle générale en ceci : tout ce qui se chante, soit par l’Hebdomadaire commun, ou Chantre, soit par les Choristes, et en un mot, tout ce qui se chante pour tout le Choeur par une seule, ou par plusieurs, ou par les Orgues et autres instruments, la Religieuse satisfait pleinement quand elle écoute ce qui se chante, et qu’elle répond quand il est besoin de répondre de son côté, ou avec tout le Choeur ; et faisant autrement, outre qu’elle donne occasion de distraction à celles qui sont auprès d’elle, elle obéit à ses scrupules, et se montre singulière en ne se conformant pas à la coutume de l’Église, qui a saintement ordonné que l’Office divin fût ainsi chanté alternativement, et que certaines choses fussent chantées par une ou plusieurs pour tout le Choeur, tant pour soulager la peine qu’il y a à chanter, que pour exciter davantage la dévotion.

Néanmoins quand on sonne les Orgues ou semblables instruments, on doit observer la coutume pratiquée aux Églises bien réglées : savoir, qu’une du Choeur profère à voix haute, en sorte qu’elle puisse être entendue de tout le Choeur, ce qui se dit par les Orgues, afin de satisfaire entièrement à l’Office divin : car il est constant que les Orgues ne prononcent pas les mots, mais elles observent seulement les notes. Que si quelque musique était jointe, ou avec les Orgues, ou avec autres instruments, en sorte qu’on pourrait entendre ce qui se chante, il ne serait pas nécessaire d’observer ce que dessus ; ni pareillement quand on joue des Orgues à la Messe, car il suffit que le Prêtre qui célèbre dise en son particulier ce qui est joué dessus les Orgues.

Pareillement la Religieuse ne doit faire difficulté, quand par mégarde ou par quelque autre occasion, elle a oublié de dire de son côté quelques mots ou versets, de continuer de chanter avec les autres, sans répéter ce qu’elle a laissé ; car outre que la faute est légère, c’est qu’on ne la peut réparer sans en faire une plus grande, savoir de se précipiter et troubler son attention en s’efforçant d’atteindre les autres. Que si elle a commis quelque manquement en cela, comme si cette interruption procédait pour avoir parlé sans nécessité à celle qui était auprès d’elle, elle y satisfera suffisamment en disant à la fin de l’Office quelque Pater noster, ou autre prière plus longue, selon la quantité des versets qu’elle aura laissés par sa faute.

Il faut dire de même quand cela lui arrive pour être un peu assoupie : néanmoins elle doit prendre garde, quand elle se sent assaillie de sommeil, de faire en sorte qu’elle chante avec celles de son côté, et qu’elle entende ce qui se dit de l’autre : car si elle était tellement assoupie qu’elle n’entendît pas ce qui se dirait de l’autre côté, ou qu’elle ne chantât que par intervalle avec celles de son côté, elle serait obligée de redire l’Office en son particulier, comme n’ayant pas satisfait ; mais quand elle a tout dit et tout entendu, elle ne doit pas le répéter, quoique son assoupissement lui aurait en partie empêché l’attention intérieure, vu qu’il lui suffit pour satisfaire, qu’elle ait fait son possible pour rompre le sommeil et pour se rendre attentive, car en ce faisant elle a eu une attention virtuelle laquelle suffit. Pour résoudre sa conscience en tel cas, elle doit distinguer deux sortes de sommeils : l’un qui assoupit tellement les sens qu’on n’entend rien ou presque rien de ce qu’on dit ou chante ; l’autre qui ne les assoupit qu’à demi et imparfaitement, à cause de la résistance qu’on y fait, qui fera toutefois perdre tantôt un mot, tantôt quelque verset ou demi-verset, et même empêchera qu’on ne soit si parfaitement attentif que de coutume. Le premier l’oblige de répéter l’Office ; le second ne l’oblige pas, mais il suffira pour suppléer à ce qu’elle aura manqué de dire ou entendre, qu’elle dise à la fin de l’Office quelque Pater noster, De profundis, ou autre prière, selon la quantité des mots ou versets qu’elle aura oubliés de dire. Néanmoins elle pécherait véniellement, si elle donnait occasion volontaire au sommeil, comme si elle se couchait trop tard pour faire sa propre volonté, qu’elle fût négligente pour surmonter son sommeil, etc.

Les Religieuses, et surtout les Supérieures et autres qui ont la conduite du Choeur, doivent prendre soigneusement garde que l’un des Choeurs n’anticipe pas sur l’autre : car si l’anticipation était notable, en sorte que les mots qu’un Choeur anticiperait sur l’autre feraient une partie notable de l’Office, elles ne satisferaient pas à leur obligation, outre le scandale qu’elles donneraient aux personnes séculières, lesquelles ne peuvent être édifiées entendant chanter de la sorte. Elles doivent encore prendre garde en chantant de prononcer distinctement tous les mots, et non chanter entre leurs dents, ainsi qu’il se pratique en quelques Monastères mal réglés, où les Religieuses chantant l’Office, et particulièrement les Offices de Notre-Dame, des Morts et semblables, semblent plutôt des personnes qui murmurent les unes contre les autres, que des personnes qui chantent les louanges de Dieu. En quoi se commettent de grands manquements : car outre qu’en chantant de la sorte, elles se mettent en danger de ne pas satisfaire à leur obligation, en ce qu’un Choeur n’entend pas distinctement ce que l’autre dit, c’est qu’elles causent plus d’indévotion aux séculiers que de dévotion, pour laquelle exciter le chant de l’Église a été néanmoins principalement institué.

Enfin elles doivent être bien soigneuses d’observer toutes les cérémonies extérieures qui se pratiquent au Choeur, selon la coutume de la Religion, comme sont les inclinations, génuflexions et semblables ; et s’efforcer de les faire avec l’esprit et la fin avec lesquels elles ont été instituées : savoir, pour s’exciter à une plus grande attention et révérence envers Dieu. Et qu’elles prennent garde de ne se pas montrer singulières en aucun geste du corps, ni en aucune cérémonie extérieure, comme sont les extensions des mains, les prosternations contre terre, les battements de poitrine, les soupirs et semblables, quand ils ne sont pas pratiqués par les autres Religieuses ; d’autant que ces singularités doivent toujours être évitées, à cause qu’elles donnent sujet de distraction et d’admiration. Que si elles commettent volontairement quelque immodestie au Choeur, soit en parlant sans nécessité, soit en regardant çà et là par curiosité, soit en riant, ou faisant autre chose contre la révérence due au lieu sacré, elles pèchent véniellement.

Au reste, je donnerai ici un avis : quand on s’aperçoit de quelque grande et notable faute au Choeur, il sera bon d’en avertir humblement la Supérieure, ou la Chantre, ou autre qui a soin de conduire le Choeur ; mais si la faute est légère (comme si on avait pris un verset pour un autre) il vaut mieux n’en dire mot : car le trouble qu’on exciterait au Choeur ferait une plus grande faute que celle qui est commise. En quoi plusieurs manquent, qui semblent n’avoir presque autre attention que de prendre garde aux défauts de l’Office, et à la moindre petite faute elles témoignent par leurs gestes et paroles, et souvent par murmures, leur impatience : elles feraient donc beaucoup mieux de s’étudier à l’attention, et laisser le soin de ce qui se doit chanter à la Supérieure, ou autre qui a la conduite du Choeur.

Quant à l’obligation que la Religieuse a d’assister au Choeur, je dis que celle qui manque à quelque Office par sa pure négligence, y pouvant aller si elle voulait, pèche véniellement. Quant aux infirmes, elles n’y sont pas obligées, quand leur infirmité est telle qu’elles n’y peuvent pas assister sans augmenter beaucoup leur incommodité. Ce que j’ajoute, d’autant qu’il y a certaines petites infirmités qui n’empêchent pas qu’on n’y puisse assister, comme serait quelque faiblesse d’estomac, quelque petite débilité, quelque petit mal de tête, et semblables maux qui arrivent assez communément à des filles, lesquels se surmontent aisément avec un peu de ferveur. Voilà comme la Religieuse se doit comporter au Choeur pour s’exempter de tout péché et scrupule.

Avis pour la Confession

Les personnes Religieuses pourront s’accuser ont manqué d’assister à quelque Office du Choeur, y pouvant aller commodément. Pareillement si elles ont négligé de s’y trouver au premier coup. Pareillement si elles ont chanté lâchement, et tièdement, sans cause d’infirmité. Pareillement si par leur négligence elles ont manqué à prononcer plusieurs mots, ou d’entendre ce qui se chantait de l’autre côté, ou ce qui se disait par quelqu’une du Choeur, et qu’elles spécifient si c’est une partie notable ou non : que si elles ont fait leur possible pour entendre, qu’elles ne s’en confessent pas. Pareillement si elles ont manqué à entendre quelque chose pour avoir été assoupies, qu’elles spécifient si ça a été une partie notable ou légère, et si l’assoupissement leur a empêché tout à fait l’attention, ou seulement quelque peu ; et si elles ont donné occasion à cet assoupissement par veilles indiscrètes, ou par leur lâcheté. Pareillement si par impatience elles ont anticipé sur l’autre côté, et tâché de faire hâter le Choeur davantage. Si elles ne se sont pas acquittées des inclinations, et autres cérémonies extérieures pratiquées communément. Et enfin si elles ont troublé le Choeur par quelque immortification volontaire.

Article 2 - Les avis et résolutions nécessaires sur les difficultés de conscience, que peuvent avoir les personnes religieuses en disant l’Office divin avec quelqu’une autre, ou en particulier

Pour commencer par le premier : quand une religieuse dit l’Office avec quelqu’une de ses soeurs, elle est obligée de prononcer ce qu’elle dit, en telle sorte qu’elle puisse être entendue de sa compagne, et réciproquement elle est obligée d’entendre ce que l’autre dit. En quoi elle ne doit pas se montrer scrupuleuse pour quelques mots qu’elles n’entendent pas par-ci, par-là, étant bien difficile d’avoir une voix si articulée que toutes les paroles se puissent entendre si distinctement, principalement des filles qui n’entendent pas ce qu’elles lisent.

Que si quelqu’une a de la peine à lire les leçons pour quelque infirmité, elle ne doit faire aucune difficulté de les faire lire entièrement par sa compagne, en quoi elle satisfait tout autant comme si elle les avait lues elle-même.

Quand quelqu’une, pour ses infirmités, ne peut dire son Office toute seule qu’avec beaucoup d’incommodité, et qu’elle le pourrait dire assez facilement avec une autre qui lui aiderait, elle semble être obligée, en ce cas, de demander à sa Supérieure quelqu’une de ses soeurs pour la soulager. La Supérieure, si elle ne lui accorde pas, témoigne assez, en lui déniant cette assistance, que ce n’est pas sa volonté qu’elle le dise ; elle doit donc s’abstenir de dire son Office.

Au reste, quand elle dit son Office avec quelqu’une, il n’est pas nécessaire qu’elle le dise avec une qui soit obligée de le dire, ni pareillement avec une qui la puisse entendre : c’est pourquoi elle le pourrait dire avec celle qui y aurait déjà satisfait, ou qui serait sourde. Même si elle-même, pour quelque empêchement qu’elle aurait à parler, ne pouvait pas se faire entendre de sa compagne, elle ne laisserait pas de satisfaire entièrement, pourvu qu’elle entende tout ce que l’autre dit, et qu’elle dise à voix basse les versets des psaumes, hymnes et autres choses qu’on a coutume de dire alternativement quand on dit l’Office ensemble.

Car en ce cas, encore que celle qui l’aide ne satisfasse pas, à cause qu’elle ne dit qu’une partie de l’Office et qu’elle n’entend pas l’autre partie, néanmoins, quant à son égard, elle y satisfait, vu qu’elle en dit une partie et entend l’autre partie, ce qui suffit, ainsi que nous avons déjà enseigné.

Quant au second (savoir si elle dit l’Office en particulier), elle est obligée de dire les paroles en telle manière qu’elle puisse être jugée prier de bouche, et non seulement mentalement ; et il n’est pas nécessaire de s’entendre soi-même, car le précepte n’oblige pas à s’entendre dire l’Office, mais seulement à dire l’Office.

Autrement, ceux qui sont sourds seraient obligés de le dire à haute voix, et pareillement ceux qui disent leur Office pendant qu’on fait du bruit, ce qui ne se trouve ni commandé, ni pratiqué par les gens doctes. La religieuse satisfera donc à son Office, pourvu qu’elle prononce tous les mots, soit qu’elle s’entende ou non.

Que si elle le disait seulement en esprit, quoiqu’elle y employât plus de temps et plus d’attention que si elle le disait de bouche, elle ne satisferait pas.

Non seulement elle doit prier de bouche, mais aussi elle doit prendre garde de prononcer tous les mots et syllabes, et non pas en manger une partie. Car si elle mangeait une quantité de mots qui pourraient faire une partie notable de l’Office, elle se mettrait en danger de n’y pas satisfaire ; mais si elle en mangeait seulement un petit nombre pour se trop précipiter, elle pécherait seulement véniellement.

Pour éviter ce manquement, qu’elle prenne une sainte habitude, quand elle dira l’Office en particulier, de le dire distinctement et révérencieusement, et qu’elle pense que tout le temps qu’elle peut gagner en se précipitant est bien peu de chose, outre l’irrévérence qu’elle commet en disant l’Office de la sorte.

Néanmoins, si cette précipitation ou mutilation de mots et syllabes provenait de quelque incommodité ou défaut de langue qui empêcherait la due prononciation, qu’elle ne pourrait pas corriger, elle ne pécherait pas, pourvu qu’elle fît son possible de bien prononcer.

Celle qui, par ignorance ou mégarde, a pris un Office qu’il ne fallait pas prendre — par exemple, l’Office d’un saint pour un autre saint — n’est pas obligée de prendre l’Office du jour, mais elle peut sans difficulté continuer l’Office qu’elle a commencé, sans qu’elle soit obligée à autre chose, pourvu que l’Office qu’elle a pris pour l’autre soit à peu près de même longueur que celui qu’elle devait prendre.

Car s’il y avait beaucoup de différence, comme si elle avait pris l’Office d’un saint pour celui du dimanche, elle serait tenue de dire quelques psaumes pour égaler l’Office du dimanche, comme de dire les neuf premiers psaumes des matines du dimanche.

Néanmoins, si elle s’en apercevait après avoir seulement dit matines, ou après avoir dit prime et tierce, elle pourrait, pour se conformer aux autres, répéter de l’Office qu’elle devait prendre ce qui ne convient pas à l’Office qu’elle a pris. Par exemple, elle aura pris l’Office d’un martyr pour celui d’un confesseur : il suffira de répéter l’invitatoire, les versets, les leçons, répons, antiennes, hymnes et les oraisons, sans répéter les psaumes, qui sont presque semblables.

Celles qui usent du Bréviaire romain réformé par Pie V ne sont pas obligées, sous peine de péché, quand elles ne se trouvent pas au choeur, de réciter l’Office de Notre-Dame aux jours de féries, ni pareillement l’Office des morts, les sept psaumes avec les litanies, et les psaumes graduels aux jours qui leur sont assignés, selon qu’il est porté dans le bref de ce pape, inséré dans les bréviaires romains.

C’est pourquoi, quand elles auront quelque infirmité qui ne leur permettra pas de dire ces Offices sans en recevoir une assez grande incommodité, elles ne doivent faire aucune difficulté de les quitter.

Néanmoins, elles sont obligées, sous peine de péché mortel, de dire l’Office des morts au jour que l’Église fait commémoration des trépassés, si elles ne le disent pas au choeur avec les autres, d’autant que cet Office est une partie de l’Office du jour, et n’est pas compris dans le bref cité.

Il faut dire de même des grandes litanies des saints, avec les prières et oraisons qui suivent aux jours de Saint Marc et des Rogations, que chacune est obligée de dire quand elle n’assiste pas aux processions.

Quant à celles qui ne tiennent pas l’usage romain, elles sont obligées aux Offices de Notre-Dame et autres ci-dessus mentionnés, en la manière que leur règle ou la coutume reçue pour loi les oblige.

Quand on dit l’Office en particulier, on n’est pas obligé d’observer tout ce qui se pratique au choeur quant aux gestes extérieurs ; et encore qu’à cause de la révérence due à Dieu, il soit convenable de le dire à genoux, néanmoins il n’y a point d’obligation sous peine de péché, mais on le peut dire en marchant, et quand on est incommodé, on le peut dire assis ou couché.

Au reste, quand on est en doute si l’on a dit quelque Office, si ce doute demeure, et qu’il ne se présente point de probabilité de l’avoir dit, on est obligé d’y satisfaire : mais si on a quelque conjecture probable de l’avoir récité, alors le vrai doute étant ôté, on n’est pas obligé de le redire. Il en est de même, quand après avoir achevé quelque Office on ne se souvient pas d’avoir dit un ou plusieurs Psaumes du même Office ; vu qu’on n’est pas obligé de les répéter, si ce n’est qu’on ait comme une assurance de les avoir oubliés (comme si, disant Laudes ou les petits Offices qui suivent, sans Bréviaire, on s’apercevrait de les avoir dits en si peu de temps qu’il ne serait pas croyable de les avoir dits entièrement).

Mais si on n’a pas cette assurance, on doit croire qu’on y a entièrement satisfait, vu qu’il arrive rarement qu’on oublie des Psaumes entiers ; et surtout les personnes scrupuleuses se doivent abstenir de ces répétitions, car ce serait un vrai moyen d’entretenir leurs scrupules.

Et il ne se faut pas étonner si nous ne nous souvenons pas souvent d’avoir dit quelque Psaume ou quelque Office : car pour nous en souvenir, il faut que nous ayons quelque idée d’avoir dit ce Psaume ou cet Office. Or il arrive souvent que nous l’avons dit sans aucune réflexion, et par conséquent il n’est pas étonnant si nous n’avons aucune idée de l’avoir dit, vu qu’elle présuppose nécessairement cette réflexion sur ce que nous disons, au temps même que nous le disons.

C’est pourquoi il ne se faut pas forger des doutes à la moindre occasion d’avoir oublié quelque Psaume ou Office ; mais l’on peut croire probablement de l’avoir récité, quand on n’a pas coutume de l’oublier, et quand il y a quelque apparence qu’on l’a dit en effet, quoiqu’on n’en ait pas une entière assurance.

Par exemple, j’aurai coutume de dire Sexte et None consécutivement ; néanmoins je n’aurai aucune souvenance d’avoir dit Sexte : je puis croire probablement de l’avoir dit, et ainsi des autres Offices ; à plus forte raison des Psaumes qui sont au milieu des Offices : car puisque j’ai coutume de n’en point oublier, je puis croire, me trouvant à la fin d’un Office, que je les ai en effet tous dits, sans en avoir oublié aucun.

Voilà les principales difficultés qui peuvent arriver aux Religieuses touchant la seconde obligation que nous avons mise après le commencement du premier article, savoir que l’Office divin se doit dire vocalement, soit quand elles assistent au choeur, soit quand elles le disent hors du choeur en leur particulier, ou étant aidées de quelqu’une. Passons à la troisième obligation.

Troisièmement, quand la Religieuse dit l’Office divin, elle est obligée de garder l’ordre prescrit par l’Église, savoir de dire Matines et Laudes devant Prime, et ainsi des autres. Néanmoins, celle qui pervertirait cet ordre par quelque négligence pécherait seulement véniellement, et il n’y a jamais péché mortel à pervertir cet ordre, s’il n’y intervient quelque mépris ou autre circonstance mortelle, ce qui se rencontre rarement aux personnes religieuses.

Et la raison est que ce changement et cette faute ne regardent pas la substance de l’Office, mais seulement l’ordre qui est prescrit par l’Église, lequel n’est qu’accidentel à l’Office. Même quand, pour quelque cause raisonnable, la Religieuse change cet ordre, elle ne commet aucun péché et ne doit faire aucune difficulté de le changer, l’occasion se présentant.

Par exemple, allant au choeur pour chanter Vêpres avec les autres, elle se souvient de n’avoir pas dit Sexte et None : elle doit chanter Vêpres avec les autres, et après Vêpres dire ces deux Offices sans répéter une autre fois les Vêpres. Il faut dire de même s’il est nécessaire d’aller à Matines lorsqu’elles se disent à sept ou huit heures du soir : car si elle se souvient de n’avoir pas dit Complies, elle doit chanter Matines avec les autres et dire Complies ensuite, sans être obligée de réciter Matines derechef.

Elle peut aussi pervertir cet ordre quand il est nécessaire de dire l’Office avec quelque arrêt. Par exemple, la Supérieure ou autre à qui sera dû quelque respect, étant incommodée, désirera qu’elle l’aide à dire Prime et les autres petits Offices qui suivent : elle lui peut aider sans difficulté, quoiqu’elle n’ait pas dit Matines, et ensuite elle dira Matines en son particulier, sans être obligée de redire encore ces Offices.

Et généralement, elle peut pervertir cet ordre toutes les fois que l’obéissance, la charité, ou la mégarde lui a empêché de dire quelque Office qui précède celui auquel il faut assister ou qu’il faut dire présentement.

En quatrième lieu, la Religieuse est obligée, quand elle dit son Office en particulier, de le dire au temps convenable : de sorte que celle qui, sans nécessité, préviendrait quelque Office notablement — comme qui dirait None dès l’aurore, ou Complies peu après midi — ou qui le différerait notablement — comme qui dirait Prime après midi — pécherait véniellement.

Mais quand cela se fait pour quelque bonne raison, comme pour satisfaire à l’obéissance ou à la charité, ou pour cause d’infirmité, il n’y a aucun péché. Il faut ici savoir que le temps déterminé pour satisfaire à l’Office d’un jour, ce sont les vingt-quatre heures du même jour qui sont entre les deux minuits, tellement que la Religieuse, disant son Office en quelqu’une de ces vingt-quatre heures, satisfait et s’exempte au moins de péché mortel ; et même elle peut dire Matines et Laudes après quatre heures après midi du jour précédent.

En cinquième lieu, la Religieuse doit prendre garde de ne faire point d’interruption sans nécessité en disant quelque Office, vu qu’elle ferait contre la révérence due à Dieu, si, ayant commencé de lui parler, elle quittait le discours commencé pour faire quelque autre chose : irrévérence qui serait péché véniel.

Néanmoins, quand il y a juste cause, elle ne pèche pas en faisant quelque interruption. Par exemple, une Religieuse infirme aura beaucoup de peine à dire Matines en une seule tirade, elle les peut interrompre sans péché et les dire en trois ou quatre fois, disant chaque fois un Nocturne avec ses leçons, en faisant telle pause qu’il lui semblera bon ; et même elle peut dire un Nocturne ou deux avant de se coucher et réserver le reste pour le lendemain.

Et quand elle divise ainsi les Nocturnes, il est expédient qu’elle les finisse par l’Oraison du jour et qu’elle commence par un Pater noster et un Ave Maria. Quant aux Laudes, elle les peut diviser d’avec Matines selon sa volonté, en finissant Matines par l’Oraison du jour.

Quant aux autres Offices, ils ne se divisent guère à cause de leur brièveté ; néanmoins, quand il y a cause raisonnable de les interrompre, on ne laisse pas d’y satisfaire en les disant en divers temps. Par exemple, une Religieuse n’aura pu venir au commencement de l’Office pour quelque empêchement, elle peut se mettre à chanter avec les autres, et puis à la fin de l’Office dire en son particulier jusqu’à l’endroit où elle a commencé à chanter, sans qu’elle soit obligée de passer plus avant, et principalement quand elle reconnaît que le choeur souffre pour le petit nombre de voix ; car en ce cas, elle doit aider les autres et pratiquer ce que dessus.

Une autre fois, elle sera appelée de l’Office qui sera déjà assez avancé : elle peut sortir et satisfaire à ce qu’on lui demande, et après poursuivre son Office où elle l’avait laissé. Il faut dire de même quand quelqu’une, par accident ou empêchement, et même par sa faute, aura laissé à chanter quelque Psaume étant au choeur : car en ce cas, elle fera mieux de suivre les autres et de chanter avec elles, et à la fin de l’Office dire le Psaume qu’elle aura laissé.

Ce qu’elle doit encore pratiquer quand, disant son Office en particulier, elle reconnaît avoir oublié quelque chose ; car en ce cas, elle doit poursuivre son Office et dire à la fin ce qu’elle a reconnu avoir oublié.

Au reste, on ne doit pas faire scrupule, quand la nécessité le requerra, de faire quelques petites interruptions, comme quand il est nécessaire de faire quelque petite demande, ou de répondre étant interrogée, car cela étant si peu de chose, elle ne peut pas être estimée interruption.

Avis pour la Confession

Les personnes religieuses s’accuseront si elles ont oublié quelque Office divin, et spécifieront l’Office ; et si elles l’ont omis volontairement ou par un oubli naturel.

Il faut dire de même de l’Office Notre-Dame, ou autre Office, si elles y sont obligées sur peine de péché par leur Règle : que si elles n’y sont pas obligées sur peine de péché, mais seulement par quelque bonne coutume, elles s’en pourront accuser si elles l’ont laissé par indévotion, mais si ç’a été avec raison, qu’elles ne s’en accusent pas.

Pareillement, elles pourront s’accuser si elles ont dit l’Office avec irrévérence, et en une posture indécente, par une lâcheté de courage et sans vraie nécessité.

Pareillement, si elles ont renversé l’ordre prescrit, pour avoir négligé de le dire en son temps. Pareillement, si elles l’ont différé notablement par négligence, ne le disant pas à son heure. Et enfin, si elles ont interrompu quelque Office sans nécessité par leur légèreté.

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