Ordre des Frères Mineurs Capucins
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Instruction 15 - Diverses sortes de conscience, et les règles qu’il faut observer pour les bien former

Source: Jean-François de Reims, Capucin (m. 1660)

Article 4 - De la conscience scrupuleuse, où sont données quelques règles que les personnes scrupuleuses doivent observer pour former leur conscience avec les instructions et avis nécessaires pour s’en bien servir ; ensemble les réponses à quelques objections sur ce sujet

La conscience scrupuleuse est celle-là (ainsi que nous avons déjà dit ailleurs) laquelle, à la moindre raison qui se présente à l’opposite de ce qu’elle entreprend licitement, est inquiétée et troublée, craignant qu’il n’y ait du péché ; ou qui, pour de faibles raisons, se forge du péché en des choses que les gens craignant Dieu ne font point difficulté d’entreprendre.

Par exemple, une personne qui saurait, par la résolution de son Directeur ou de quelque homme docte et pieux, qu’elle peut rompre le Carême pour quelque sienne infirmité, néanmoins agitée de plusieurs faibles raisons à l’opposite, n’ose pas suivre cette résolution : cela s’appelle scrupule. De même, elle saura par la raison qu’il n’y a pas de mal à prendre quelque honnête récréation, néanmoins, au temps d’une telle récréation, elle ne laissera pas d’être agitée de mille petites raisons qui lui font craindre qu’il n’y ait du péché : cela s’appelle scrupule, et ainsi des autres.

Or, bien que que la conscience erronée marche parfois de compagnie avec la conscience scrupuleuse ; néanmoins, il faut bien prendre garde à la différence qu’il y a entre l’une et l’autre, afin de se pouvoir servir comme il faut des règles générales que je mets en cette Instruction ; car si une personne scrupuleuse se voulait servir de certaines règles que je donne à ceux qui ont la conscience erronée, elle s’embrouillerait davantage dans ses scrupules, et surtout quand je dis qu’ils pèchent mortellement quand ils croient que la chose est péché mortel ; d’autant que le propre des personnes scrupuleuses est de prendre pour créance ce qui n’est en effet que scrupule, lequel néanmoins en est bien éloigné.

Quant à ceux qui ont une conscience scrupuleuse, à raison que j’ai traité des scrupules en général, au commencement du premier Livre de la première partie, et en particulier en plusieurs endroits selon les occasions qui se sont présentées, je me contenterai d’ajouter ici quelques règles générales, par le moyen desquelles ils pourront former leur conscience et se délivrer de tous scrupules.

(1) La première règle que doivent donc observer les scrupuleux, c’est qu’ils doivent établir pour fondement que tous leurs scrupules sont autant d’effets ou de leur faible esprit ou de leur imagination, et non d’un jugement ou conscience fondée sur de bonnes raisons. Cette croyance est absolument nécessaire s’ils veulent être guéris de leur maladie spirituelle ; car tandis qu’ils prendront leurs scrupules pour conscience, ils seront incurables, vu que cela les rendra opiniâtres en leur jugement et incapables de tirer aucun profit des instructions qu’on leur pourra donner. Au contraire, s’ils ont la susdite croyance, ils n’auront point de peine à se rendre obéissants à leur Directeur, mais observeront fidèlement les avis qui leur seront donnés, et ainsi obtiendront bientôt une entière guérison.

(2) La seconde règle qu’ils doivent observer, c’est que, quand ils sont jugés scrupuleux, ou par leur Confesseur, ou par quelque personne docte, ou que, par expérience, ils ont reconnu qu’ils se sont laissés aller à de faibles raisons pour ne pas faire ce qui était licite de soi : si quelque crainte se présente avant de faire une chose, ou qu’ils sentent de la peine à embrasser ou laisser ce que les personnes craignant Dieu embrassent ou laissent sans difficulté; en un mot, quand ils se trouveront agités de part et d’autre, ne sachant à quoi se résoudre, pour la crainte qu’ils ont d’offenser Dieu : il suffit, pour former leur conscience et s’exempter de tout péché, qu’ils aient quelque conjecture probable, ou qu’ils doutent qu’il y a du scrupule, et ainsi qu’ils embrassent ce qui leur fait peine, nonobstant les raisons qui peuvent se représenter à l’encontre. Tellement que, sitôt qu’une chose leur donnera de la peine, le seul doute qu’ils auront qu’il y a du scrupule en celle-ci suffira pour faire tout à l’opposite de ce que la conscience scrupuleuse leur dictera. Et se doivent bien donner garde d’examiner si les raisons qu’ils ont de faire ou laisser cette chose, contre ce que leur dicte leur conscience scrupuleuse, sont suffisantes pour se former la conscience ; car ce serait un moyen de s’embroiller davantage dans leurs scrupules : mais il suffit qu’ils doutent, si c’est un scrupule, pour entreprendre ce qui se présente, nonobstant les raisons qui se pourraient présenter à l’encontre.

Et il ne faut pas ici objecter qu’on se met en danger de commettre quelque péché en faisant de la sorte ; car puisque le scrupuleux est incapable de se conduire lui-même aux choses de conscience, il peut et doit avec toute assurance suivre les avis que son Directeur lui donnera ; or, parmi tous les avis, celui-ci est un des meilleurs pour faire mépriser les scrupules, en quoi consiste la guérison de cette maladie spirituelle, suivant l’opinion de tous les docteurs. Joint que, quand même j’accorderais qu’en observant cette règle, le scrupuleux se mettrait en danger d’embrasser parfois quelque oeuvre qui serait péché matériellement, néanmoins cette règle ne laisserait pas d’être bonne, vu que de deux maux il faut choisir le moindre : or, c’est un moindre mal d’exposer le scrupuleux au péril de faire quelque mal, lequel en ce cas ne lui serait imputé et ne serait pas péché en effet, que de l’exposer au péril de demeurer toujours dans ses scrupules, lesquels pourraient le conduire dans le danger de faire beaucoup plus grandes offenses et le rendre inhabile à tout bien.

Et afin que cette règle puisse mieux être observée des personnes scrupuleuses, c’est que le Confesseur y doit contribuer et ne leur jamais permettre ni de confesser les choses où elles ont eu du scrupule, ni encore moins d’en faire des confessions générales, n’y ayant rien qui les entretienne davantage dans leurs scrupules que de leur permettre ces choses ; mais il doit les habituer à vaincre d’elles-mêmes leurs scrupules, en s’opposant courageusement à ceux-ci.

(3) La troisième règle (que doivent observer ceux qui sont fort agités de scrupules), c’est qu’ils ne doivent faire difficulté d’embrasser chose aucune où ils auront du scrupule, s’ils ne croient fermement, sans aucune hésitation du contraire, qu’il y a péché mortel ; ce qu’ils doivent pareillement observer invariablement lorsqu’ils s’examinent pour se confesser. Voire même, ils ne doivent faire difficulté d’embrasser une chose, s’ils ne sont prêts à jurer qu’il y a péché mortel ; ni pareillement s’examiner, s’ils ne sont prêts à jurer qu’ils ont péché mortellement en la faisant. Il faut dire de même quand ils seront en peine s’ils se sont confessés d’un péché mortel qu’ils ont commis autrefois, car ils ne doivent pas le confesser s’ils ne sont prêts à jurer qu’ils ne l’ont pas confessé.

Enfin, les personnes qui ne sont pas tant scrupuleuses pourront former leur conscience, soit sur le jugement et la résolution de leur Directeur, quoiqu’avec crainte du contraire ; soit sur l’opinion de quelque homme docte et pieux, quoiqu’elles ne l’aient pas entendu de lui, il suffit qu’elles sachent par quelqu’un digne de foi que c’est son opinion. Elles pourront aussi se servir de la quatrième et cinquième règle, que nous avons donnée à ceux qui ont la conscience droite.

Reste seulement à répondre à certaines raisons qui pourraient entretenir quelques scrupuleux dans leurs scrupules.

(1) La première est de ceux qui disent qu’il faut faire chaque action comme si c’était la dernière, et comme si on était prêt de mourir ; mais à l’heure de la mort, on doit tenir compte de la moindre petite faute, et on ne voudrait pas faire en cette heure une chose dont on aurait du scrupule ; par conséquent, on ne doit jamais faire contre le scrupule. Je réponds qu’on doit s’opposer à ces scrupules en tout temps, puisqu’il est bon de s’y opposer ; voire à l’heure de la mort plus qu’en un autre temps ; car si on ne les méprisait en ce temps-là, le diable pourrait bien s’en servir pour porter l’âme au désespoir.

(2) La deuxième est de ceux qui disent qu’en matière de doute, on doit prendre la partie la plus sûre, et par conséquent, on ne doit pas faire contre le scrupule ; car si on ne fait pas grand bien en suivant ses scrupules, au moins ne commet-on point de péché. Je réponds que la partie la plus sûre pour le scrupuleux, c’est de suivre le jugement ou la résolution de son Directeur, et non pas ce que lui propose son esprit malade, lequel il ne peut suivre sans commettre quelque désobéissance ; étant donné que le scrupuleux n’est pas proprement agité de doute, comme nous avons dit ailleurs.

(3) La troisième est de ceux qui disent que les bonnes âmes reconnaissent du péché là où il n’y en a pas. Mais je réponds qu’encore que nous devions toujours croire qu’il y a de l’imperfection en tout ce que nous faisons, à raison de notre faiblesse et de l’amour-propre, qui est si fort enraciné en nous ; néanmoins il ne faut jamais entreprendre une chose avec cette croyance qu’il y a du péché, mais il faut former sa conscience de la manière que nous avons dite.

Avis pour la Confession.

Les personnes scrupuleuses s’accuseront ici fidèlement, non de leurs scrupules, lesquels ils doivent combattre constamment pour ne pas les confesser ; mais s’ils n’ont pas bien observé les remèdes qui sont ici couchés. Et premièrement, si elles se sont soumises entièrement au jugement de leur Directeur, si elles ont tant soit peu manqué à cette soumission, qu’elles s’en accusent exactement, puisqu’il y a de la désobéissance, et qu’elles fassent une ferme résolution de s’en amender. Pareillement, si elles se sont laissées aller à quelque scrupule, ne se portant pas courageusement à agir à l’encontre, qu’elles s’en confessent, puisqu’il y a du péché ou de l’imperfection à adhérer par trop à cette crainte.

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