Instruction 11 - Modestie
Source: Jean-François de Reims, Capucin (m. 1660), Le directeur pacifique des consciences
La vertu de modestie est un des moyens des plus efficaces pour édifier le prochain, d’autant que c’est elle qui règle notre extérieur, selon lequel il est, ou édifié, ou scandalisé; c’est pourquoi on doit avoir un soin très particulier d’observer les règles de cette vertu, soit en ses gestes, soit en sa contenance, soit en ses habits, soit en ses paroles, soit en sa conversation.
Or, pour bien connaître les manquements qui se peuvent commettre contre cette vertu; il faut savoir qu’elle requiert (1) une certaine bienséance en notre maintien extérieur; à quoi nous contrevenons en deux manières. Premièrement, en nous rendant dissolus et immodérés en nos gestes et contenances, en quoi nous commettons le péché de légèreté. Secondement, en affectant par trop un beau maintien extérieur, en quoi nous commettons le péché de vanité.
Il faut néanmoins faire distinction des temps, des lieux et des personnes; car le ris par exemple est bienséant en récréation, lequel serait immodestie en l’Église, et n’y a point de doute que le maintien extérieur d’une Religieuse doit être autre que celui d’une femme du monde, et ce qui serait bienséance à celle-ci, serait immortification à celle-là. Ainsi la gravité, qui est plus séante aux personnes anciennes, n’est pas convenable aux jeunes, lesquelles doivent avoir une modestie plus humble. Un maintien accompagné d’une joyeuse gravité, est bienséant à toutes personnes, car par ce moyen on évite une trop grande sévérité, et une trop grande légèreté.
(2) La modestie demande, que notre conversation soit bien réglée, ne parlant ni trop haut, ni trop bas, ni trop lentement, ni trop brusquement, n’interrompant pas les autres quand ils parlent. À quoi l’on contrevient quand on parle trop, et pareillement quand on est par trop retenu à parler.
Néanmoins il faut prendre garde au temps, aux lieux, et aux personnes; car il y a des paroles qui seraient condamnées d’immodestie, si elles étaient dites en autres temps qu’en récréation, et d’autres qui seraient trop dans la retenue, si elles étaient dites en temps de récréation: semblablement il y a des paroles qui ne seraient pas selon la modestie, si elles étaient dites en la présence des Supérieurs, ou autres personnes auxquelles nous devons du respect, lesquelles étant dites en la présence de personnes égales, seraient bien reçues. Il en est de même des lieux.
(3) La modestie requiert une certaine bienséance aux habits, à quoi on contrevient en deux manières.
(a) En ne se tenant pas honnêtement selon sa condition : ainsi une personne Religieuse contreviendrait à cette vertu, laquelle négligerait de se tenir nettement, et modestement comme les autres.
(b) En affectant trop d’être bien proprement habillé, en quoi on peut commettre plusieurs manquements; car les uns recherchent la préciosité aux habits, ne se contentant pas des ordinaires que portent ceux de leur condition mais, se revêtent d’une étoffe plus fine et plus précieuse, ce qui n’est pas ordinairement sans coulpe, et est surtout blâmable aux personnes Religieuses, lesquelles quand elles recherchent la préciosité en leurs habits, contre la coutume de la Religion, pèchent plus ou moins contre le voeu de pauvreté, selon l’excès qu’elles y commettent.
D’autres affectent par trop la netteté, en sorte qu’ils n’ont, ce semble, quasi autre attention, sinon, que leurs habits soient bien nets, en quoi il y a de l’affection déréglée : et encore que la netteté aux habits soit louable, néanmoins le trop de soin qu’on y apporte est blâmable. D’autres affectent une certaine vanité en leurs habits, désirant de paraître bien pimpants aux yeux du monde, ce qui est coupable en toute personne, mais monstrueux surtout aux personnes Religieuses, lesquelles s’étant rendues les Épouses de Jésus par un voeu solennel, s’étudient néanmoins, après une telle promesse, de plaire aux yeux des mondains, comme si la gloire d’une personne Religieuse consistait à paraître vaine, ce qui est scandaleux aux séculiers qui s’en aperçoivent, ne pouvant approuver une si sotte vanité.
Âmes indignes de la grâce spéciale de la vocation à l’état Religieux puisque faisant plus d’état de la vanité du monde, elles laissent en arrière la sainte modestie Religieuse: joint que ce désir de paraître telles, fait qu’elles se rendent particulières en la manière de s’habiller, et qu’elles contreviennent souvent, notablement au voeu de pauvreté.
Toutes ces immodesties ne sont ordinairement que péché véniel, et même elles sont sans péché quand elles sont, ou purement naturelles, ou involontaires: néanmoins si on commettait quelque excès notable en l’immodestie des habits, ou qu’il s’en ensuivît quelque grand scandale, il y pourrait avoir péché mortel, ce que je laisse au jugement du Confesseur.
Avis pour la Confession
L’âme craignant Dieu pourra s’accuser si elle s’est montrée légère et immodérée en ses gestes et contenances: que si elle a pareillement un maintien léger, si elle a fait ce qu’elle a pu pour corriger ce qui était défectueux, qu’elle ne s’en confesse pas.
Pareillement elle pourra s’accuser, si elle a trop affectionné d’être bien proprement habillée; à plus forte raison si elle a excédé en quelque chose ceux de sa condition, et si l’excès est notable, qu’elle le spécifie en Confession, soit en la préciosité, soit en la manière de s’habiller, ou trop vainement, ou en se découvrant par trop.
Pareillement elle pourra s’accuser, si elle a parlé immodestement et avec clameur.