Instruction 15 - Participer au péché du prochain
Source: Jean-François de Reims, Capucin (m. 1660), Le directeur pacifique des consciences
D’autant que nous pouvons participer au péché du prochain, soit en commandant, soit en conseillant quelque mal, soit en incitant au mal par persuasions et prières, soit en approuvant le mal par flatterie ou autre moyen, soit enfin par un consentement tacite, n’empêchant point le mal que nous pouvions ou devions empêcher: nous devons prendre garde de ne nous rendre participants des péchés de notre prochain en quelqu’une des manières susdites, car si nous y coopérions efficacement, en sorte que nous en serions la cause par l’une de ces manières, nous en serions coupables aussi bien que lui.
Néanmoins que l’âme craignant Dieu n’estime pas pour cela être obligée d’empêcher tout le mal qu’elle voit faire devant soi, les Supérieurs sont spécialement obligés à cela par leur charge, et les autres seulement par charité, laquelle doit toujours être accompagnée de grande circonspection.
En quoi les personnes craintives sont assez ordinairement agitées de scrupules, s’imaginant être obligées d’empêcher tout le mal qu’elles voient faire, et se persuadant en être coupables, sur la moindre raison apparente qui se présente. Car si par exemple on profère quelque blasphème en leur présence, si on détracte du prochain, si on se donne des injures, ou qu’on fasse quelque action mauvaise, elles s’imaginent être coupables de ce péché, pour ne l’avoir empêché en détournant le discours ailleurs, ou en faisant quelque correction: et surtout quand elles ont fait quelque action sans dessein et innocemment, qu’il semble avoir donné quelque occasion à ce mal, car c’est alors qu’il leur semble que tout est perdu, et qu’elles pensent assurément avoir été cause de ce péché.
Qu’elles apprennent donc, que nous ne sommes pas coupables d’un péché qui se commet par autrui si nous n’y avons volontairement, ou avec dessein donné quelque occasion en le conseillant, commandant, approuvant, ou faisant quelque autre chose, qui d’elle-même incitait à ce péché, ou que nous n’ayons pas fait la correction si nous étions obligés de la faire (de quoi nous avons parlé en l’Instruction 9. de ce Livre).
Que si nous disons ou faisons quelque chose innocemment, de laquelle quelque esprit imaginatif ou malicieux prenne occasion de se porter dans quelque colère, ou autre péché, il n’y a pas de doute que nous n’en sommes aucunement coupables. Il est bien vrai que nous devons être circonspectes à ne rien dire, qui puisse donner occasion à quelqu’un de s’offenser, principalement quand nous nous rencontrons avec quelque esprit bizarre; mais si par mégarde on lâche quelque parole, de laquelle quelqu’un s’offense mal à propos, après s’être excusé humblement, il faut se mettre en repos, et croire qu’il n’y a point ou peu de faute pour notre part.
Avis pour la Confession
On ne doit pas ici s’accuser en particulier d’avoir participé au péché du prochain, mais si on a été cause de lui en faire commettre quelqu’un qui soit de conséquence, en quelqu’une des manières ci-dessus alléguées, on s’en accusera en son ordre: comme si on lui avait conseillé de faire quelque chose assez notable pour se venger, il s’en faudrait accuser au péché de haine ou vengeance, et ainsi des autres.
Mais si on avait seulement coopéré au péché du prochain en chose de petite conséquence, il ne se faudrait pas beaucoup travailler pour s’en accuser si exactement, de crainte de s’embrouiller trop l’esprit.