Ordre des Frères Mineurs Capucins
Visitez le site vaticancatholique.com pour des informations cruciales sur la foi catholique traditionnelle.

Instruction 12 - Injures

Source: Jean-François de Reims, Capucin (m. 1660), Le directeur pacifique des consciences

Ce que c’est qu’injure, et quand elle est péché mortel ou véniel.

Il y a cette différence entre les injures ou contumelies, et les détractions, que par les détractions nous déchirons la bonne renommée de notre prochain en son absence, mais par les injures nous la déchirons en sa présence, en lui reprochant quelque défaut, soit corporel, soit spirituel, ou quelque péché secret qu’il aura commis, ou même quelque chose fausse, en intention de blesser son honneur.

Les injures sont péché mortel, quand délibérément et avec mépris on impose ou reproche à quelqu’un quelque péché ou défectuosité, avec intention de blesser notablement la renommée. Comme de lui dire, que c’est un larron ; de lui reprocher qu’il a fait un faux serment, et semblables, qui seraient capables d’ôter la bonne renommée à une personne. Et en ce cas on serait obligé de lui restituer son honneur, si les injures qu’on lui aurait données étaient cause qu’il aurait en effet été intéressé (comme nous venons de dire, parlant des détractions.)

Pareillement il y aurait péché mortel, si on lui disait quelque injure en intention de l’offenser notablement, quoiqu’elle ne serait pas suffisante pour ce faire, car cette mauvaise intention est de soi péché mortel.

Elles ne sont que péché véniel quand elles sont de petite conséquence, et qu’elles n’offensent pas notablement l’honneur du prochain, comme quand on reproche par quelque colère un vice à quelqu’un de petite conséquence, ou bien qui est de conséquence, mais auquel il est assez reconnu être adonné.

Pareillement il n’y a que péché véniel, quand on dit quelque injure atroce à une personne par un premier mouvement, ou qu’on n’a pas prévu qu’elle était capable d’offenser notablement sa renommée : néanmoins en tels cas si sa renommée était intéressée notablement, on serait obligé de réparer cette injure.

Que si on faisait quelque reproche à quelqu’un avec une bonne intention, soit pour le faire rentrer à soi-même, ou pour le porter dans l’amendement, il n’y aurait pas de péché ; d’autant que reprocher un péché, n’est pas chose mauvaise d’elle-même, mais s’il y a de la malice, c’est à cause de la mauvaise intention, ou de la manière avec laquelle on y procède.

La manière de bien juger de la gravité d’une injure.

Pour bien juger de la gravité d’une injure, il faut avoir égard et à la qualité de la personne qui l’a proférée, et à la qualité de celui à qui elle est dite. Une injure proférée par une personne de néant, n’est pas quasi estimée injure, mais proférée par un homme de bien, serait estimée très-grande. C’est pourquoi toutes les injures que se donnent les femmes querelleuses, et autres gens de semblable étoffe, qui disent tout ce qui leur vient à la bouche, sont de si petite considération qu’on n’y prend pas garde, lesquelles étant dites par des personnes prudentes seraient estimées fort atroces ; néanmoins ils ne laissent pas d’offenser grièvement Dieu, en ce qu’ils s’y portent par colère et mauvaise intention, et avec scandale du prochain.

Une injure proférée par un Seigneur à l’encontre de ses vassaux, par un Maître envers ses écoliers, par les Pères et Mères de famille envers leurs enfants et serviteurs, et par autres Supérieurs envers leurs sujets, ne sont pas ordinairement estimées grandes injures ni péché mortel, à cause qu’elles sont plutôt dites par manière de répréhension et correction, que pour offenser leur renommée. Mais quand elles sont dites par des personnes qui sont indépendantes l’une de l’autre, et auxquelles on a de la créance, il faut juger de leur gravité selon qu’elles sont offensantes la bonne renommée, et selon l’intention et la passion avec laquelle on y a procédé.

Qu’on ne doit pas se servir d’injures en reprenant les enfants, serviteurs, etc.

Or encore que les injures des Pères et Mères, et autres qui ont la conduite des enfants ne soient pour l’ordinaire péché mortel (ainsi que je viens de dire) néanmoins je les exhorterai ici de ne les jamais reprendre ni corriger par injures, vu que ce procédé détruit davantage qu’il n’édifie.

À quoi bon les appeler du nom de bête, d’âne, coquin, maraut, vilain, pendard, poltron, bélître, et autres semblables injures qui ne les font pas devenir meilleurs : tout le profit qu’ils retirent de ces paroles, c’est que les enfants en diront un jour de semblables à ceux qui seront dessous leur charge ; car s’ils n’imitent toujours ceux qui les élèvent en leur vertu, au moins ne manquent-ils guère de les imiter en leurs mauvaises coutumes, ainsi que l’expérience ne le fait que trop connaître.

Il faut dire de même quand les Maîtres se servent de telles paroles envers leurs serviteurs, et les Seigneurs envers leurs vassaux, auxquels ils parlent souvent comme s’ils étaient des chevaux ou des ânes, ne respectant aucunement l’image de Dieu qui est en eux, ce qui n’est pas exempt de coulpe.

La satisfaction qu’on doit faire à la personne injuriée.

Quand vous aurez donné quelque injure, ou fait quelque reproche d’un péché secret à quelqu’un quand ce seroit même seul à seul; faites en sorte qu’il soit satisfait. Que si l’injure a été réciproque, ne laissez pas vieillir ce mal, mais recherchez la réconciliation, par quelque manière que vous jugerez plus convenable, soit par vous-même, soit par une personne tierce, soit en le saluant, soit en l’allant visiter, et prendre occasion de lui parler de quelque affaire ou de choses indifférentes, ou par quelque autre moyen (comme nous avons dit en l’instruction 3. de ce livre art. 3.) où je vous renvoie.

Quand on peut s’opposer aux injures reçues, et quand on les peut communiquer secrètement à un ami.

Or encore que ce soit un acte de la vertu de patience, de souffrir les injures qu’on nous donne, si est-ce qu’il se peut rencontrer de bonnes raisons pour lesquelles nous pouvons nous y opposer. Comme serait pour réprimer l’insolence d’une personne accoutumée d’injurier les autres, afin qu’elle ne continue pas en ce vice, car en ce cas, sans donner lieu à la colère, on lui peut représenter comme elle fait métier d’attaquer les autres par injures, à quoi néanmoins elle n’a aucun droit.

On peut aussi s’opposer aux injures, quand on juge qu’en les endurant sans réplique, le fruit qu’on a fait et qu’on espère faire au prochain pourrait être empêché. Ainsi un Prédicateur étant injurié à tort, peut se défendre raisonnablement de l’injure qu’on lui impose, quand il juge qu’elle pourrait empêcher le fruit de ses prédications. Il faut dire de même des détractions, car on s’y peut opposer et en demander satisfaction pour les mêmes raisons.

Au reste, quand quelqu’un a reçu des injures atroces secrètement, ou en la présence de quelques-uns qui lui donnent de grandes afflictions, et qu’à peine peut-il digérer, il ne péchera pas, s’il les déclare à quelque sien ami, auquel il aura grande confiance, et qu’il saura être prudent et secret, afin de recevoir de lui quelque bon avis, consolation et soulagement en sa douleur.

La raison est, d’autant qu’il semble que ce soit une loi bien dure, si on était obligé de digérer tout seul des injures atroces qu’on aurait reçues, sans se pouvoir soulager en les déclarant à quelque sien ami. Qu’il prenne garde néanmoins de ne le pas faire avec un esprit de vengeance, pour diffamer celui qui les lui a dites; c’est pourquoi s’il peut recevoir autant de consolation, en déclarant les injures sans lui nommer la personne, qu’il s’abstienne de la nommer; pareillement qu’il ne le déclare à plus de personnes qu’il est nécessaire pour recevoir conseil et consolation; car si la chose était secrète, il ne lui serait pas loisible pour avoir été injurié de l’aller publier.

Avis pour la Confession

Encore que les injures ou contumélies soient de même espèce aussi bien que les détractions néanmoins à cause que leur malice peut être notablement augmentée dans la même espèce, si elles sont notablement diffamatoires, il sera bon de les spécifier, afin que le Confesseur en puisse mieux connaître la gravité: au moins est-on obligé de dire. Je m’accuse d’avoir donné des injures notables à quelqu’un, et avec un grand préjudice de sa renommée; et spécifier si on a eu intention de l’offenser notablement.

Que si on l’avait dit par surprise, sans une parfaite délibération, il faudrait s’accuser avoir dit une injure notable par surprise. Que si l’injure est de petite conséquence, il suffira de s’accuser avoir dit une injure légère, sans spécifier davantage.

Pareillement si on en avait dit par une mauvaise habitude aux enfants, serviteurs, etc. il suffira de se confesser avoir dit des injures légères à ses enfants, etc. par une mauvaise habitude.

0%