Instruction 3 - De quelles circonstances on se doit examiner
Source: Jean-François de Reims (m. 1660)
Il faut prendre garde touchant les péchés mortels, d’examiner des circonstances qui changent l’espèce du péché mortel. Par exemple, si une personne s’était laissée aller à un mauvais désir de commettre le péché déshonnête avec quelque personne particulière, elle serait obligée de spécifier, non pas la personne, mais la qualité de la personne en sa confession, et s’accuser d’avoir eu la volonté de commettre le péché avec un parent ou allié, ou avec une personne ecclésiastique ou religieuse, personne mariée ou non mariée : toutes lesquelles circonstances changent l’espèce et la malice du péché de la chair. La qualité de parent ou d’allié fait que le péché est un inceste ; la qualité d’ecclésiastique ou religieux fait que le péché est un sacrilège ; la qualité de marié fait que le péché est un adultère ; et la qualité de non marié fait que le péché est une simple fornication.
Enfin, on n’est pas obligé de confesser la circonstance d’ecclésiastique aux péchés où elle ne change pas l’espèce, comme aux murmures, détractions, jugements téméraires, aversions, et semblables, qui sont de même espèce, et jamais en chose légère ; ce que j’ajoute pour remédier à une tyrannie de certains confesseurs, surtout des maisons de religion, qui obligent les religieuses de spécifier cette circonstance aux moindres jugements, détractions, murmures, aversions, etc. Il suffit donc de dire simplement son péché, sans spécifier la qualité, quand même le péché serait mortel, et suffira en ce cas de dire : j’ai fait un jugement téméraire, une détraction, etc., en chose d’importance ; et s’il est seulement véniel, il faut dire : en chose de petite importance, sans rien dire davantage.
Non seulement il faut expliquer les circonstances qui changent l’espèce du péché mortel, mais aussi celles qui l’aggravent notablement. Par exemple, ce serait bien un plus grand péché de demeurer un an entier en quelque haine mortelle, ou bien en une volonté continuelle de commettre quelque péché déshonnête, que si l’on avait cette haine ou cette méchante volonté seulement l’espace d’un jour ou d’une heure. C’est pourquoi il faut prendre garde en son examen à la circonstance du temps et autres semblables qui aggravent davantage le péché mortel.
Non seulement il faut expliquer la circonstance du temps et autre circonstance quand elle aggrave davantage le péché, mais aussi quand elle multiplie le péché. Par exemple, une personne n’ayant aucune incommodité n’aura pas jeûné un jour qui sera commandé par l’Église, comme serait la veille de l’Assomption ; jeûne qu’elle aurait encore promis par vœu d’observer ; elle serait obligée, en s’accusant de ce péché, de spécifier cette circonstance, à cause que ces diverses obligations multiplient le péché.
Mais comme on est obligé de spécifier les circonstances qui aggravent le péché mortel, on est aussi obligé de spécifier celles qui le diminuent, telles que sont celles qui font que ce qui est de soi péché mortel, n’est point péché, ou n’est que péché véniel. Par exemple, une personne se sera échappée de dire quelque injure assez forte à un autre, mais par mégarde, et par un premier mouvement, ayant plutôt dit la parole que d’avoir pensé à l’offenser ; elle doit spécifier cette circonstance, et s’accuser d’avoir dit cette injure par mégarde.
Pareillement, quand un péché duquel on s’accuse est mortel de sa nature, mais qui peut être véniel par la petitesse de sa matière, tels que sont presque tous les péchés contre la charité de Dieu et du prochain, il faut spécifier en confession si c’est en matière de grande ou de petite conséquence. Par exemple, une personne aura fait quelque jugement téméraire ; ce n’est pas assez qu’elle dise en confession : je m’accuse d’avoir fait un jugement téméraire ; mais elle doit ajouter : en chose de petite ou grande conséquence ; car si c’est en chose de conséquence, il est mortel ; si c’est en petite chose, il est véniel. Il faut dire de même de la détraction, du larcin, de la transgression des vœux, et autres qui peuvent être mortels ou véniels.
Mais si le péché est de sa nature véniel, il ne faut pas expliquer cette circonstance, vu qu’il est toujours en chose de petite conséquence, comme sont les paroles oiseuses, paroles de vaine récréation, pensées inutiles et autres semblables.
Quant aux autres circonstances qui peuvent donner quelque petite diminution ou augmentation de malice en nos actions, il n’est pas nécessaire de les spécifier en confession. Pareillement, quand on est tombé en quelque péché auquel ont concouru plusieurs actions qui l’accompagnent assez ordinairement, et qui s’entendent suffisamment en spécifiant seulement le péché, il suffit de s’accuser de ce péché, sans expliquer toutes les menues circonstances. Par exemple, une personne aura fait quelque larcin, il n’est pas nécessaire de spécifier toutes les finesses et subtilités dont elle s’est servie pour venir à bout de son dessein ; mais il suffit de dire : j’ai dérobé telle chose. Il faut dire de même de l’action de la chair, car il n’est pas nécessaire de spécifier tout ce qui l’accompagne.
Ce que nous avons dit des circonstances des péchés mortels se peut observer à l’égard des péchés véniels, non pas par obligation (puisqu’on n’est pas même obligé de les confesser), mais afin d’en mieux faire connaître la vérité. Par exemple, une religieuse aura détracté d’une personne, cette détraction n’étant néanmoins que péché véniel, il est bon qu’elle spécifie si ç’a été contre sa supérieure, étant certain que la qualité de supérieure rend ce péché véniel plus grand. Elle aura eu une petite aversion volontaire contre quelqu’une de ses sœurs ; il est bon qu’elle s’examine combien cette aversion a duré, car il n’y a point de doute qu’une aversion de cinq ou six jours est un plus grand péché qu’une aversion d’une heure.