Chapitre 10
Portrait du “ministre et serviteur” des Frères
Texte : Que les frères qui sont les ministres et serviteurs des autres visitent et admonestent leurs frères, et qu’ils les corrigent humblement et charitablement, sans leur commander quoi que ce soit qui soit contraire à leur âme et à notre Règle. […]
Frère scrupuleux. – Un frère qui souhaite vivre sans danger devrait-il accepter d’être Ministre ?
Frère mature. – Je dis que dans la mesure du possible, il devrait éviter cette charge et les autres offices. Lorsqu’il voit qu’il ne peut pas l’exercer avec la diligence requise parce qu’il ne peut pas corriger les abus et les relâchements, ni corriger la multitude imparfaite, ou pour toute autre raison, il ne doit en aucun cas accepter.
Il en va de même lorsqu’il sait qu’il est incapable ou indigne, et ceci s’applique aussi lorsqu’il cherche un office directement ou indirectement et l’exerce au détriment de son âme. On ne peut compter combien de maux sont dus à l’ambition. Canon Multi, distinction 40 dit : Quicumque desideravit primatum in terra, inveniet confusionem in coelo; nec inter servos Christi computabitur, qui de primate tractaverit.
S’il est contraint d’accepter une charge, qu’il l’exerce avec une grande crainte de Dieu et un zèle pour la religion, travaillant toujours à la réforme dans la mesure de ses capacités, afin que la Règle et les ordonnances soient observées, en particulier celles concernant le culte et l’honneur divin, le travail, la prière, la charité envers les malades, et la préservation et le maintien de l’observance régulière.
Qu’il visite les frères avec sollicitude, charité et humilité, en leur témoignant toute courtoisie : Praelatus debet erga subditos sollicitam curam gerere, qu’il les admoneste avec bonté, de peur que si inordinatum silentium culpa non esset, nequaquam Propheta diceret: Vae mihi quia tacui.
Qu’il les corrige avec discrétion et charité, comme il est dit dans la Règle, et non par désir de vengeance : Praelatus non debet ex vindicta corrigere subditos, et qu’il impose une pénitence avec miséricorde, car tutius redditur ratio de misericordia quam de crudelitate.
Qu’il ne soit pas précipité ni crédule, mais qu’avant d’aller de l’avant, il examine soigneusement le cas et découvre la vérité : Praelatus non debet de subditis facile credere.
Qu’il soit vigilant, scrupuleux, dévot, humble, pauvre dans sa nourriture et ses vêtements, et exemplaire en toute sa conduite, prenant garde à ne pas donner de mauvais exemple comme s’il s’agissait de la mort : Praelatus mali tot mortibus digni sunt, quot ad subditos suos perditionis exempla transmittunt. Praelatus malus suo exemplo multos secum trahit ad inferos. Vita pastoris debet esse exemplar subditis.
Il doit devancer les autres dans les bonnes actions : Praelatus debet in conversatione et sermone praeire.
Il doit corriger les délinquants et ne pas tolérer les transgressions, car peccata subditorum prelatis imputantur.
Je dis la même chose concernant le gardien qui craint Dieu et souhaite sauver son âme. En plus de ce qui a été dit, qu’il étudie la Règle et ses explications ainsi que les ordonnances, et qu’il les fasse observer, surtout en ce qui concerne l’argent. Qu’il fasse lire continuellement les ordonnances, qu’il les explique, et qu’à un moment fixé, il consulte les frères, en les exhortant toujours à les observer et à être raisonnablement scrupuleux, surtout en ce qui concerne la pauvreté.
Qu’il pourvoie très scrupuleusement à la vie et aux vêtements des frères selon les déclarations mentionnées ci-dessus. Qu’il soit attentif aux choses divines, à la prière, à l’office, au silence, etc., et à la charité envers les malades et les visiteurs. Qu’il garde les frères dans la maison, ne leur accordant pas la permission de sortir pour chaque raison, et qu’il n’autorise pas les disputes, source de tant de mal. Qu’il leur fasse observer les préceptes divins, sans les occuper de travaux serviles les jours saints d’obligation. Qu’il contrôle leur style de vie, n’autorisant ni récréations ni discussions, promouvant toujours le bien par la parole et par l’exemple. En un mot, qu’il n’exerce pas sa charge en causant le malheur et des dommages à l’observance régulière et la damnation de son âme.
C’est la vérité, prouvée par une longue expérience, que si les supérieurs faisaient ce qu’ils devraient, il n’y aurait pas besoin de chercher une autre réforme. Cependant, parce qu’ils sont négligents et timorés, qu’ils ne se préoccupent pas de l’observance, ils sont les premiers transgresseurs et n’osent donc pas admonester et punir les fautifs. Ainsi, ils sont la cause principale de tout mal et de toute rupture de l’ordre qui arrive par leur faute. Ils portent atteinte à la vie religieuse, et quand ils mourront, ils devront rendre un compte très strict à Dieu.
Texte : Que les frères qui sont soumis se souviennent que, pour l’amour de Dieu, ils ont renoncé à leur propre volonté. (Ceci est une admonition). Je leur ordonne donc strictement d’obéir à leurs ministres. (Ceci est un précepte). Selon le texte pisan, cela inclut tous les supérieurs, car les maîtres sont appelés ministres dans l’Évangile, dans toutes les choses qu’ils ont promis d’observer au Seigneur.
Frère mature. – Notez que lorsque la Règle dit que les frères sont obligés d’obéir dans toutes les choses qu’ils ont promis d’observer, cela signifie qu’ils doivent obéir dans toutes les choses qui leur sont commandées, tant qu’elles ne sont pas contraires à leur âme ou à la Règle. Ainsi, ils renoncent à leur propre volonté lors de leur profession et se soumettent à la volonté des autres. L’abandon de sa propre volonté est le fondement de l’obéissance, et il est dit : “Qu’ils se souviennent que pour l’amour de Dieu, ils ont renoncé à leur propre volonté.” Bien que le Saint les admoneste de se souvenir de cette renonciation, en raison de leur profession, son observance a la force d’un précepte grâce aux déclarations des pères de l’Ordre.
Voyez ci-dessus dans le premier chapitre, où il est question de vivre dans l’obéissance.
Concernant la Confession Sacramentelle
Frère scrupuleux. – Si un frère reconnaît qu’il est faible et sait qu’il ne peut se confesser sans nuire à son âme, est-il obligé d’obéir lorsqu’on le lui commande ?
Frère mature. – Les Quatre Maîtres et le texte pisan disent que lorsque le supérieur le sait, il ne peut pas le commander au sujet, et le sujet n’est pas obligé d’obéir, tout comme dans d’autres situations contraires à son âme et à la Règle. Saint François ne mentionne pas la confession dans la Règle. Lorsqu’il mourra, on ne demandera pas à un frère s’il s’est confessé, mais s’il a observé la Règle.
Celui qui se confesse ne doit pas aller au-delà de ce que la loi commande. Ainsi, lorsque le danger est grand, il est préférable de ne pas se confesser, comme Saint François l’exhortait à ses frères. Voir dans les Conformités sous la rubrique Franciscus praedicator.
Cela s’applique d’autant plus à celui qui ne s’en sent pas capable. L’ignorance, la témérité, la cupidité et la peur de déplaire sont les causes de très nombreux maux dans la confession.
Saint Bonaventure dit que non seulement ce qui est contre l’âme, mais aussi ce qui est proche ou incite au péché doit être évité.
Observer la Règle spirituellement
Texte : Où que se trouvent les frères qui savent et sentent qu’ils ne peuvent observer la Règle spirituellement, ils peuvent et doivent avoir recours à leurs ministres.
Frère mûr – Notez que lorsqu’il est dit « ils doivent » [124v], cela commande à ceux qui ne peuvent pas observer la Règle spirituellement d’avoir recours à leurs ministres. Lorsqu’il est dit « ils peuvent », cela signifie qu’ils ne doivent pas être empêchés, et ainsi cela ordonne aux autres frères de ne pas les entraver.
Frère scrupuleux – Les Quatre Maîtres, le frère Hugues, saint Bonaventure et le Pisan disent qu’observer la Règle spirituellement, c’est l’observer dans sa pureté et sa rigueur, ou sans l’occasion prochaine de pécher. À l’inverse, ne pas pouvoir l’observer spirituellement reviendrait à ne pas pouvoir l’observer dans sa rigueur et sa pureté ou sans tomber dans l’occasion de pécher contre la pureté de la Règle, particulièrement dans les matières spirituelles, telles que la paix du coeur et la pureté de conscience. C’est ce que dit saint Bonaventure.
Dans l’explication des Pères de l’Ordre, il est écrit : « Observer la Règle spirituellement, c’est selon son sens véritable, que le Saint-Esprit exprime en elle à un niveau de perfection. »
Saint François disait : « Une chose est accomplie spirituellement lorsqu’elle est réalisée avec simplicité et de manière religieuse, suivant l’esprit et non la chair. » Cependant, certains l’observent physiquement mais non spirituellement, lorsqu’ils sont animés d’un faux esprit, qu’ils méprisent l’environnement de l’Ordre et les choses que d’autres frères observent spirituellement, et qu’ils critiquent toujours ceux qui sont bons sans considérer qu’ils vivent selon la Règle.
Ainsi, lorsqu’ils constatent que l’obéissance, la pauvreté, la chasteté, la charité ou d’autres points essentiels de la Règle sont en danger, ils doivent avoir recours à leurs ministres. C’est ce que dit Martin V : « Lorsque des biens sont ajoutés au lieu, que le soin des âmes ou des pénuries nécessitent de dépasser la pratique habituelle de l’Ordre dans la quête et l’amassage malhonnête [125r] contre la pureté de la Règle, ou lorsqu’il y a des amitiés malhonnêtes, que les frères ne peuvent tolérer, surtout les simples et faibles, et des choses similaires. » À la fin du chapitre deux, saint Bernard dit la même chose.
Ubertin et la Serena conscientiae disent : « Lorsque les frères sont empêchés de porter des vêtements simples et de vivre avec austérité, comme la Règle le commande, ou si les lieux possèdent des rentes annuelles ou quêtent de l’argent ou des objets de manière désordonnée ou interdite, ou lorsqu’il y a un danger d’amitiés gênantes qui ne favorisent pas la Règle et empêchent les autres ; la Règle dit que dans ces circonstances et d’autres similaires, ils ne ‘peuvent’ pas seulement, mais ‘doivent’ avoir recours à leurs supérieurs et exiger que des lieux soient établis où la Règle puisse être observée spirituellement et sans de tels obstacles. Sinon, ils sont blâmables et méprisent leur propre salut en ne manifestant pas le danger pour leur âme à leur supérieur. La Règle dit « où les frères savent » — c’est-à-dire par expérience — « et sont conscients » — c’est-à-dire par un jugement équilibré. C’est ce que dit saint Bonaventure.
Texte : Que les ministres, en outre, les reçoivent charitablement et avec bienveillance et qu’ils aient avec eux une telle familiarité que ces mêmes frères puissent leur parler et traiter avec eux comme des maîtres avec leurs serviteurs, car ainsi il doit en être que les ministres sont les serviteurs de tous les frères.
Certains commentateurs de la Règle disent qu’il s’agit d’un précepte pour les ministres de pourvoir aux frères qui demandent les lieux mentionnés ci-dessus. Une confiance basée sur la charité est merveilleuse, lorsqu’un sujet peut dire cela à son supérieur et se comporter comme un maître avec son serviteur.
Cependant, comme le dit saint Bonaventure, dans cette situation, les supérieurs ne doivent pas [125r] prononcer une parole arrogante envers leurs sujets et renoncer à tout acte de supériorité à l’exemple de Celui qui a dit : « Que celui qui est le plus grand parmi vous soit votre serviteur. » C’est ce que dit saint Bonaventure. Les supérieurs sont des serviteurs par amour de Celui qui, bien que Dieu, a pris l’apparence d’un serviteur pour nous. La Règle n’exige pas plus, ni ne signifie autre chose que les supérieurs soient les serviteurs de leurs sujets, et ainsi il est dit : Non ita debet esse etc. À cet égard, les sujets peuvent contraindre les supérieurs et les destituer lorsqu’ils font le contraire, puisqu’ils doivent servir en respectant l’observance régulière. Ex declarationibus Patrum. Voir le premier chapitre.
Notez que le pape Honorius, en examinant très soigneusement ce qui était dans la Règle, dit à saint François : Béni est-il etc. Voir le premier chapitre.
Cependant, notez ces mots : « Où que se trouvent les frères qui savent qu’ils ne peuvent observer la Règle spirituellement, ils peuvent et doivent avoir recours à leurs ministres, » et les ministres sont tenus par obéissance de leur accorder ce qu’ils demandent avec bonté et librement. Si les ministres ne veulent pas le faire, les frères sont autorisés et ont une obéissance à observer la Règle à la lettre où ils le peuvent, puisque les supérieurs et les sujets sont soumis à la Règle. Le pape dit que les mots cités plus haut pourraient être une cause de péril pour les frères qui ne sont pas solidement enracinés dans l’amour de la vertu et pourraient provoquer des divisions et des scandales au sein de l’Ordre. À cause de cela, il voulut changer ces mots.
Saint François répondit : « Je n’ai pas mis ces mots dans la Règle, Jésus-Christ l’a fait, Lui qui sait mieux ce qui est nécessaire pour le salut [126r] des frères et la bonne conservation du milieu religieux, et tout ce qui est dans l’Église et l’Ordre à l’avenir est présent et clair pour Lui. Ainsi, les paroles du Christ ne doivent pas et ne peuvent pas être changées. »
Puis le pape dit : « Celui qui t’a inspiré à écrire ces mots m’a inspiré à les changer. Cependant, je veillerai à ce que, tout en préservant le véritable sens de la Règle, j’en atténue le sens littéral afin que les ministres sachent qu’ils sont obligés d’agir purement et simplement selon la volonté du Christ et de la Règle, et qu’il n’y ait aucune occasion pour personne de pécher sous prétexte de vouloir observer la Règle. »
Ainsi, le pape, et non saint François, changea ces mots et inséra ceux qui apparaissent dans la Règle actuelle. Cela signifie que les bons frères zélés ont autorité sur les supérieurs quant à l’observance de la Règle, comme des maîtres sur leurs serviteurs. Ainsi, ils peuvent les commander et les forcer à les aider à observer la Règle, car il est écrit : Possint eis dicere et facere etc. Ici, une grande liberté est accordée aux bons frères pour mettre en pratique leur désir d’observer la Règle. Ces faits sont cités des chroniques [126v] de l’Ordre où ils sont rapportés par le frère Léon, le compagnon de saint François.
Notez que lorsque saint François était à la Portioncule, Seigneur Nicolas de Todi lui dit avec grande révérence : « J’ai résolu d’observer l’Évangile et la Règle, comme je l’ai promis, simplement et fidèlement, selon l’interprétation que le Christ a dictée à travers vous, avec l’aide de Sa grâce. Cependant, je vous demande une faveur, que si, de mon vivant, les frères dévient de la pure observance de la Règle, telle que vous l’avez proclamée par le Saint-Esprit, je puisse, avec votre obéissance, soit seul, soit avec quelques-uns qui désirent l’observer purement, me séparer de ceux qui ne veulent pas l’observer et la vivre parfaitement. » Saint François, comprenant cela, fut très heureux et le bénit en disant : « Sache que ce que tu as demandé au Christ et à moi t’est accordé. » Plaçant sa main droite sur ce frère, il dit : *« Tu es sacerdos in aeternam secundum ord
L’étude de la sagesse
Texte : Que ceux qui sont illettrés ne s’inquiètent pas d’apprendre
Frère mûr – Saint François savait combien de malheurs et de dommages seraient causés à l’observance régulière par l’apprentissage et l’étude, à cause de l’ambition et du prestige à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ordre, de l’extinction de la prière et de la dévotion, de l’atteinte à la pauvreté par l’achat de livres coûteux et superflus et par le recours à l’argent, par l’utilisation de chevaux, par la destruction d’un mode de vie observant et par d’innombrables maux que nous avons connus dans le passé et que nous connaissons encore aujourd’hui. Il voulait que les frères avancent sur le chemin de la simplicité et évitent l’occasion de tels maux. Ainsi, il a invoqué des malédictions sur le premier frère qui voulut étudier à Bologne, une malédiction qu’il ne voulut jamais retirer, et ce malheureux frère mourut de manière misérable.
Une fois, lorsque l’évêque d’Ostie, après que les frères l’eurent persuadé d’intercéder, demanda au Cardinal de parler à saint François pour qu’il accepte les conseils de frères sages et savants, afin de suivre ce qui était enseigné dans la Règle de saint Augustin et de saint Benoît, saint François dit aux frères en présence du Cardinal : « Mes frères, le Seigneur m’a appelé par le chemin de la simplicité et de l’humilité. En vérité, il me l’a montré ainsi qu’à ceux qui croiraient en moi. Par conséquent, je ne veux pas que vous me mentionniez [127v] d’autre règle que celle que le Seigneur m’a donnée, qui a voulu qu’en ce monde je sois un bâton pour confondre la fausse sagesse du monde. Ainsi, je ne souhaite vous guider par aucune autre sagesse que celle-ci. Dieu vous confondra par votre sagesse et votre savoir. » Cela est tiré des chroniques de l’Ordre. […].
L’activité du Saint-Esprit
Texte : Qu’ils prêtent attention à ce qu’ils doivent désirer par-dessus tout : avoir l’Esprit du Seigneur et son activité sainte, prier toujours avec un cœur pur, avoir l’humilité et la patience dans la persécution et l’infirmité, et aimer ceux qui nous persécutent, nous réprimandent et nous critiquent, car le Seigneur dit : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient. Bienheureux ceux qui souffrent la persécution pour la cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux. Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. »
Frère mûr – La patience, l’humilité, l’amour des ennemis et les autres vertus sont les activités du Saint-Esprit. Prier sans cesse et toujours conserver l’esprit de prière et de dévotion est la seule manière d’implorer la clémence du Sauveur avec des soupirs inexprimables.