Chapitre 9
L’intention de saint François concernant l’exercice de la prédication
[Frère mûr]. – Notez que saint François ne voulait pas que les frères cherchent des privilèges pour pouvoir prêcher dans les églises contre la volonté de leurs bienfaiteurs. Il avait l’habitude de dire : « Je ne veux ce privilège du Seigneur que celui-ci : ne jamais avoir de privilège de la part de quiconque, sauf de montrer du respect à tous, et par l’obéissance de la sainte Règle, convertir les pécheurs plus par l’exemple que par la parole. Faites de même et prêchez par une sainte humilité et un bon exemple plus que par la vertu de privilèges […].
[…] Saint François disait que un religieux est un aussi bon prédicateur qu’il est de bonne conduite, car l’arbre se reconnaît à ses fruits. Il faut d’abord essayer de pratiquer ce que l’on prêche et toujours prier avant de commencer, en demandant à Jésus-Christ de mettre des paroles sur ses lèvres et qu’il prêche toujours ce qui est utile pour l’honneur de Dieu et le salut des âmes, évitant les extravagances et la pompe. Que les Saintes Écritures soient la base entière de sa prédication, accompagnée de la crainte de Dieu, de gestes et comportements religieux et dévots, et d’humilité et de patience en ce qui concerne la nourriture, se contentant de quelques pauvres choses par amour de Jésus-Christ, motivé uniquement par l’amour de Dieu et du prochain.
Lorsque saint François a été interrogé sur le fait qu’il voulait que les frères lettrés qui avaient rejoint l’Ordre se consacrent à l’étude des Saintes Écritures, il répondit par l’affirmative, à condition que, suivant l’exemple du Christ qui priait plus qu’il ne lisait, ils ne négligent pas l’étude de la prière sainte [121v] et qu’ils n’étudient pas pour apprendre à bien parler, mais à bien se conduire et à expliquer aux autres comment bien se comporter : « Je veux que mes frères soient des disciples de l’Évangile et qu’ils progressent ainsi dans la connaissance de la vérité, augmentant en pure simplicité sans séparer la simplicité de la colombe de la sagesse du serpent, que notre Maître éminent a combinée dans une déclaration de ses saints lèvres. »
Saint François affirme que l’office de la prédication est plus acceptable que tout sacrifice, surtout s’il est accompli dans le respect de la charité parfaite et si le prédicateur met plus d’effort à prêcher par l’exemple que par les mots, plus par une prière pleine de larmes que par des discours loquaces. Il avait l’habitude de dire que le prédicateur qui ne cherchait pas le salut des âmes, mais sa propre réputation, ou qui détruisait l’édification que sa prédication apportait par la dépravation de sa vie, devait se lamenter comme s’il avait été privé de charité. Un simple frère, privé d’éloquence, qui incite les autres à faire le bien par son exemple et accomplit la déclaration donec sterilis peperit plurimos doit être préféré à lui.
« Le stérile est le pauvre petit frère qui n’a pas le devoir de donner naissance à des enfants dans l’Église par la prédication. Au jour du jugement, ce frère en amènera beaucoup, car ceux qu’il convertit maintenant par ses prières privées seront comptés pour sa gloire par le juge. Et qui multos habebat filios infirmabitur car le prédicateur loquace [122r] qui se vante maintenant d’avoir converti beaucoup par ses propres efforts est vaniteux. Il reconnaîtra alors qu’il n’y avait rien de lui dans cela. Il y en a qui ne pensent à rien d’autre qu’à la connaissance et à comment montrer aux autres le chemin du salut tout en ne faisant rien pour eux-mêmes. Ils apparaîtront nus et les mains vides devant le tribunal du Christ, ne portant que l’étole de l’embarras, de la honte et de la tristesse. À ce moment-là, la sincérité de la sainte humilité, de la simplicité, de la prière et de la pauvreté, qui est notre vocation, sera exaltée, hautement valorisée et glorifiée, un fait que ceux qui se sont enflés de connaissance ont sous-estimé par leur vie et leur prédication vaine. À ce moment-là, l’erreur de l’opinion qu’ils ont suivie, qu’ils ont prêchée comme vérité et grâce à laquelle beaucoup sont tombés dans un fossé par aveuglement, prendra fin dans la tristesse, la confusion et la honte, et eux avec leurs opinions obscures iront dans les ténèbres extérieures et seront engloutis avec les esprits des ténèbres. »
Saint François a dit beaucoup de choses contre les prédicateurs vains.