Chapitre 8
Service de l’autorité et l’accusation de désobéissance portée contre les Capucins
[Frère mature] – Notre sage père ne souhaita pas que le corps de cet Ordre soit déformé et, c’est pourquoi il ne voulut pas qu’il soit sans tête, sans membre supérieur, et prévit qu’il ait une tête, à savoir un Ministre Général. L’amoureux de l’unité voulut aussi qu’il n’y ait qu’une seule tête et qu’il n’y ait qu’un seul pasteur pour tout le troupeau.
Frère scrupuleux. – À ce sujet, vous, les Capucins, êtes très fautifs, puisque vous ne portez pas obéissance à un Ministre Général. Même beaucoup de bons frères sont scrupuleux à ce sujet et ne viennent pas vous rejoindre.
Frère mature. – Je dis que ceux qui portent une telle accusation ont peu d’informations sur les choses mentionnées dans la Règle et aussi dans la loi. Je dis la même chose à propos de ceux qui hésitent à rejoindre et montrent peu de ferveur à cet égard, manquant de zèle pour l’observance de la Règle.
Notez bien que la perfection d’un supérieur ne consiste pas dans son titre ni dans les lettres devant son nom. Non enim in sermone est regum Dei, sed in virtute. Elle consiste plutôt dans la vie du véritable supérieur, suivant l’exemple du Christ, vivant une vie vertueuse, se comportant bien, donnant l’exemple, consolant, corrigeant et gouvernant ses sujets avec des avertissements et des paroles, les menant à l’état de perfection, les aidant à progresser dans la vie religieuse et dans l’observance de la Règle. C’est ce précédent et statut qu’ils doivent tenir sur eux, non celui fondé sur l’orgueil et l’ambition. Les sujets sont tenus de leur obéir dans la mesure où ils favorisent leur salut, et non au-delà. Par conséquent, il n’est pas nécessaire pour le salut qu’ils portent le titre de vicaire ou de custos, ni tout autre titre.
C’est pourquoi saint François parle des Custodes lorsqu’il dit : « lorsque le Général n’est pas qualifié, les électeurs sont tenus d’élire un autre comme Custos ».
Il s’adresse ici au supérieur en tant que « ministre » ou « custos ». Le titre de ‘ministre’ signifie donc un supérieur majeur. Par conséquent, lorsqu’il dit dans le chapitre dix que les frères sont obligés d’obéir uniquement à leur ministre général, cela signifie que les frères ne sont pas obligés d’obéir à quelqu’un d’autre qu’à lui et non à d’autres supérieurs, comme le dit le Pisan.
Hugh dit qu’autrefois tous les supérieurs étaient appelés ministres, bien que certains fussent appelés plus spécifiquement custos ou gardien. Ainsi, la Règle entend bien les appeler uniquement ministres, bien qu’en réalité et en effet, ils soient un ministre, c’est-à-dire qu’ils nous servent de ce qui est nécessaire à notre salut. Et donc, elle ne dit pas qu’ils doivent être appelés ministre, mais qu’« ils devraient être ministres et serviteurs de toute la fraternité ».
Ainsi, le titre n’est pas nécessaire pour l’observance de la Règle, mais son application l’est. Ni saint François ni aucun Pontife n’ont jamais entendu autre chose.
Donc, la personne qui sert et ministres ce qui est requis pour le salut et nous aide à observer la Règle est un véritable ministre et peut porter le titre si elle le souhaite. Par conséquent, si un supérieur ne me fournit pas ce qui est requis pour le salut, et ne m’aide pas à observer la Règle, mais fait le contraire par un mauvais exemple et une mauvaise vie, il me scandalisera et je ne le considérerai pas comme mon supérieur, même s’il peut être appelé ministre, car l’obéissance vise l’observance de la Règle, et non la Règle qui vise l’obéissance. Ainsi, je suis lié par l’obéissance qui favorise l’observance de la Règle et le salut, mais non par celle qui l’obstrue.
Frère Bernard, le premier suivant de saint François, se soustraya à l’obéissance de frère Élias, qui était Ministre Général, parce qu’il détruisait l’observance de la Règle et empêchait les bons frères de l’observer, et il vécut deux ans dans les bois, nourri par un bûcheron, comme nous lisons dans les Chroniques de l’Ordre […].
Frère scrupuleux. – […] Pourquoi saint François appelait-il les supérieurs ministres et serviteurs ?
Frère mature. – Le Pisan dit qu’il le fit en véritable suivant de l’Évangile pour montrer qu’il avait donné ce titre selon l’Évangile, Luc 22 : Qui maior est vestrum, sit vester minister. En faisant cela, il imitait le Christ, qui est venu pour servir et non pour être servi, et ressemblait à Sa humilité, Matthieu 20. Quand il dit : et dare animam suam in redemptionem pro multis, il montre que ce service se réfère principalement à la salvation des sujets et non aux provisions matérielles. C’est ce que dit le Pisan.
Ils ajoutent que le Bienheureux François utilisa le titre de serviteur pour qu’ils n’aient pas de domination sur leurs sujets et il voulait qu’ils ne soient ni par le nom ni par l’effet des seigneurs ou maîtres, mais des serviteurs dans l’humilité et le ministère en les servant. Si ces deux titres étaient constamment dans l’esprit de ceux qui présidaient à l’Ordre, ils ne chercheraient pas la fonction de supérieur avec autant d’orgueil et d’ambition qu’ils ne le font maintenant.
Par conséquent, ils devraient garder cela à l’esprit.
Dans la Règle antérieure, le Bienheureux François dit que si quelqu’un devait périr, les ministres seraient tenus de rendre compte devant Dieu et notre Seigneur Jésus-Christ puisque le soin des âmes leur a été confié. C’est ce qu’ils disent. Saint François ne dit-il pas expressément ci-dessous dans le chapitre 10 que, là où le salut des âmes et l’observance de la Règle sont concernés, les sujets peuvent commander aux supérieurs comme des seigneurs commanderaient à leurs serviteurs sur lesquels ils sont maîtres ? […]
Pourquoi les Capucins ont été soumis aux Conventuels
Frère scrupuleux. – J’aime beaucoup votre raisonnement. Cependant, cela ne rend pas compte de la situation, car il semble être une chose affreuse que, après avoir quitté les Observants, vous ayez été soumis aux Conventuels.
Frère mature. – Pensent-ils que nous sommes dans une mauvaise situation à cause de cela ?
Frère scrupuleux. – Ils croient non seulement cela, mais en sont sûrs.
Frère mature. – On doit dire qu’ils souffrent d’une grande ignorance ou d’une grande malice. Cependant, notez bien : Premièrement, que nous ne nous sommes pas éloignés de l’observance, mais l’avons pleinement embrassée, comme il est clairement visible en considérant les conditions avant et après en ce qui concerne le mode de vie, la nourriture, les vêtements, les logements, la fourniture de choses pour l’avenir, les cérémonies, les coutumes, les sacristies et, en bref, tout ce qui appartient à la véritable observance de la Règle, car la véritable observance ne consiste pas dans les titres mais dans les actes.
Deuxièmement, notez bien que si nous étions dans une mauvaise situation en étant soumis aux Pères Conventuels, il suivrait : premièrement que les Pères Conventuels, à notre tête, seraient dans une mauvaise situation ; deuxièmement, que leurs frères réformateurs, c’est-à-dire ceux parmi les Pères Conventuels, seraient dans une mauvaise situation, même ceux qui vivaient de manière observante en ce qui concerne la pureté de la Règle, ne comptant pas sur le titre mais sur les actes ; troisièmement, il suivrait que la « famille » durant les 70 années où elle a vécu sous la soumission aux Pères Conventuels et avait des Vicaires et non des Ministres Généraux aurait toujours été dans une mauvaise situation et tous les frères qui vivaient à cette époque seraient damnés, y compris saint Bernardin, le Bienheureux Frère Jean Capistran, le Bienheureux Jacques des Marches, le Bienheureux Feltrino et tous les saints frères qui vivaient à cette époque. Ainsi, pendant toute cette période, le monde aurait été trompé. Le Concile de Constance aurait commis une grave erreur. Eugène IV et tous ses successeurs qui ont confirmé ses actions auraient eu tort […].
Je dis que nous ne cherchons pas de Bulles ni de privilèges, comme il est dit dans le Testament, pour échapper aux persécutions du corps mais de l’âme. Ainsi, nous avons maintenant renoncé à des privilèges qui détendraient l’observance régulière, et nous voulons être soumis à toute créature humaine par amour de Dieu, comme le dit l’Apôtre. Nous voulons être soumis non seulement à nos propres supérieurs et au Pontife Suprême comme Vicaire du Christ et tête de toute l’Église militante, mais aussi à tous les Ordinaires en tant que membres du Collège Apostolique et en particulier à ceux qui sont impliqués avec nous. Cependant, comme il a été dit, nous ne voulons rien avoir à faire avec les privilèges qui entraînent des relâchements puisqu’ils sont la cause de grands désastres, comme cela est clairement visible. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet dans le premier chapitre.
Ainsi, les privilèges que nous cherchons sont pour une plus grande observance de la Règle. Je suis profondément étonné par vos frères qui ont des scrupules à propos de ces privilèges spirituels et n’ont aucun scrupule concernant tant de privilèges, brefs et prédictions qui permettent le relâchement de l’observance de la Règle et presque la ruine totale et la destruction. C’est particulièrement le cas avec la Bulle d’Union concernant l’administration, les sceaux et la préséance, etc. par laquelle la « famille » a souffert d’une telle ruine, malheur et dommage qu’il aurait été préférable que cela n’ait jamais eu lieu, ce qui est tellement clair qu’on ne peut le nier […]