Chapitre 2
Responsabilités des Ministres
Frère scrupuleux – Est-ce que quelqu’un d’autre que les ministres peut accepter des candidats dans l’Ordre ?
Frère mature – Les docteurs de l’Ordre disent que selon la Règle, cela appartient exclusivement aux Ministres. Toutefois, par un privilège accordé par les Souverains Pontifes, notamment Nicolas III dans le § Sed quoniam et d’autres documents, cela peut être délégué à d’autres avec l’avis des frères discrets. Innocent IV précise que ce privilège fut accordé aux Vicaires des Ministres, mais non en vertu de leur office, plutôt comme une concession, laquelle fut approuvée par Eugène IV et Calixte III. Nicolas III et Martin V ajoutent que le Ministre doit veiller à ne pas accorder cela de manière indiscriminée ou généralisée, ce qui montre l’importance de l’admission dans l’Ordre. Hugues corrobore en notant que les circonstances de l’époque doivent être prises en compte : au début, les lieux étaient peu nombreux et les ministres pouvaient facilement s’acquitter de cette tâche. Cependant, avec la croissance de l’Ordre, il devenait parfois nécessaire de déléguer pour éviter de causer de grands dommages à l’Ordre et aux âmes. Cela n’a jamais été l’intention de Saint François.
L’intention de Saint François concernant les vocations dans l’Ordre
Frère scrupuleux – Quelle était l’intention de Saint François lorsqu’il confiait l’accueil dans l’Ordre exclusivement aux Ministres ?
Frère mature – Les compagnons de Saint François rapportent que le Christ lui avait révélé que de nombreux individus entreraient dans l’Ordre, non appelés par le Christ mais par les démons, non pour observer la rigueur de la Règle mais pour l’assouplir et la contaminer de mondanité.
Ainsi, une admission imprudente entraînait nécessairement un grand préjudice à l’observance régulière. Saint François voulait que cela se fasse avec une grande maturité ; il confia donc cette responsabilité exclusivement aux Ministres, afin que, par une délibération et un effort conscients, les personnes indignes ne soient pas admises. C’est pour cette raison que de grands dommages ont suivi, comme le montre l’histoire.
Texte : « Que les ministres examinent donc diligemment les candidats sur la foi catholique et les sacrements de l’Église. »
Il faut expliquer la Règle, sa perfection, son importance, ainsi que les statuts et ordonnances concernant les jeûnes et les autres rigueurs de la vie religieuse, en particulier les trois vœux principaux et leur force contraignante, comme l’a établi Capistran à propos du deuxième chapitre.
Éducation des jeunes frères chez les Capucins
Frère scrupuleux – Comment les Capucins considèrent-ils ces questions ?
Frère mature – Comme mentionné précédemment, selon la véritable, simple et absolue intention de Saint François.
Texte : « Après avoir terminé l’année de probation, qu’ils soient reçus dans l’obéissance, promettant d’observer toujours cette vie et cette Règle. »
Le Pisan souligne que le vœu émis lors de la profession, étant un vœu solennel, doit être public, en présence des frères, avec les mains posées dans celles de celui qui reçoit les vœux, à genoux, tête découverte et esprit élevé vers Dieu. Avant cela, on doit demander au candidat s’il a besoin de plus de temps pour tester la rigueur de l’Ordre.
Vêtements des frères et intention de Saint François
Frère scrupuleux – Pouvons-nous connaître l’intention spécifique de Saint François à ce sujet ?
Frère mature – À plusieurs reprises, lorsqu’on interrogeait Saint François sur son intention concernant l’usage des choses, il répondait que les frères ne devaient posséder qu’une tunique avec capuche, une autre sans capuche, une corde, des sous-vêtements et un bréviaire, rien de plus.
Texte : « Que les frères portent des vêtements bon marché. »
Clement V précise que cela dépend du prix et de la couleur selon les circonstances locales, mais les vêtements doivent refléter la pauvreté et l’austérité. Saint François déplorait que dans l’avenir, les frères relâcheraient leur discipline au point de porter des vêtements luxueux, bien que ce soit en contradiction avec leur vocation.
Texte : « Et qu’ils puissent les rapiécer avec de la toile de sac et d’autres morceaux avec la bénédiction de Dieu. »
Le Pisan affirme que Saint François disait que porter des vêtements doux [69v] était un signe que l’esprit était éteint et que le diable avait un plus grand avantage sur ceux qui s’habillaient ainsi. C’est pourquoi, du début à la fin, il ne porta rien d’autre que l’habit avec une capuche, fait d’un tissu bon marché, rugueux, plissé et de couleur gris fade ou brun, rappelant notre Seigneur suspendu à la croix.
Cet habit était rapiécé à l’intérieur et à l’extérieur, très ajusté, sans aucune ornementation. Tel était, selon lui, l’habit du frère mineur, destiné à prêcher le mépris du monde et de la gloire humaine même par l’apparence extérieure, reproduisant la forme de la croix, la mortification de la chair, l’amour de la pauvreté et du manque, loin de l’ostentation, de la sensualité ou de la superfluosité. Consultez le fruit 16 dans la Conformité, sous le titre Franciscus Regulator, où se trouvent des exemples et des jugements extraordinaires contre ceux qui portent des habits coûteux et ornés. Je crois fermement que de telles personnes sont une abomination pour Dieu et pour le bienheureux François, et qu’elles connaîtront un grand malheur à l’heure de leur mort.
Notre Père Saint François disait que les frères devaient abhorrer les beaux vêtements et réprimandait sévèrement ceux qui en portaient. Pour les embarrasser par son exemple, il voulait que son habit soit couvert de toile de sac, et, à sa mort, il souhaitait que son linceul soit également couvert de toile de sac. Le Pisan affirme qu’il est une grande honte pour un frère mineur de porter des vêtements doux et ornés, car plus que tout autre religieux, il a promis d’observer la pauvreté plus strictement. Porter de tels habits s’éloigne des pas du père qu’il a promis d’imiter devant Dieu et les saints. Lorsqu’il n’y a plus d’autres exemples, il reste toujours celui de la pauvreté de notre Seigneur [70r] Jésus-Christ et de sa très sainte Mère. Consultez Saint Bonaventure à ce sujet.
Vous pouvez voir l’intention de Saint François lorsqu’il dit : « Ils peuvent les rapiécer avec de la toile de sac » et lorsqu’il exprime une sorte de joie spirituelle, quasi dicat : « Ô vous qui désirez jouir de la bénédiction et de l’amour divins et de l’amitié du Fils unique de Dieu, efforcez-vous de Lui ressembler, car ressembler et être comme quelqu’un engendre l’amitié non seulement par les habitudes intérieures de vertu mais aussi par l’apparence extérieure. Pourquoi alors, dit-il, chers enfants, avez-vous honte de vous vêtir modestement ? Voyez comment le Fils le plus noble de Dieu, par amour pour nous et pour nous donner l’exemple, a vécu toute sa vie modestement vêtu, pieds nus, pauvre et méprisé. Par conséquent, je vous supplie, mes très chers frères, qu’en mémoire de notre Seigneur Jésus-Christ, vous portiez des vêtements modestes toute votre vie. Tant que vous pouvez les rapiécer avec de la toile de sac et d’autres morceaux, ne cherchez pas d’autres vêtements ni n’en achetez avec de l’argent. Si Lui, le Fils de Dieu, a daigné devenir pauvre par amour pour nous et pour donner l’exemple, comment pourrions-nous L’imiter en portant des habits neufs et doux ? Comment pourrions-nous, mortels et misérables, être honteux de rapiécer nos vêtements ? Cependant, je supplie de tout cœur ceux qui brûlent d’amour et de mémoire pour une telle bonté de continuer à porter cet habit extérieur, modeste et méprisé, car le Seigneur très bon a établi le modèle de notre habit et de notre amour pour la rigueur et le mépris, non seulement par son habit extérieur mais aussi par son corps très saint, pâle, meurtri et brisé.
Ainsi, que mes frères qui désirent [70v] observer la pureté de la Règle sachent que, tant que l’habit peut être rapiécé et ainsi les protéger du froid, ils devraient s’en contenter et il n’est jamais permis de dépenser de l’argent pour acheter un autre habit.
Saint François disait que telle était son intention et celle de la Règle, comme ses compagnons le déclaraient. Pierre Jean affirme que Saint François prévoyait que, comme dans d’autres ordres, de tels rapiéçages pourraient sembler insincères et ne pas être conformes à l’uniformité, et pourraient être jugés ainsi par certains de nos frères éclairés qui reconnaissent plus rapidement les choses élevées que les choses humbles. Pour exclure cela, il disait : « Ils peuvent les rapiécer », etc.
Saint Bonaventure dit que Saint François ajoutait la bénédiction de Dieu, car celui qui devient fou pour le monde et méprisé devient précieux pour Dieu. Pierre Jean dit : « Puisque le rapiéçage est un excès d’abjection, tourné en dérision par les orgueilleux, Saint François ajoutait : ‘avec la bénédiction de Dieu’, comme pour dire : si cela est fait avec un cœur humble, ils mériteront la bénédiction spéciale de Dieu. »
Une fois, quand Saint François rencontra un homme pauvrement vêtu, il dit à son compagnon : « En vérité, j’ai ressenti une grande honte à la vue de cet homme pauvre, car il contraste tellement avec notre pauvreté. J’ai eu très honte de le voir ainsi, puisque j’ai choisi Dame Pauvreté comme richesse spirituelle et matérielle, et que cette nouvelle s’est répandue dans le monde entier. Pourtant, d’autres observent mieux cette pauvreté que moi. »
Quoi qu’il en soit, mon fils, j’ai exprimé l’intention de Saint François ; fais comme Dieu t’inspire.
Le Frère scrupuleux : Certes, l’intention de Saint François concernant les vêtements est très stricte et assez différente [71r] de l’usage commun. Pouvons-nous suivre la communauté en toute bonne conscience ?
Le Frère mûr : Au fil du temps, la communauté a apporté et apporte encore de grands changements aux vêtements. Différentes provinces s’habillaient différemment. On observe constamment que la rigueur et le scrupule envers la pauvreté se réduisent peu à peu, voire sont parfois abandonnés, tant en ce qui concerne l’achat de matériaux fins et doux qu’en ce qui concerne la coupe, la longueur de l’habit, la largeur des manches et de la capuche, ainsi que les nombreuses décorations et commodités ajoutées. Souvent, des tissus neufs sont achetés sans nécessité, et des vêtements supplémentaires sont stockés. Toutes ces choses ne sont pas seulement contraires à l’intention de Saint François, mais elles étaient qualifiées de maudites et d’abominables, comme il a été dit plus haut. Elles sont également contraires aux déclarations des docteurs de l’Ordre et des Souverains Pontifes, y compris Martin V.
Il est plus sûr de suivre les intentions de Saint François et de la Règle, que nous pouvons comprendre à travers ses paroles et les matériaux qu’il portait avec ses compagnons. Ainsi, nous ne ferons pas d’erreur.
Que le Seigneur soit loué et continuellement remercié de nous avoir permis de porter cet habit très saint que notre Père Séraphique portait, dans lequel il reçut les stigmates sacrés et dans lequel il mourut. Ses compagnons, Saint Antoine, Saint Louis, Saint Bonaventure et tout l’Ordre portèrent toujours cet habit pendant une période de six ans, au moment où il était représenté par la tête d’or dans la vision de la statue, et où il était à l’apogée de la perfection et de la sainteté.
Bien que beaucoup le considèrent comme une grande honte et se plaignent en disant qu’il est trop [71v] laid, horrible, qu’il appartient aux fous et suscite les moqueries, je suis plus heureux d’imiter mon Père bien-aimé et son collège angélique et leur sagesse insensée que de suivre la multitude sensuelle actuelle avec leur sagesse insensée, car c’est ce que Saint Paul a fait et nous exhorte fortement à faire. Je préfère rire du monde insensé et des imitateurs apparents mais charnels de la perfection évangélique que d’aller en enfer avec eux et avec l’homme riche qui s’habillait magnifiquement. Le Seigneur dit que ceux qui portent des vêtements doux vivent dans les palais des rois, et non dans le désert ou les demeures des pauvres, à l’imitation du Christ pauvre et de ses Apôtres. Je ne m’inquiète pas des paroles passionnées : quia si adhuc hominibus placerem, Christi servus non essem. Dominus autem dissipabit ossa eorum qui hominibus placent.
Tu devrais continuer à observer ce que tu as promis à Dieu dans la Règle et suivre ton Saint Père et les autres serviteurs angéliques de Dieu. Laisse les autres aller à la mort. Qui habitat in coelis irridebit eos.
Défense de la capuche et de l’austérité
Frère scrupuleux : J’accepte que, en ce temps-là, notre Père Saint François et tout l’Ordre s’habillaient comme tu le dis. Cependant, concernant la capuche, penses-tu qu’elle avait la même forme que celle des Capucins ?
Frère mûr : Sache avec certitude qu’elle l’avait, car ils avaient l’intention de prêcher le mépris du monde même par l’habit qu’ils portaient. Je pense qu’ils ont obtenu cette forme des Pères Cisterciens, car ils la portent encore de cette manière. Tu sais bien combien cet Ordre très digne a toujours été strict et observant.
En ce temps-là, Saint François et tout l’Ordre portaient la capuche que nous avons :
Premièrement, dans la Conformité, fruit 16, il est dit que François avait une capuche à quatre pans, semblable à celle que nous portons.
Deuxièmement, toutes les peintures de Saint François et des autres frères, je veux dire les anciennes, montrent cette capuche pointue, comme on peut le voir dans toutes les vieilles églises.
Troisièmement, il existe encore de nombreux Capucins qui portent cette forme, et j’ai vu la petite capuche de frère Ruffino à Sainte-Claire à Assise, ainsi que l’habit du bienheureux Rainerio avec cette capuche à Saint-François à Borgo San Sepolcro, celui du bienheureux Philippe le Long à Saint-François à Monte Eclino, et celui du bienheureux Simone à Spolète ; à S. Simono, une capuche appartenant à Saint François, et à Rome, à Santi Apostoli, une autre à S. Marcello, deux au palais épiscopal de Rieti, et à L’Verna, ainsi qu’à de nombreux autres endroits.
Que Dieu soit loué pour avoir daigné renouveler dans le monde ce précieux trésor et sa gloire à travers ses bons serviteurs les Capucins, et pour leur avoir permis de le redécouvrir et de le promouvoir avec de saints frères, à l’honneur du Père Séraphique et au mépris du monde !
Frère scrupuleux : Où les frères ont-ils découvert la forme du caperone que les Capucins font porter aux novices ?
Frère mûr : Au Sacro Convento à Assise, où les reliques sont conservées (comme tu peux le voir), beaucoup de frères l’ont vu et essayé.
Frère scrupuleux : Que penses-tu du sommeil ?
Frère mûr : La Règle n’en parle pas. Cependant, comme tu le sais, la « famille » utilise des sacs de paille. Martin V fait référence à Farinierio au chapitre 2, où il est dit que les frères en bonne santé ne doivent pas dormir sur des lits de plumes ni utiliser de draps (ce qui permet de conclure que les matelas sont interdits), ni utiliser d’oreillers ou de coussins en plumes sous leur tête.
Certains de ces pauvres petits Capucins dorment sur des planches nues ; d’autres mettent un tapis sur une table. Certains ajoutent un peu de paille, de foin ou de fougère entre la table et le tapis […]
Note que Martin V et Farinierio interdisent les chemises en lin ou en coton, et pour cette raison, il n’est pas permis de porter des vêtements en lin ou des serviettes.