Chapitre 1
Si l’environnement de la Règle franciscaine est sûr pour le salut
Frère scrupuleux – Bien que dans le Dialogue précédent j’aie été instruit sur les choses nécessaires au salut des frères, je demande, pour ma plus grande satisfaction, que vous me disiez si vivre selon cette Règle et cette profession est sûr et si ceux qui l’observent peuvent être certains de leur salut personnel.
Frère mûr – Mon fils, comme je te l’ai dit lors de l’occasion précédente, tiens fermement à la conviction que ce mode de vie et cette Règle sont très sûrs et que quiconque les observe sera sans aucun doute sauvé. La raison en est que cette Règle n’a pas été découverte de manière humaine mais révélée par Dieu, tirée de l’Évangile et fondée sur celui-ci. Bien que chaque mot ne soit pas tiré de l’Évangile littéralement, ils tirent leur signification de l’Évangile. Considère n’importe lequel d’entre eux et tu verras que c’est le cas. C’est le sens de la vision des miettes de pain, comme nous le verrons plus tard.
Dans le Livre des Conformités (sous Franciscus legislator), tu verras que le Seigneur a dit à plusieurs reprises au bienheureux François qu’Il avait composé cette Règle et non François, et qu’elle ne contenait rien qui lui appartienne, mais qu’elle venait entièrement de Christ. Il a dit cela en présence du frère Élie et des ministres qui s’opposaient à lui. Le Seigneur a voulu dicter à la fois la première et la seconde version de la Règle, et c’est pourquoi elle est d’autant plus sainte et juste que Jésus-Christ, le saint des saints et la sagesse suprême, l’a composée, réformée et dictée.
Le pape Honorius l’a confirmé en disant, en présence du bienheureux François, du frère Léon et du frère Bonzio : « Béni soit celui qui, par la grâce divine, observe fidèlement et dévotement cette Règle, car tout ce qui y est écrit est parfait, catholique et saint. »
Cela est confirmé dans Exiit, de verborum significatione : haec est apud Deum et Patrem etc. Saint Bonaventure dit : « C’est une grande consolation pour ceux qui professent cette Règle de professer ce que le Seigneur a dit aux apôtres lorsqu’il les a envoyés prêcher. »
Puisque Christ est le miroir et l’exemple de toutes les vertus qui mènent à la perfection et au Paradis, comme Il dit : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres », et « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi », il apparaît clairement que cette Règle enseigne à suivre Christ et est donc d’autant plus parfaite. Au début de la Règle, il est dit : « La Règle et la vie des Frères Mineurs est celle-ci : observer le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. »
Jean Pecham dit : « L’intention du bienheureux François était de transmettre à ses fils la sainteté évangélique, c’est-à-dire la vie du Christ et de ses apôtres, dans la mesure où la faiblesse humaine le permet », car sa vie est parfaitement décrite dans l’Évangile. Ainsi, il est dit : « et observer le saint Évangile », comme pour dire : « Ô vous qui, par amour pour Celui qui est mort pour notre salut, avez détaché vos coeurs de l’amour du monde et de vous-mêmes, et avez pris votre croix comme des hommes apostoliques et humbles, venez, afin que votre vie et votre Règle soient l’observance du saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, imitant sa vie telle qu’elle est décrite dans l’Évangile. »
Ainsi, le bienheureux François a loué le Père éternel d’avoir confié cet Ordre au Fils de Dieu en ces derniers temps et d’avoir voulu qu’il soit plus modelé sur Lui que ceux qui l’avaient précédé, et que le Christ avait révélé qu’il devait être connu comme l’Ordre des Frères Mineurs pour accomplir les paroles du Christ au chapitre 25 de l’Évangile selon Matthieu : « Ce que vous faites au plus petit de mes enfants, c’est à moi que vous le faites », comme le dit saint Bonaventure.
Le Pisan dit que le Seigneur voulait que ces paroles soient appliquées littéralement aux Frères Mineurs.
C’est pourquoi la Règle repose sur l’autorité et l’approbation des Souverains Pontifes et de la Sainte Mère Église (comme il est indiqué au début et à la fin de la Règle), à qui il est permis d’approuver, de confirmer, de commenter et de déclarer les Règles qui existent au sein de l’Église.
Combien de Règles Saint François a-t-il écrit ?
Frère scrupuleux – Notre Père Saint François a-t-il écrit plus d’une Règle ?
Frère mûr – À différentes époques, il en a écrit trois. La première a été rédigée vers la troisième année de sa conversion et contenait vingt-quatre chapitres. Elle a été approuvée par Innocent III sans Bulle, comme le mentionne le pape Honorius dans le préambule de notre Règle. Il a écrit la deuxième vers la onzième année de sa conversion. Elle a été approuvée par le même pape avec une Bulle, et comme l’indique le Livre des Conformités, elle a été dissimulée ou détruite par le frère Élie. Il a écrit la troisième vers la douzième année de sa conversion, annulant de nombreuses choses et en abrégeant d’autres. Elle a été approuvée par le pape Honorius, comme cela apparaît dans le préambule.
La manière de vivre des Observants est-elle sûre et conforme à l’esprit de Saint François ?
Frère scrupuleux – […] Je voudrais savoir si la manière de vivre suivie par nos frères, connus sous le nom d’Observants (parmi lesquels je vis actuellement), suit l’esprit de Saint François et peut être suivie en toute sécurité selon la conscience des frères.
Frère mûr – Qu’est-ce qui vous fait douter ?
Frère scrupuleux – Les quatre points que vous m’avez déjà mentionnés auparavant. Plus je voyais cette manière de vivre nouvelle et ces changements constants, plus je commençais à douter, surtout quand, en suivant votre explication, j’ai vu que vous aviez quitté la « famille » pour rejoindre la réforme des Capucins.
Premièrement, il y a les distorsions et les interprétations de la Règle, qui sont complètement interdites par Saint François, lequel voulait que la Règle soit comprise et vécue à la lettre sans que l’on demande de correspondance ou de privilège à la Cour romaine.
Deuxièmement, il y a le recours abusif aux amis spirituels et aux procureurs, et l’acceptation rapide et indiscrète de l’argent pour les messes, les services rendus, les ventes, les quêtes et autres choses, comme cela arrive souvent, ainsi que de nombreuses autres pratiques complètement interdites par la Règle et par Saint François : rentes annuelles et similaires.
Troisièmement, il y a le relâchement général dans la manière de vivre concernant la Règle et, dans les choses divines, une observance relâchée des principaux voeux : dans les bâtiments, les vêtements, la nourriture et l’habillement, l’accumulation excessive des nécessités de la vie, les règlements de l’Ordre, la conduite à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ordre, etc.
Quatrièmement, il y a une telle variété de réformes et de changements d’habitudes, qui dure depuis longtemps au sein de l’Ordre. Il est certain que si l’on voulait observer la Règle dans un tel contexte, autant de divisions et de factions auraient rendu cela impossible, et cela me fait très peur.
De nombreuses déclarations et affirmations ont été faites concernant ces choses dans l’autre Dialogue, et elles me semblaient apporter satisfaction et paix. Mais je me trouve maintenant dans un doute et une peur encore plus grands à cause des choses mentionnées ci-dessus, en particulier à cause de votre transfert.
Frère mûr – Vos doutes sont justifiés et ne sont pas sans fondement, et je vais donc traiter de ce que je peux comprendre à leur sujet. Il ne fait aucun doute qu’en raison de l’état corrompu et de la tendance à la faiblesse humaine, il est difficile de trouver une personne ou une situation complètement irréprochable ou exempte de toute faute. On ne peut pas non plus nier qu’il y a parmi ceux qui professent la perfection évangélique, certains qui sont imparfaits.
Mais écoutez-moi, je vous en prie : lors de la précédente discussion sur ces questions (si vous vous en souvenez bien), je vous ai dit que la manière de vivre au sein de la famille Observante, telle qu’elle était vécue par les pères réformateurs les plus saints, à savoir Jean de Capistran, Saint Bernardin et d’autres, était bonne et sûre, et ceux qui suivaient cette voie avaient l’assurance de leur salut. Cela a toujours été mon intention dans l’autre Dialogue (comme cela y était clairement indiqué), à savoir louer la manière de vivre réglée et respectueuse des saints hommes mentionnés ci-dessus et non les nombreux cas particuliers, survenus surtout dans les temps récents. Bien que certains aient déformé mes propos comme s’ils s’appliquaient à tous les cas, y compris ceux des temps récents, afin de cacher des relâchements, ils ne seront pas excusés devant le tribunal de Dieu.
Frère scrupuleux – Néanmoins, Père, vos paroles augmentent mon doute et ma peur, car dans l’autre Dialogue, votre intention la plus convaincante était très clairement évidente. Ceux qui attribuent une signification différente et fausse à vos intentions pour satisfaire leurs faiblesses commettent une grave erreur. Cependant, votre transfert, votre manière de vivre et le port de l’habit de la réforme me poussent à vous demander de m’instruire clairement sur ce que je dois faire pour être sauvé.
Frère mûr – Je suis d’accord, mais je veux d’abord éclaircir pour vous les quatre doutes mentionnés ci-dessus, et en clarifiant le quatrième, répondre à votre demande.
Pour le premier point concernant les déclarations et gloses, je réponds que je soutiens fermement que les déclarations des Souverains Pontifes et des docteurs de l’Ordre concernant la Règle doivent être acceptées et observées avec toute révérence, puisqu’elles n’enlèvent en rien à la pureté de la Règle. De plus, il serait une erreur condamnable de prétendre le contraire. Si l’Église se trompait en matière de bonne conduite, ce serait honteux, car une erreur dans le comportement entraîne le mal, comme le dit Augustin d’Ancône dans De potestate papae, puisque cela deviendrait soit une occasion de péché, soit empêcherait les frères de pratiquer la perfection de la Règle, comme ils l’ont promis. Alors, l’Église ne serait pas toujours sainte, ce qu’il est très inapproprié de dire.
Quand vous dites que Saint François a interdit les gloses sur la Règle, je dis qu’il n’a pas retiré l’autorité des Souverains Pontifes de résoudre les doutes concernant la Règle qui pourraient surgir au fil du temps. C’est pourquoi il a soumis la Règle au Siège Apostolique. Si cela était autrement, il n’y aurait ni Règle ni observance sans l’autorité et l’approbation du Siège Apostolique. Augustin dit cela à propos de l’Évangile dans Contra fundamentum Manichei : « Je ne croirais pas en l’Évangile si je ne croyais pas qu’il avait été approuvé par la sainte Église. »
Cependant, nous devons croire que Saint François a interdit les gloses faites par des personnes imparfaites et faibles contre le sens solide de la Règle et contre ses préceptes, ainsi que les gloses qui ne clarifient pas la Règle, mais la modifient ou l’obscurcissent et relâchent la manière de vivre.
Après les déclarations des Souverains Pontifes viennent celles des docteurs de l’Ordre, qui ont une plus grande compréhension et une observance plus parfaite de la Règle, et celles-ci doivent être suivies et observées.
Notez que parmi toutes les déclarations, deux se distinguent, tant par leur autorité juridique que par leur conformité à la Règle : celle de Nicolas III, Exiit. De verborum significatione, et celle de Clément V, Exivi de Paradiso. Ces déclarations ont toujours été hautement considérées parmi les bons et zélés frères, comme Bartolo le mentionne dans sa Minorica.
L’intention de Saint François concernant l’interprétation de la Règle
Frère scrupuleux – Que pensez-vous de l’intention de saint François quant à l’interprétation de la Règle ?
Frère mature – Sachez bien que saint François a dit dans son Testament qu’il voulait que la Règle soit comprise simplement et observée de la même manière. Il déclare que le Seigneur la lui a révélée. Bien que, avec de bonnes intentions, le pape ait dit que nous n’étions pas obligés d’observer le Testament, nous devons néanmoins le tenir en très haute estime et l’observer autant que possible, comme le dit Alvarus, car c’est là que notre Père expose ses intentions. Il est crédible qu’il ait écrit le Testament et la Règle sous la même inspiration divine à la fin de sa vie, alors qu’il était parfait en vertu. C’est ce qu’affirme Alvarus.
Quiconque ne respecte pas le Testament et ne s’efforce pas de l’observer autant que possible montre peu d’amour pour un tel Père et peu de considération pour son héritage et sa bénédiction. Ainsi, lors de leur chapitre général, les Capucins ont décrété que le Testament devait être observé.
Le Seigneur a dit la même chose alors que le frère Élie et d’autres frères étaient présents et ne voulaient pas accepter la Règle.
Cela s’explique par le fait que toute l’observance de la Règle consiste à connaître Dieu et Son Fils bien-aimé, à L’aimer, à Le porter dans nos coeurs et à imiter Sa vie. En effet, la Règle dit que nous devons observer le saint Évangile, puisque la vie du Christ est parfaitement décrite dans l’Évangile, que le frère doit garder devant ses yeux et à laquelle il doit être trouvé obéissant, pauvre et chaste, uniquement par amour pour Dieu et pour les pécheurs.
Cette Règle impose donc l’observance de l’Évangile, c’est-à-dire de placer notre Seigneur Jésus-Christ et Sa vie devant les yeux de notre esprit, de s’efforcer de Le connaître et de L’aimer, de toujours désirer Sa présence et d’imiter Sa vie dans une obéissance parfaite, la pauvreté et la chasteté, autant que le permettra la faiblesse humaine. C’est la véritable signification des mots : La Règle et la vie des Frères Mineurs est celle-ci : observer le saint Évangile, etc. Quiconque cherche une autre signification ne comprend pas correctement la Règle et ne l’observe pas.
Bien que de nombreuses déclarations aient été écrites, la Règle n’a jamais été observée par ceux qui n’étaient pas dotés par Dieu d’un amour spécial pour le Christ, qui ont été invités et enflammés à L’aimer et à L’imiter. Comme nous l’avons dit, c’est cela que signifie observer la Règle. Ainsi, tout comme la loi de l’Évangile est une loi d’amour et de grâce et de manifestation du Fils de Dieu, qui est devenu homme et est mort pour les pécheurs, cette Règle est une Règle d’amour et contient en elle-même l’Esprit du Christ et Sa grâce. Par conséquent, quiconque souhaite la comprendre doit nécessairement avoir l’Esprit du Christ en lui, qui n’est rien d’autre qu’un ardent désir de Le connaître, de L’aimer, de L’imiter, de L’embrasser et de Le porter dans son coeur.
Puisque l’Évangile, qui est la loi de l’amour, ne peut entrer dans notre coeur que par l’amour, car aucun acte d’amour ne peut être accompli sans amour, comme cela était évident chez les Saints de l’Église primitive et les martyrs, tous furent des hommes de l’Évangile parce qu’ils observaient tout l’Évangile par amour, sans craindre ni torture ni mort. De même, notre Règle, étant une Règle d’amour, ne peut être réellement comprise dans nos coeurs que par l’amour. Par conséquent, ceux qui ne cherchent que la lettre de la loi sont uniquement motivés par la peur, car ils craignent la punition, la confusion ou la damnation dans l’autre vie, et sont parfois simplement inspirés par l’espérance. Ces personnes agissent comme les Juifs qui, ne suivant que la lettre de la loi par espérance et crainte, n’ont jamais atteint une compréhension parfaite de cette loi. Ceux qui comprennent seulement la lettre de la loi sont semblables.
Par conséquent, la grâce et l’Esprit du Christ suffisent pour comprendre et observer la Règle qu’Il a composée. Pour cela, il est nécessaire d’adopter le mode d’amour que le Seigneur Jésus-Christ nous a apporté, un amour qui, ayant supprimé tout vestige de divinité, L’a rendu si humble qu’il L’a conduit non seulement à mépriser tout, mais aussi à subir une mort cruelle et honteuse.
Si nous adoptons ce genre d’amour comme notre Seigneur Jésus-Christ l’a fait, nous comprendrons également la Règle et l’observerons.
Ainsi, tant que l’âme est unie au Christ par amour, elle restera toujours attachée à l’observance de la Règle. De plus, elle ne sera jamais en paix ni satisfaite tant qu’elle n’aura pas atteint le plus haut degré de parfaite obéissance, pauvreté et chasteté. Elle ne pensera à rien d’autre qu’à perfectionner ces choses complètement (autant que possible), tout comme l’a fait le Seigneur si bon. Regardez comment Il les a observées, et voyez comment Son véritable amoureux s’efforcera de les observer simplement.
Ainsi, je conclus, concernant ce premier doute, que saint François a interdit des commentaires sur la Règle car il voulait que la vie du Christ en soit le seul commentaire, comme il l’a dit : « Regardez le Christ et moi, et faites de même. »
Voir ci-dessous, dans les chapitres quatre et six, pour le second doute.
Concernant le troisième doute, à propos des relâchements, je dis que cela fut en partie la raison de mon changement, qui fut une telle surprise pour vous. Vous devez comprendre qu’en ces temps très dangereux, cela est très effrayant, car nous observons que la ferveur, la charité et l’amour de Dieu se sont refroidis dans tous les états de vie. Si une personne doit être vigilante dans tous les états de vie, combien plus devrait-elle être attentive dans notre état de vie, pour respecter la perfection de la Règle, l’obligation des voeux solennels, l’intention de notre père saint François lorsqu’il a écrit la Règle, et aussi notre désignation comme observants.
Ainsi, nous devons chercher avec tout notre effort un moyen et un chemin pour éliminer tous les obstacles à l’observance de notre profession. Agir autrement reviendrait à mépriser la Règle et les statuts établis pour la meilleure observance de la Règle, et donc à mépriser notre propre salut. Par conséquent, ce ne sont pas seulement les frères qui méprisent des choses graves qui commettent des péchés mortels, mais aussi ceux qui méprisent de petites choses et tombent dans des affaires plus graves.
De cette manière, ces personnes deviennent laxistes et s’éloignent de l’observance de la Règle. En étant négligentes envers des petites choses, elles en viennent à mépriser les petites et les grandes choses, et elles tombent. Ainsi, ces malheureux tombent les yeux ouverts et périssent. À cause de cela, elles montrent une plus grande ingratitude pour les dons divins, car le Dieu Tout-Puissant les a élevées à un état sublime grâce à ces dons. Saint Paul avait ces personnes en tête lorsqu’il écrivait aux Hébreux : « Mes chers fidèles, combien plus grande et plus lourde sera la punition pour celui qui, en péchant, a piétiné le Fils de Dieu par mépris. »
Le Seigneur se plaint à propos de ces personnes dans le chapitre 10 de Jérémie : « Que signifie que mon bien-aimé ait commis beaucoup d’iniquités dans ma maison ? »
Habituellement, ces personnes deviennent pires et incorrigibles, comme le dit Augustin dans une lettre adressée à Vincent le Donatiste : « Depuis que j’ai commencé à Le servir, tout comme je n’ai guère trouvé d’hommes meilleurs que ceux qui ont bien agi dans les monastères, de même je n’ai pas trouvé d’hommes pires que les moines qui sont tombés. » Voilà ce qu’il dit.
En effet, la motivation de ceux qui veulent vivre en opposition à l’observance régulière est mauvaise et perverse. Ils n’ont aucun respect pour les règlements ou les statuts et ne souhaitent en aucune façon se réformer. Ainsi, s’ils continuent de cette manière, ils ne peuvent arriver qu’à une mort condamnable, car ils rompent non seulement les voeux solennels qu’ils ont promis, mais aussi (non par ignorance mais par malice) refusent délibérément d’accepter d’autres choses nécessaires pour leur salut. Ils ne peuvent être sauvés que s’ils vivent selon l’observance de la Règle qu’ils ont promise et qu’ils transgressent sciemment.
De cela, nous pouvons comprendre la vision qu’a eue saint François : Il lui semblait qu’il tenait dans ses mains de très fines miettes de pain qu’il devait distribuer aux frères, mais, parce qu’elles étaient si petites, il pensait qu’elles tomberaient. Il entendit une voix qui disait : « François, forme les miettes en une hostie et donne-la aux frères. » Lorsqu’il le fit, il observa que ceux qui méprisaient l’hostie ou la prenaient sans dévotion devenaient immédiatement lépreux. En comprenant cette vision, il entendit de nouveau la voix qui disait : « François, les miettes représentent les paroles de l’Évangile, l’hostie est la Règle, et les lépreux représentent le mal […]. »
Une fois, Jésus-Christ apparut au frère Léon, compagnon de saint François, en se plaignant de trois choses concernant les frères : « Premièrement, ils ne reconnaissent pas Mes dons. Je leur accorde des dons avec une telle abondance, et ils n’ont pas à se fatiguer en semant ou en récoltant, etc., et ils vivent avec une telle facilité. Pourtant, ils sont ingrats, paresseux et murmurent continuellement. Deuxièmement, ils s’irritent mutuellement. Troisièmement, ils ne pardonnent pas les offenses ni ne font la paix. »
Saint François a également dit au frère Léon que le Seigneur lui avait révélé qu’Il avait la plus grande confiance dans cet Ordre et qu’Il pardonnerait au monde grâce aux mérites de l’Ordre. Cependant, avec le temps, les frères s’éloignèrent du chemin qui leur avait été montré, provoquant la colère du Seigneur. Le Seigneur convoqua les démons contre l’Ordre, et ils créèrent tant de scandales entre les frères et le monde que le monde faillit perdre confiance en eux.
Il a également dit que le Seigneur lui avait révélé que les mauvais frères continueraient à être malicieux, quitteraient l’Ordre et deviendraient désorientés.
Après sa mort, saint François apparut avec des ailes et des griffes comme un aigle, disant que les ailes servaient à aider les bons frères et à porter leurs âmes au ciel, tandis que les griffes étaient pour punir les mauvais et les réprouvés. Cela se lit dans le Livre des Conformités, sous Franciscus fecundator, in vita fratris Leonis.
Pendant le chapitre général où il y avait cinq mille frères, il fut révélé à saint François qu’environ dix-huit mille démons complotaient contre son Ordre, disant : « Nous ne pouvons vaincre ces bons frères car Dieu les protège à cause de leur pureté et de leur sainteté. Attendons donc que des jeunes faibles déguisés, issus de la noblesse, soient reçus dans l’Ordre, ou que ceux qui ont une mauvaise santé ou un manque de ferveur y entrent. Lorsque ceux-ci ressentiront le besoin d’être grandement respectés, nous attaquerons la fraternité, induirons la sensualité et provoquerons des relâchements. »
Et utinam (dit le Pisan) hoc consilium non esset impletum ! (Je souhaite, dit le Pisan, que ce conseil ne se soit pas encore accompli !)
Saint François disait que le Seigneur lui avait révélé que trois générations de personnes ruineraient la pureté et la simplicité de l’Ordre autant qu’elles le pourraient : des personnes de noble naissance, des jeunes gens et des érudits.
Le frère Ange disait que saint François avait une opinion mitigée de ses frères parce qu’ils manquaient de l’esprit de prière et de dévotion, fondement de l’édifice spirituel. Ils ne parlaient pas de Dieu mais du monde, construisaient des bâtiments excessifs qui déplaisaient à Dieu et manquaient de charité. Cela se trouve dans le Livre des Conformités, sous le titre François le législateur, où sont rapportées des paroles sévères concernant de nombreux mauvais frères.
Je dis cela parce que vous m’avez demandé si le mode de vie habituel au sein de la “famille” est sûr en ces temps modernes, et parce que vous avez dit que votre doute venait des relâchements flagrants. Je vous dis donc que ce qui a causé votre doute et votre peur m’a motivé (voire contraint) à agir, car, de temps à autre, des relâchements se sont produits. Tous avaient été prévus par saint François, qui a écrit dans la Règle qu’en tout lieu où les frères comprendraient qu’ils ne pouvaient pas observer la Règle spirituellement, ils devaient recourir aux Ministres (chapitre 10). Avec l’aide de Dieu, les bons frères se sont toujours réunis pour s’aider mutuellement. Il a été nécessaire de faire de même aujourd’hui.
Comme je vous l’ai promis, je vais expliquer mon avis concernant le quatrième doute. Mais remarquez bien :
Concernant le quatrième doute sur les factions, bien que notre Règle soit parfaite et inspirée par le Saint-Esprit, il y a toujours eu des divisions dans l’Ordre, de nombreuses nouveautés, et de nombreux bons et mauvais frères. Cela démontre l’inclination humaine au mal, mais aussi l’envie des démons, qui, voyant les fruits que l’Église tire de l’Ordre, ont demandé à Dieu de leur permettre de le détruire. Bien que cette permission n’ait pas été accordée, ils ont toujours tenté de le perturber et de l’entraver autant que possible. Cela se lit dans le livre intitulé Memoriale Ordinis, où vous verrez que l’Ordre a commencé à fluctuer et à adopter des nouveautés dès le début […].
Le Seigneur tout miséricordieux, touché par les prières de saint François, n’a jamais abandonné cet Ordre, mais a toujours envoyé de bons frères, véritablement zélés pour la Règle et son observance parfaite. Il l’a promis à saint François, lorsque celui-ci était troublé par les scandales parmi les frères, en disant : « Pourquoi es-tu troublé par ces scandales ? J’ai planté cet Ordre et Je le préserverai, et il y aura toujours des frères vraiment observants, et Je les ferai naître. » Cela se trouve dans les Conformités, fruit IX. Le Seigneur conclut en disant : « S’il ne restait que trois frères observants dans l’Ordre, Je ne les abandonnerais pas, et ce sera toujours Mon Ordre. »
En ce qui concerne cette question, je dis que la raison de tant de divisions résidait dans le fait qu’il y avait, à différentes époques, de nombreux frères bons et saints qui étaient réellement zélés et observateurs de la Règle. Lorsqu’ils voyaient des transgressions et des relâchements, ils cherchaient à y remédier. Au sein de la communauté (avec beaucoup de difficulté, cependant, en raison des nombreux obstacles et oppositions), certains observaient la Règle du mieux qu’ils pouvaient. D’autres, afin d’être plus efficaces et souhaitant se soutenir mutuellement, recherchaient du confort, exigeant des positions particulières au sein de la communauté et à l’extérieur, soit à la cour, soit d’une manière ou d’une autre, de sorte qu’à différentes époques et dans diverses Provinces, de nombreux groupes se formèrent, et des réformes furent entreprises. Bien que ces initiatives aient été bien intentionnées, elles échouèrent peu à peu, et rien ne fut accompli en ce qui concerne ces choses, y compris ce qui fut réalisé à l’époque de Saint Bernardin et de ses compagnons.
Si la réforme capucine durera
Frère scrupuleux – Pensez-vous que quelque chose sera accompli cette fois-ci ou que la réforme durera ?
Frère mûr – Oui, je le pense ! Je crois fermement que la réforme capucine est celle qui s’imposera pour de nombreuses raisons :
Premièrement, parce qu’ils ont adopté un mode de vie conforme à la pureté de la Règle, à l’objectif de saint François et très proche de ce qui s’est passé au début.
Deuxièmement, je dis cela parce qu’elle a beaucoup souffert de contradictions et de persécutions, ce qui est la meilleure indication qu’il s’agit d’une oeuvre de Dieu, et pourtant le Seigneur l’a assistée et défendue. Tous les brefs émis contre elle ont été révoqués à mesure qu’elle prenait de l’ampleur. Il serait trop long de raconter combien de défis cette sainte réforme a affrontés depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui, défis de tous types dont le Christ et saint François l’ont libérée. Ainsi, il est clair qu’ils l’ont commencée, établie et protégée.
Troisièmement, je dis cela parce que les réformes des conventuels et de la “famille” étaient déficientes à presque tous les égards. Ces bons serviteurs de Dieu, tant leurs dirigeants que les autres, sont presque tous, peu à peu, passés à la réforme des capucins, comme cela est tout à fait évident dans les provinces de Rome, de saint François, des Marches, et ailleurs. Il est significatif que si ce n’était à cause des brefs mentionnés, tous seraient venus chez les capucins. Malgré cela, beaucoup de frères n’ont pas été retenus et sont venus tout de même, soit lorsque les brefs ont été révoqués, soit par d’autres moyens justes et logiques. En cela, notre Rédempteur très miséricordieux a montré qu’il avait prévu un remède approprié pour les consciences inquiètes des bons frères, afin qu’ils puissent satisfaire leurs désirs réalistes dans cette sainte réforme et observer leur profession sans obstacle. Je pense qu’il n’y aura pas besoin d’une autre réforme en dehors de cette réforme véritable et durable.
Frère scrupuleux – Dans l’autre Dialogue, vous avez vivement critiqué les capucins, leur attribuant beaucoup de reproches et employant des mots très sévères, et maintenant vous les louez hautement, tant par vos paroles qu’en portant leur habit.
Frère mûr – À l’époque, j’ai dit ces choses pour de nombreuses raisons et de plusieurs façons, j’ai essayé de leur créer des obstacles, principalement en adhérant à la pratique habituelle de la communauté dans ces cas, qui a toujours abhorré de telles divisions, sans connaître la volonté de Dieu ou que cette réforme était conforme à son bon plaisir. À présent, ayant changé d’avis, je dis non seulement qu’ils ne devraient pas être accusés de légèreté, d’orgueil, d’ambition et d’autres mauvaises intentions, comme je l’ai dit en m’insurgeant contre eux dans l’autre Dialogue, mais qu’ils devraient être hautement loués parce que, comme cela a été dit ci-dessus, je crois que nous avons certainement découvert la véritable intention de notre père saint François concernant l’observation de la Règle. Je vous dis avec certitude que je ne pensais pas pouvoir satisfaire ma conscience ou être sûr de mon salut après les paroles que j’avais prononcées contre une réforme aussi sainte, voulue par Dieu (je considère de telles paroles comme une calomnie flagrante), ni après les véritables obstacles et persécutions que j’ai causés, d’une meilleure manière qu’en les rétractant par écrit et en portant effectivement leur habit.
Si la décision de passer aux capucins a été précipitée
Frère scrupuleux – Voici ce que je vous dis : votre changement d’habit et votre rétractation de paroles suscitent l’étonnement non seulement chez moi, mais chez tous ceux qui vous connaissaient, et il semble que cela ait eu lieu sans une réflexion sérieuse.
Frère mûr – Je réponds qu’il convient à la personne prudente et sage de changer de plan pour le meilleur et de se conduire avec prudence au moment opportun, à mesure que la vie humaine mûrit, surtout lorsque de tels changements permettent à sa conscience de diriger de nouvelles dispositions pour l’honneur de Dieu et le salut de l’âme. Cela ne devrait pas être attribué à un manque de réflexion, puisque de nombreux docteurs ont dit une chose à un moment donné et une autre à un autre moment. En parlant du neuvième chapitre de Daniel, Nicolas de Lyre a donné une explication de la prophétie que l’ange a révélée à Daniel, puis, en expliquant Daniel une autre fois, après avoir lu le Livre d’Esdras et le Livre d’Esther, comme il le dit lui-même, il a été forcé de fournir une nouvelle exposition qui contredisait la première. Saint Augustin n’a-t-il pas écrit le Livre des Rétractations ?
Beaucoup d’autres ont fait de même.
Ainsi, je dis que dans l’autre Dialogue, j’ai dit beaucoup de choses sur le programme de cette époque, pour de nombreuses raisons que j’ai mentionnées ci-dessus. À ce moment, je suis contraint de parler selon les besoins des temps modernes et de la maturité de la vie, principalement parce que j’ai lu de nombreux livres, chroniques de l’Ordre, oeuvres de saints docteurs et leurs explications de la Règle.
Lorsque vous dites que beaucoup s’étonnent et critiquent, suivez mon conseil : quand il s’agit de l’amour de Dieu et du salut de votre âme, suivez votre conscience et laissez-les dire ce qu’ils veulent. Saint Jérôme dit qu’un signe de salut existe lorsqu’une personne ne tarde pas à accomplir de bonnes actions à cause de ce que les gens disent, puisque l’Apôtre dit : « Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas un serviteur de Dieu. » En parlant de lui-même, il dit à Timothée : « Je rends grâce à Jésus-Christ, notre Seigneur, qui m’a fortifié, m’a jugé digne de confiance en m’appelant à son service, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur et arrogant. Mais il m’a fait miséricorde, car je manquais de foi et j’agissais par ignorance. » Salomon dit : « Celui qui suit une voie honnête craint Yahvé ; celui qui déserte ses chemins lui montre du mépris. » Cherchons donc seulement à plaire à Dieu et laissons les autres dire ce qu’ils veulent. Celui qui est de la terre parle de la terre. Il est bon pour nous d’être ici. Béni soit Dieu.
Quel mode de vie est le plus sûr, celui des Observants ou celui des Capucins ?
Frère scrupuleux – Je suis très satisfait de ce que vous me dites sur ces bons serviteurs de Dieu. Cependant, revenant à ma première question, je veux que vous me disiez de manière décisive si le mode de vie de la “famille” est sûr, et si ce mode de vie ou celui des capucins est le plus sûr, et enfin, ce que je dois faire pour être sauvé.
Frère mûr – Vous demandez que trois questions soient répondues :
Premièrement, si le mode de vie de la “famille” est sûr. À cela, je réponds que je vous ai déjà dit qu’il est sûr dans la mesure où ces saints pères réformateurs étaient corrects et observants. Cependant, en ce qui concerne le présent, je ne souhaite pas entrer dans les détails par respect, mais étudiez ce Dialogue attentivement, puis considérez ce mode de vie moderne et répondez vous-même à votre doute.
Deuxièmement, vous demandez lequel est le plus sûr, celui-ci ou celui-là. Je réponds : examinez-les attentivement et comparez-les ou jugez-les selon l’intention de la Règle et de saint François, que vous pouvez voir clairement dans ce Dialogue. Celui qui se rapproche le plus des éléments essentiels de la Règle est le plus sûr, puisque l’intention de la Règle et de saint François est le critère et la mesure de chaque mode de vie.
Troisièmement, vous me demandez ce que vous devez faire. Je réponds que votre question m’étonne beaucoup, car il me semble que je vous l’ai exposé clairement dans ce que j’ai dit ci-dessus en énonçant votre obligation, qui est de suivre l’intention de la Règle et de saint François, qui est la pierre de touche du choix qui s’offre à vous. Enfin, regardez ce que j’ai fait et comment ma vie s’est développée, ce qui n’a pas été fait à la légère, ni sur un coup de tête, ni par caprice, ni pour d’autres motifs douteux, comme beaucoup le disent. Que le Seigneur, dans sa miséricorde, leur pardonne leur jugement précipité et leurs paroles inéquitables ! Ma décision s’est développée à la suite d’une consultation bien réfléchie. Elle a été mûrement réfléchie, et la recherche de plaire à Dieu s’est faite avec beaucoup de prières, de veilles et d’autres moyens. Voyant notre bonne volonté manifestée en de nombreux signes, Sa Majesté a daigné montrer que telle était sa volonté, et ainsi cela a été fait.
Vous ne devriez pas être influencé uniquement par mes progrès, mais aussi par ceux de nombreux grands pères et saints frères qui ont été et seront. Voyez comment ils ont été empêchés de venir par des brefs. Malgré tout cela, lorsque les brefs ont été révoqués, ils ont suivi l’inspiration divine avec tous les moyens disponibles et sont partis. Vous devriez faire de même, ne pas céder à une telle pusillanimité et ne plus tarder, afin que le Seigneur ne vous dise pas : « J’ai appelé, et vous avez refusé. »
Quelles sont les raisons de la réforme des Capucins
Frère scrupuleux – Que le Seigneur vous récompense pour le bon conseil que vous m’avez donné, et je vais certainement le suivre bientôt. Cependant, pour rassurer mon désir résolu et pour aider beaucoup de ceux qui vivent dans un état de perplexité et d’inquiétude, et dont les bonnes intentions sont bloquées par une grande peur et d’autres considérations irrationnelles,
Je vous prie de me dire quelles ont été les principales raisons qui ont motivé ces bons frères à prendre de telles dispositions et à entreprendre des réformes.
Frère mature – Ce sont en vérité des principes fondamentaux très urgents, rationnels et même nécessaires.
Le premier principe fondamental est l’importance de nos voeux, qui sont les plus importants, car ils sont faits à Dieu, car ils sont accompagnés de la promesse d’une récompense éternelle, car ils impliquent le danger de damnation, et parce que nous les avons pris librement, promettant en pleine conscience : « Je fais voeu et promesse à mon Seigneur Dieu, à la très bienheureuse Vierge Marie, à notre père Saint François et à tous les Saints du ciel d’observer la Règle des Frères Mineurs, confirmée par le Pape Honorius, tous les jours de ma vie, vivant dans l’obéissance, sans rien qui m’appartienne, et dans la chasteté. »
Cela revient à dire : « Je renonce complètement à ma liberté et à mon libre arbitre, je donne toute ma vie à Dieu et à l’Ordre, et je m’engage pour toujours, promettant de tout consacrer à son service selon les dispositions de ceux qui sont en charge et qui commandent, de telle manière que je ne puisse pas désirer ou faire volontairement quoi que ce soit qui soit contraire à ma Règle ou aux voeux que j’ai faits, ou à la volonté de mes supérieurs, étant certain que si je faisais quoi que ce soit délibérément et avec malice contre cela, je m’exposerais au danger de la damnation. » C’est ce que signifie notre Profession.
Ainsi, un voeu professé de cette manière maintient la personne qui l’observe dans un mérite continu, dans une bonne position, de sorte que sa vie est agréable à Dieu et méritoire. En revanche, un voeu professé de cette manière lie la personne qui ne l’observe pas dans un démérite continu, dans une mauvaise position, et lorsqu’elle meurt, elle est damnée. C’est pourquoi le Pisan dit, au chapitre deux, qu’un frère doit exercer un soin continuel concernant l’observation de ce qu’il a promis puisqu’il lui a été promis la vie éternelle à cause de cette observation, et il doit toujours craindre de commettre quelque chose de contraire à la Règle.
Le deuxième principe fondamental est : bien que les frères ne soient pas tenus par les conseils évangéliques qui ne sont pas contenus dans la Règle (la preuve en est que le Bienheureux François a placé certains conseils dans la Règle et pas d’autres), ils ne sont pas non plus tenus d’observer ces conseils évangéliques qui sont dans la Règle, puisque, comme le Seigneur a établi que les préceptes évangéliques soient observés en tant que préceptes et les conseils en tant que conseils, il en est ainsi dans la Règle.
Le troisième principe fondamental est que l’ignorance affectée, selon tous les docteurs, n’excuse pas du péché mortel dans les matières nécessaires au salut, que ce soit en partie ou complètement. C’est le cas lorsqu’une personne, par négligence délibérée, malice ou mépris, ne veut pas apprendre ce qui est nécessaire pour le salut auquel elle est tenue par voeu ou précepte, et fait cela pour avoir une plus grande liberté de pécher. Je crois fermement que les frères qui sont entrés dans l’Ordre avec la bonne volonté d’observer la Règle et d’autres ordonnances, mais qui ne les ont pas reçues expliquées, trouveront le pardon devant Dieu. J’ai vu certains frères qui sont dans l’Ordre depuis de nombreuses années et qui, lorsqu’ils n’aiment pas quelque chose dans la Règle ou une interprétation, disent : « Je ne savais pas cela, et si cela m’avait été expliqué au début, j’aurais reconsidéré ma décision. »
Malheur à celui qui est la cause d’une telle erreur ! De telles personnes auraient dû chercher à apprendre ce qui était nécessaire pour leur salut afin que quelqu’un puisse leur enseigner. Il y a une grande corruption et un abus dans cela, et vous ne trouverez pas beaucoup de gens qui connaissent la Règle et son interprétation. Cependant, cela a conduit à une telle ruine.
Le quatrième principe fondamental est que nous sommes tenus d’être attentifs à notre salut, et nous nous mettons dans une mauvaise situation en le méprisant. De même que craindre d’être en faute là où ce n’est pas le cas fait partie d’un état d’esprit correct et craintif, comme le dit Grégoire, ne pas avoir peur quand il y a de nombreuses fautes et transgressions fait partie d’un regard aveugle qui ne craint pas Dieu ou a peu de considération pour son propre salut. Ainsi, dans la Règle, il y a beaucoup de choses que nous devons observer et elles indiquent ce que nous devons éviter. Si nous ne les connaissons pas, comment pouvons-nous éviter l’un et observer l’autre ? Cela ne se produit pas sans un grand danger de damnation.
Le cinquième principe fondamental est : bien que nous ne soyons pas tenus d’être parfaits, nous sommes tenus de tendre vers la perfection, c’est-à-dire de prendre soin de réaliser nos actions, en particulier celles qui sont obligatoires, comme les trois principaux voeux et tout ce qui est nécessaire à leur observation, avec autant de ferveur que possible, d’intense volonté et d’amour pour Dieu.
Ces deux choses sont requises du frère mineur : comme de tous les autres religieux :
Un désir unique et ardent d’atteindre un amour parfait pour Dieu et une union parfaite avec Sa Majesté par amour.
Il est nécessaire qu’il agisse de manière à essayer avec tout soin et ferveur, avec la grâce de Dieu, d’atteindre un tel amour et une telle union, autant que la faiblesse humaine le permettra ; dans cette vie, cet amour et cette union devraient être son objectif principal.
Puisque qu’il est difficile d’atteindre pleinement cette perfection dans cette vie, nous affirmons qu’il n’est pas nécessaire pour nous d’atteindre la perfection, mais de tendre vers la perfection, c’est-à-dire d’essayer de s’en rapprocher autant que possible avec soin et ferveur. Puisque la Règle est un moyen très approprié pour atteindre cet objectif, nous devrions déployer tous nos efforts pour l’observer avec autant de perfection que possible, en particulier les trois voeux, comme nous l’avons dit. Celui qui n’a pas ces deux intentions, c’est-à-dire un désir ardent de parvenir à l’amour parfait de Dieu et une préoccupation de l’atteindre, est dans un état dangereux selon les docteurs : Diliges ex toto corde, etc.
Ceux qui disent : « Il me suffit d’observer la Règle. Je ne me soucie pas de la réforme. Dieu désire le coeur. Je suis satisfait de me sauver moi-même. Je n’ai pas besoin d’être scrupuleux », vivent une vie très dangereuse. Ce genre de discours est très risqué pour un religieux, et s’il parle ainsi délibérément et intentionnellement, sans se soucier de progresser dans les vertus, en particulier dans celles qui sont nécessaires, il lui sera difficile d’être sauvé, car de telles personnes sont souvent apathiques et négligentes, manquant d’ardeur, s’aimant elles-mêmes, s’adonnant à la sensualité et à l’autodétermination, sans tenir compte de l’obligation de leur profession et vivant sans scrupule, en prêtant attention à très peu de choses. Ces frères mal intentionnés vivent dans des lieux où il y a un certain degré d’ordre et de juste observance. Quand ils disent qu’il leur suffit d’observer la Règle, ils se trompent eux-mêmes, semblant l’observer tout en ne tendant pas vers la perfection, mais en vivant dans une grande liberté et aisance, ne se préoccupant guère de leur propre salut. De tels frères étaient odieux pour le Bienheureux François.
Le sixième principe fondamental est que, éclairé par le Saint-Esprit, le Bienheureux François [41v], sachant que par l’imperfection de la nature humaine, qui est toujours en déclin, il serait parfois nécessaire d’apporter une aide à ceux qui voulaient observer la Règle parfaitement, a placé le remède aux obstacles dans le chapitre dix de la Règle.
De plus, je dis que, pour éviter le danger de transgressions, un frère ne devrait pas laisser passer un jour sans à un moment ou un autre rappeler sa profession à son esprit et considérer la Règle et ses déclarations. S’il ne sait pas lire ou est peu instruit, qu’il trouve quelqu’un qui puisse lui enseigner. En effet, chaque frère devrait connaître la Règle par coeur, comme il connaît le Notre Père. Les Ministres doivent ordonner qu’un moment soit réservé dans tous nos lieux pour une leçon donnée à tous les frères concernant la Règle, comme cela se fait dans les lieux où l’on enseigne la grammaire, la logique, etc. L’étude de la Règle (qui est peu estimée) est comparée à d’autres matières auxquelles on accorde beaucoup de soin, bien que la Règle soit beaucoup plus importante que les autres choses, puisque nous sommes tenus à son observance par un voeu solennel.
Les frères devraient également discuter librement de la Règle. Ainsi, Saint François, qui était un véritable zélateur de la Règle, avait l’habitude de donner sa bénédiction aux frères qui en parlaient librement et souhaitait qu’ils la portent avec eux et meurent avec elle en mémoire de leur voeu et serment, et qu’ils l’aient toujours dans leur coeur. Il disait que pour ceux qui la professent et l’observent, la Règle est le livre de vie, l’espoir de salut, l’autel de gloire, la moelle de l’Évangile, la vie de la croix, l’état de perfection et la clé du ciel. Quiconque suivra cette règle, etc.
Profession des conseils évangéliques
Frère Mûr – Texte : « Vivre dans l’obéissance, sans rien en propre et dans la chasteté ».
Comme pour dire : par l’imitation des vertus spirituelles que l’Évangile proclame comme sa substance logique et que le Seigneur a pratiquées en nous donnant l’exemple. Ainsi, quiconque désire imiter le Christ doit adopter ces vertus évangéliques, à savoir l’obéissance, la pauvreté et la chasteté.
Cette parole du Bienheureux François, qui nous invite à l’observance de l’Évangile avec les mêmes vertus que le Christ a pratiquées, n’est rien d’autre que transformer chaque chose charnelle en chose spirituelle, chaque chose terrestre en chose céleste chaque jour. Et il n’y a pas de meilleure voie vers la perfection que celle-ci : l’observance des trois plus excellentes vertus qui ont brillé avec le plus grand éclat dans notre Seigneur Jésus-Christ et dans lesquelles toutes les autres sont contenues. Ainsi, quiconque désire observer ce chapitre et comprendre l’intention de Saint François, doit s’efforcer de pratiquer ces vertus comme le Christ et François les ont pratiquées. Toute vertu et tout mérite de l’obéissance, de la pauvreté et de la chasteté reposent sur la connaissance et l’amour du Seigneur très bon.
Comme les trois voeux principaux ne sont pas mentionnés dans ce chapitre, nous en parlerons dans ce qui suit.
L’importance et la pratique du voeu d’obéissance religieuse
Frère Scrupuleux – Vous avez dit tant de choses sur nos professions que j’en suis très effrayé. Par conséquent, je vous supplie d’expliquer clairement son importance.
Frère Mûr – Le voeu d’obéissance est véritablement très important. Cela se voit pour deux raisons :
Premièrement, en raison de la force contraignante de la profession, dans laquelle un frère abandonne complètement sa volonté, se donnant totalement à Dieu et à l’Ordre pour toute sa vie. Par conséquent, toute transgression délibérée contre ce voeu, même minime, est dangereuse, comme je l’ai dit plus haut.
Deuxièmement, à cause des paroles de Saint François dans le chapitre dix de la Règle : « Je commande donc fermement à tous les frères d’obéir à leurs ministres », ce qui, selon tous les commentateurs de la Règle, inclut tous les supérieurs, puisque selon la Règle de l’Évangile dans Matthieu 20 et Marc 10, les supérieurs doivent être appelés ministres ; « en toutes les choses qu’ils ont promis au Seigneur d’observer » ; signifie qu’ils doivent obéir non seulement à ce qui est mentionné dans la Règle, mais aussi à toutes les choses qui sont commandées, pourvu qu’elles ne soient pas contraires à leur âme ou à la Règle, car c’est ce qu’ils ont promis au Seigneur. Ainsi, par leur profession, ils renoncent à leur propre volonté en la plaçant sous celle des autres. C’est pourquoi il est dit : « qu’ils se souviennent que c’est par amour de Dieu qu’ils ont renoncé à leur propre volonté ».
Frère Hugues affirme que l’obéissance parfaite ne se limite pas à des frontières spécifiques, mais s’étend aux limites de la charité, à cause de laquelle on n’obéit pas par nécessité mais par amour. C’est dans cet esprit de ferveur que Saint François, véritable amoureux de la perfection, a commandé lorsqu’il a dit : « ainsi, je leur commande fermement », etc. Une telle obéissance est parfaite.
L’obéissance est imparfaite lorsqu’elle est limitée à certaines choses, c’est-à-dire lorsqu’on est tenu d’obéir uniquement à ce qui est contenu dans la Règle. C’est une obéissance servile, qui ne considère que la nécessité et non la charité. Saint Bonaventure dit que le frère promet une obéissance universelle et ne peut donc refuser aucune obéissance, qu’elle soit mentionnée dans la Règle ou non, sauf si elle est contraire à son âme ou à la Règle. Il ajoute que l’obéissance du frère mineur est bien connue parce qu’il n’obéit pas seulement à Dieu mais à tout le monde par amour de Dieu.
Cas et problèmes d’obéissance
Frère Scrupuleux – Le frère qui n’obéit pas en tout pèche-t-il toujours mortellement ?
Frère Mûr – Si le supérieur commande des choses qui sont dans la Règle telles qu’elles sont : réciter l’Office, porter des vêtements usés, jeûner aux temps prescrits, etc., sans aucun doute la désobéissance dans ces cas et dans des choses similaires constitue un péché mortel, sauf lorsqu’il y a une nécessité incontournable.
Si le supérieur commande des choses qui sont des conseils, par exemple, lorsqu’il sait qu’un frère est irritable et sujet à la dispute, et qu’il sait qu’il doit se rendre dans un lieu où il dispute habituellement, et pour éviter le scandale, il lui ordonne de ne pas se disputer avec qui que ce soit. Je soutiens que, dans ce cas précis, il est obligé d’obéir, même si ne pas se disputer est un conseil du troisième chapitre de la Règle et non un commandement. S’il agit autrement, il pèche mortellement, car, dans ce cas particulier, ce n’est plus un conseil mais un précepte spécifique et une interdiction. Bien que Saint François ait placé de nombreux conseils dans la Règle, cela n’enlève pas l’autorité générale du supérieur de commander tout ce qui n’est pas contre l’âme ou la Règle, selon les circonstances, ni l’obligation générale du sujet d’obéir à toutes ces choses. Je dis la même chose pour tous les autres conseils contenus dans la Règle : lorsqu’ils sont spécifiquement commandés, ils ne sont plus des conseils mais des préceptes, et obligent comme n’importe quel autre précepte.
Certaines choses sont implicitement obligatoires dans la Règle, comme les tâches communes sans lesquelles l’observance régulière ne pourrait être maintenue, telles que la sacristie, l’infirmerie, etc. Dans ces cas, les frères sont non seulement obligés d’accomplir ces tâches, mais de les accomplir avec diligence dans tous les détails nécessaires. La transgression par une négligence notable, surtout si elle est commise par mépris ou malice, constituerait un péché mortel.
Certaines choses sont expressément contraires à la Règle, comme chercher de l’argent, le recevoir ou d’autres actes similaires. Les frères ne doivent pas obéir en de telles choses. Cela est évident.
Frère Scrupuleux – Si le supérieur commande quelque chose de légèrement mauvais, bien que ce ne soit pas absolument mauvais, que faut-il faire ? Je dis cela parce qu’il y a des frères si scrupuleux que, lorsque le supérieur leur demande de quémander des choses telles que du pain, du vin, de l’huile et autres choses nécessaires à la subsistance quotidienne, et qu’ils savent qu’il y a suffisamment de pain dans la maison pour trois ou quatre jours, suffisamment de vin et suffisamment d’huile pour huit à dix jours, ils répondent au supérieur : cela serait mendier pour un surplus et est contre la Règle ; et ils refusent de le faire. Ont-ils raison ou tort ?
Frère Mûr – Je dis que, pour ces nécessités quotidiennes, il n’y aurait pas beaucoup de mal à obéir simplement et purement.
Le sujet ne doit pas chercher à connaître l’intention du supérieur dans tout, ni le supérieur n’est-il obligé de tout justifier auprès de ses sujets. Parfois, il anticipe deux ou trois jours pour éviter d’importuner les autres ou pour éviter que les frères ne sortent trop souvent. Le sujet doit mettre sa conscience de côté et obéir à celle du supérieur, surtout lorsqu’il sait que le supérieur a une bonne conscience et fait preuve de discrétion dans sa gouvernance. Lorsqu’il voit effectivement une fraude, il doit la signaler au supérieur majeur, mais pour le moment, il doit obéir, car à cause de ces objections scrupuleuses, beaucoup de choses malheureuses se produisent et il y a de grands troubles dans la maison.
Certaines choses sont conformes à la Règle, comme les Constitutions et les Ordonnances qui sont établies pour mieux observer la Règle, comme le disent les Quatre Maîtres. La Règle prévoit qu’un Chapitre Général soit tenu, et il appartient à ce Chapitre de prévoir ce qui perfectionne la Règle et en préserve la pureté ; ainsi, tout ce qu’il commande doit être observé. Bien que par leur nature les Constitutions ne lient pas sous peine de péché mortel, sauf en cas de mépris délibéré,
néanmoins, une négligence ostentatoire dans leur observance pourrait être cause de ruine. Les Souverains Pontifes ont déclaré que les Constitutions, par leur nature, ne lient pas sous peine de péché mortel, comme nous l’avons dit, ni pour le passé ni pour l’avenir. Les nouvelles Constitutions n’annulent pas l’obligation des frères envers les anciennes.
Bien sûr ! Voici la suite traduite en français :
Frère Scrupuleux – Est-il permis à un frère de demander des permissions spéciales ou d’insister auprès de son supérieur ?
Frère Mûr – Non, un frère ne doit pas insister de manière persistante auprès de son supérieur, surtout lorsqu’il a déjà reçu une réponse négative. Agir ainsi revient à mettre de la pression inutile sur le supérieur, ce qui peut engendrer des désordres spirituels et organisationnels. Il est préférable pour un frère d’accepter humblement la décision de son supérieur et de s’abandonner à la providence divine.
Un frère qui persiste dans sa demande ou tente de manipuler son supérieur pour obtenir ce qu’il souhaite commet une faute grave, car il agit contre l’esprit d’obéissance et de renoncement à sa propre volonté, qui sont au coeur de sa profession religieuse.
Frère Scrupuleux – Que doit faire un frère si son supérieur est sévère ou injuste dans ses décisions ?
Frère Mûr – Un frère doit supporter avec patience la sévérité ou l’injustice, en l’offrant comme un acte de sacrifice et d’obéissance à Dieu. Cependant, si une véritable injustice ou un danger pour son âme se présente, il peut humblement en référer aux supérieurs majeurs ou aux autorités compétentes dans l’Ordre.
Toutefois, cela doit être fait avec discrétion et respect, sans chercher à nuire à la réputation du supérieur ou à causer des désordres dans la communauté. Le frère doit toujours chercher à préserver l’harmonie et l’unité de la fraternité.
Frère Scrupuleux – Comment un frère peut-il discerner la volonté de Dieu dans l’obéissance ?
Frère Mûr – La volonté de Dieu se manifeste principalement à travers l’obéissance aux supérieurs et aux règles de l’Ordre. Un frère doit donc s’efforcer d’obéir promptement et avec amour, même lorsque cela va à l’encontre de ses désirs ou préférences personnelles.
Saint François enseignait que l’obéissance parfaite consiste à abandonner entièrement sa propre volonté pour suivre celle du supérieur, comme si elle venait directement de Dieu. C’est dans cet abandon total que le frère trouvera la paix intérieure et l’assurance d’accomplir la volonté divine.
Frère Scrupuleux – Quelle est la récompense spirituelle de l’obéissance ?
Frère Mûr – L’obéissance est une vertu qui purifie l’âme et la rapproche de Dieu. En obéissant avec humilité et dévotion, le frère participe au sacrifice du Christ, qui s’est soumis à la volonté du Père jusqu’à la mort sur la croix.
Saint François disait que l’obéissance transforme les actes ordinaires en mérites extraordinaires devant Dieu. Un frère obéissant accumule des trésors dans le ciel et bénéficie de la grâce divine pour persévérer dans sa vocation.
Si l’obéissance est observée dans la réforme capucine
Frère Scrupuleux – L’obéissance est-elle observée dans la réforme capucine avec autant de rigueur que vous l’avez décrite ? Je pose cette question parce que [50r] certains disent qu’il n’y a pas d’obéissance dans la réforme, qu’ils vivent dans une liberté d’esprit et sans structures, et que ceux qui les rejoignent le font pour obtenir une telle liberté.
Frère Mûr – Que Dieu pardonne à ceux qui font de telles accusations injustes et iniques contre ces bons serviteurs de Dieu et véritables fils légitimes de saint François.
Sachez, mon fils, qu’ici nous vivons sous une grande discipline, et que là où il n’y a pas plus de trois ou quatre frères en un lieu, ils observent les ordonnances comme s’ils étaient vingt. Avec la grâce de Dieu, l’obéissance est strictement observée par tous, les anciens comme les jeunes. Je n’en dirai pas plus : si vous venez ici et que vous constatez que l’obéissance n’est pas observée avec la perfection, la charité et la paix que j’ai décrites, alors vous pourrez me réprouver.
Si vous venez ici en quête de liberté, je peux vous dire que je n’ai jamais entendu parler d’un oiseau qui soit sorti d’une grande cage pour entrer dans une petite, pensant y trouver la liberté. Vous savez bien, comme moi et les autres pères qui sommes venus ici, que nous ne manquions pas de liberté là où nous étions, comme maîtres et seigneurs. Je vous dis qu’il est certain que ceux qui profèrent de tels mensonges doivent trouver un autre moyen, dans cette vie et dans la suivante, pour couvrir leurs évidentes relâchements. Il vaut mieux faire le bien que dire du mal. Prions pour que le Seigneur éclaire ceux qui ont besoin de lumière.
Sens et spiritualité de la pauvreté
Le texte continue : sans rien en propre.
Frère Scrupuleux – Quelle est la pauvreté du Frère Mineur ? [50v]
Frère Mûr – Les Quatre Maîtres disent que c’est une pauvreté d’esprit qui ne conserve rien, ni nécessaire ni superflu, comme étant en propre, mais dépend entièrement de la providence divine. Ce genre de pauvreté est connu sous le nom de mendicité. Voir ci-dessous au chapitre six : Comme des pèlerins, etc.
Pour que vous compreniez mieux ce sujet, notez :
Premièrement, si nous voulons observer notre Règle et sauver notre âme, nous devons être conscients de la force contraignante de nos voeux, qui lient sous peine de péché mortel, et aussi considérer la rigueur de la Règle et ce qu’elle entend par rapport à la pauvreté, en particulier en ce qui concerne sa simplicité et sa pureté. Si vous souhaitez encore consulter les déclarations des Souverains Pontifes, lisez celles de Nicolas III et Clément V, ainsi que la Minorica de Bartolo.
Deuxièmement, notez que la pauvreté du Frère Mineur est la plus grande au monde, à la fois parce qu’elle est volontaire et parce qu’elle inclut toute forme de renoncement à toutes les choses temporelles en termes de propriété, inclut l’usage des choses nécessaires, et aussi parce qu’elle est modelée sur la pauvreté de Notre Seigneur Jésus-Christ, de sa très sainte Mère et des Apôtres. Qui plus est, comme le dit Bartolo dans la Minorica, cette forme de pauvreté est encore plus stricte, car certaines choses sont dites dans la Règle concernant lesquelles le Seigneur n’a rien dit ni donné d’exemple, comme : Je commande strictement à tous mes frères par obéissance [51r] de ne recevoir ni pièce ni argent sous aucun prétexte, etc. Bartolo conclut que notre genre de pauvreté est la plus grande et la plus stricte pauvreté qui ait jamais existé au monde, et c’est pourquoi le Bienheureux François disait en l’imposant : C’est cette hauteur sublime, etc. C’est ce que dit Bartolo, et il cite l’Exivi de Clément et le chapitre commençant par Exiit, de verborum significatione au chapitre six.
Saint Bonaventure dit : c’est la véritable Règle qui enseigne comment observer la pauvreté la plus pure et réprouve sévèrement ceux de l’Ordre qui veulent être riches alors qu’ils étaient pauvres dans le monde.
Frère Scrupuleux – Pourquoi la Règle dit-elle : vivre sans rien en propre, et non dans la pauvreté ? Beaucoup prétendent que nous ne promettons pas la pauvreté. Quelle est votre opinion ?
Frère Mûr – Je tiens et je crois que nous promettons la pauvreté, qui consiste à ne rien avoir en propre et à utiliser les choses nécessaires de manière austère, économe et rigoureuse, comme l’enseignent tous les docteurs. Là où il y a surplus, il n’y a pas de pauvreté. Ainsi, Exiit dit que nous ne devons pas utiliser quoi que ce soit qui ne soit pas nécessaire pour la préservation de la vie et l’accomplissement des devoirs de l’Ordre, mais pas l’usage de toutes choses, comme nous le verrons ci-dessous. Donc, si nous étions seulement tenus de ne rien avoir en propre, mais non à la pauvreté dans l’usage des choses, nous pourrions jouir de l’usage de choses opulentes et riches comme le font les riches et les nobles du monde, ainsi que des vignobles, champs et autres, car ils ne nous appartiendraient pas mais à d’autres. Cela est absurde et très faux.
En outre [51v], comme il est dit au chapitre deux, nous promettons d’observer la vie et la Règle : promettant cette vie et cette Règle, etc. Il est certain qu’il y a de nombreuses choses dans la Règle qui indiquent ce type de pauvreté, comme le dit le Frère Hugues :
Premièrement, lorsqu’elle commande à tous ceux qui entrent dans l’Ordre de donner tous leurs biens aux pauvres ;
Deuxièmement, changer leurs vêtements ;
Troisièmement, l’investiture ;
Quatrièmement, quelques tuniques, seulement deux sont autorisées ;
Cinquièmement, marcher pieds nus ;
Sixièmement, ne pas monter à cheval ;
Septièmement, nous sommes des pèlerins ;
Huitièmement, mendier, c’est-à-dire chercher des aumônes, à propos de quoi les Quatre Maîtres disent que la pauvreté dans l’usage est ici commandée puisque nous devons être pauvres et mendiants ;
Neuvièmement, l’exaltation de la pauvreté au chapitre six : C’est cette hauteur sublime, etc. où le Pisan dit : ceci exalte la plus haute pauvreté où saint François conclut qu’il ne s’agit que de la pauvreté évangélique que la Règle entend imposer aux frères ;
Dixièmement, l’étreinte étroite de cette pauvreté par le renoncement à tout autre chose au chapitre six : En vous donnant entièrement à cela, frères bien-aimés, etc. à propos de quoi le Frère Hugues dit : cela inclut le précepte de l’observance de la pauvreté dans son intégralité, où il est dit : ne cherchez jamais rien d’autre sous le ciel pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire rien d’autre que la plus haute pauvreté. Tout le chapitre six prouve que nous promettons la pauvreté, comme nous le verrons ci-dessous. Il est dit au chapitre cinq : comme des disciples de la très sainte pauvreté [52r] ; et dans le dernier chapitre : observons la pauvreté, l’humilité et le saint Évangile comme nous l’avons fermement promis, et la Règle dit la même chose à de nombreux autres endroits.
Les décrets de la sainte Église et des Souverains Pontifes confirment également cela. Ainsi, Nicolas III dit dans Exiit, de verborum significatione in 6º : L’Ordre religieux doux et humble des Frères Mineurs est fondé sur la pauvreté et l’humilité ; et au § Nec quisquam : Il convenait à l’Ordre, qui s’était engagé à imiter le Christ dans une telle pauvreté. L’Exivi de Clément, § Ceterum, dit que saint François a établi ceux qui professent sa Règle dans la plus haute pauvreté. Au § Proinde, parlant des bâtiments somptueux, il est dit : afin que la promesse d’une telle pauvreté ne soit pas compromise. Au § Cui igitur, il est dit que si les frères n’étaient obligés qu’à l’obéissance, à ne rien posséder en propre et à la chasteté, et non à toute la Règle, il aurait été inutile de dire au chapitre deux : Promettant d’observer toujours cette Règle et cette vie ; où le Frère Hugues dit que celui qui promet d’observer cette vie et cette Règle, promet d’observer la pauvreté, puisque ces trois voeux sont primordiaux et la substance de tout Ordre religieux.
Dans le Prologue de leurs privilèges, Innocent IV et Alexandre IV disent : Vous qui endurez la pauvreté au nom du Christ. Ils s’accordent avec les autres.
Saint Bonaventure dit au chapitre six : « Puisque les frères professent la plus haute pauvreté, il est nécessaire que tout ce qu’ils possèdent pour leur usage, dans la mesure du possible, soit modeste, austère et pauvre, trois qualités qui accompagnent naturellement la plus haute pauvreté. » Dans le fruit 16 des Conformités, le Pisan affirme expressément que nous promettons une pauvreté extrême, et que saint François a commandé la plus haute pauvreté dans la Règle. Lisez le fruit 16, et vous verrez de grandes choses concernant l’intention de saint François à l’égard de la pauvreté.
Les docteurs de l’Ordre s’accordent avec les Souverains Pontifes pour affirmer que nous promettons la pauvreté, et Jean Pecham ajoute que c’est pour cela qu’il nous est interdit d’avoir des caves, des greniers, des bâtiments excessifs et tout type de surplus.
Cela prouve encore l’intention de saint François et combien il aimait, louait et recommandait du fond du coeur la vertu de pauvreté. Ainsi, alors qu’il se trouvait à Rome en prière devant les Apôtres Pierre et Paul, implorant de recevoir le trésor de la plus haute pauvreté, ils lui apparurent en disant que le Seigneur avait exaucé sa prière et que ce trésor lui avait été donné, ainsi qu’à ses disciples et à tous ceux qui poursuivraient ce désir. Ils seraient bénis par Dieu et assurés du salut.
Le bienheureux François ouvrit le livre des Évangiles à trois reprises, et les mots qui apparurent furent toujours les mêmes : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et suis-moi. » Il le fit, tout comme ses compagnons, et c’est ainsi que l’Ordre fut lancé.
Dans une vision, le frère Léon vit que les frères qui traversaient une rivière chargés de livres se noyaient, et il faillit se noyer lui-même parce qu’il portait un bréviaire qu’il avait copié.
Saint François avait l’habitude de dire : « Celui qui veut être un vrai frère mineur ne doit posséder [53r] rien de plus que deux tuniques, comme le permet la Règle, une corde, des sous-vêtements et un bréviaire. » Rappelant la pauvreté de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa très sainte Mère, il disait que la pauvreté était la reine des vertus, car elle resplendissait dans le Roi des rois et dans sa Reine Mère. Lorsque les frères lui demandaient quelle était la vertu qui rendait l’âme la plus aimée du Christ, il répondait : « La pauvreté est le chemin particulier du salut, le soutien de l’humilité et la racine de la perfection, dont le fruit est multiple mais caché. C’est le trésor enfoui dans le champ dont parle l’Évangile, pour acheter lequel un homme doit vendre tout ce qu’il possède ; et s’il ne peut pas le faire, il doit mépriser ses possessions. Celui qui veut atteindre de tels sommets doit renoncer non seulement à la prudence humaine, mais aussi à l’expertise de l’apprentissage, afin qu’ayant renoncé même à cette possession, il puisse entrer dans les grandes oeuvres du Seigneur et s’offrir nu aux bras du Crucifié. »
Il enseigna aux frères de construire des maisons humbles et ordinaires, semblables à celles des pauvres, dans lesquelles ils devraient vivre comme si elles n’étaient pas les leurs, mais appartenaient à d’autres, comme le font les pèlerins et les étrangers dont le but est de vivre sous le toit d’autrui et de désirer passer paisiblement dans leur propre pays.
Il disait que la pauvreté était le fondement de son Ordre sur lequel toute la Règle était établie, afin qu’elle tienne solidement sur sa fermeté, mais soit détruite par la recherche de la nouveauté. Pour les serviteurs de Dieu, tout l’argent n’est rien d’autre que le diable et un serpent venimeux. À mesure que les frères se retirent de la pauvreté, le monde s’enfuit d’eux ; ils chercheront mais ne trouveront pas. Cependant, s’ils embrassent ma dame pauvreté, le monde les nourrira, puisqu’ils ont été consacrés à la salvation du monde. Il existe une alliance entre les frères et le monde dans laquelle ils doivent donner au monde un bon exemple, et le monde leur donnera ce dont ils ont besoin. Lorsqu’ils échouent à donner un bon exemple, le monde échouera à pourvoir à leurs besoins.
Frère Masseo disait : « Le trésor de la bienheureuse pauvreté est si digne et divin que nous ne sommes pas dignes de le posséder dans nos vases misérables, car c’est une vertu céleste par laquelle toutes les choses terrestres et transitoires sont foulées aux pieds et tous les obstacles sont éliminés, de sorte que l’esprit est tourné vers le Seigneur. C’est ce qui permet à l’âme qui est sur terre de communiquer avec les anges au ciel, de se joindre au Christ sur la Croix, d’être proche de Lui dans le tombeau et avec Lui lorsqu’Il ressuscite et monte au ciel, et ce qui donne aux âmes aimantes dans cette vie l’agilité de s’envoler vers le ciel et de contempler les bras de la charité et de l’humilité. »
Frère Pierre Catani demanda à saint François s’il voulait que les biens des novices soient gardés. Il répondit : « Je préférerais que vous dépouilliez l’autel de la Bienheureuse Vierge, si cela était nécessaire, plutôt que vous gardiez quoi que ce soit contre le voeu de la sainte pauvreté et l’observance du saint Évangile, car il m’est plus cher qu’en observant l’Évangile, son autel soit dépouillé et laissé nu que le conseil de son Fils, que nous avons promis, soit tenu en mépris. »
Lorsque Innocent III vit que le Bienheureux François avait demandé la confirmation de la Règle dans laquelle la pauvreté la plus stricte était promise en commun et pour l’individu, il différa l’approbation jusqu’à ce qu’il ait une vision dans laquelle il semblait que la basilique Saint-Jean-de-Latran était en train de s’effondrer et qu’un homme pauvre et misérable la soutenait de son épaule. Il comprit que c’était le Bienheureux François, qui devait soutenir l’Église catholique. Lorsqu’il dit à saint François que la Règle était trop stricte et que les frères mourraient de faim, saint François répondit : « Il n’y a pas de raison de craindre que les fils du Roi éternel meurent de faim [ou qu’ils manquent de nourriture nécessaire], et que les héritiers qui sont l’image du Christ Roi, né d’une mère vierge et pauvre, doivent aussi naître dans un Ordre qui est pauvre. » Le Pape répondit alors : « D’autres ont seulement effleuré la pauvreté, vous voulez la prendre à coeur », et il approuva la première Règle.
Toutes ces choses ont été mentionnées pour clarifier que nous avons promis la pauvreté et malheur à ceux qui, par leur imagination sensuelle et leurs paroles passionnées, veulent enlever de telles vérités qui ont certainement été recommandées non seulement par saint François, mais aussi par Jésus-Christ, sa très sainte Mère, les autres saints et apôtres et tous ceux qui sont au ciel, comme ils le verront au moment de leur mort.
Seulement l’usage « limité et restreint » des choses
Frère scrupuleux – Père, ces questions sont d’une importance capitale et suscitent de plus en plus en moi le désir de me libérer de tels dangers. Cependant, je vous prie de m’expliquer comment les frères peuvent avoir l’usage des choses sans en être propriétaires.
Frère mûr – Notez deux conséquences. La première est qu’en raison de la profession de la Règle et de notre profession, la possession de quoi que ce soit nous est interdite, comme il est dit dans le chapitre six : « Que les frères n’approprient rien à eux-mêmes. » [54v] Par conséquent, les frères ne peuvent ni détenir ni utiliser quoi que ce soit comme leur bien, ni le donner de quelque manière que ce soit, ni empêcher les supérieurs d’assigner l’usage de quelque chose à quelqu’un d’autre. Cependant, en ce qui concerne la monnaie ou l’argent, les frères ne doivent ni en être propriétaires, ni en faire usage. Voir le chapitre six.
La deuxième conséquence est que, selon Nicolas III dans § Porro, les frères n’ont que l’usage de fait des choses nécessaires, c’est-à-dire qu’ils peuvent utiliser les choses non pas comme s’ils en étaient propriétaires, car elles appartiennent à celui qui les a données ou au Saint-Siège, comme il sera expliqué. Ils peuvent les utiliser avec la permission du supérieur sans avoir de domination ou de possession sur l’usage de la chose ou sur la chose elle-même, selon Nicolas III § Ne quisquam.
Frère scrupuleux – Que signifie avoir le droit de possession ou d’usage ?
Frère mûr – Lorsqu’un frère conserve ou utilise une chose de manière à ne pas vouloir que quelqu’un d’autre l’utilise, sauf lui-même et ceux qu’il veut autoriser, il exerce une domination sur son usage, ce qui nous est interdit. Celui qui fait cela est un propriétaire. Souvent, un signe de cela est de verrouiller des chambres ou des boîtes, etc. D’autres ont des vêtements, des livres ou des outils qu’ils gardent sous clé et ne veulent prêter à personne, sous aucun prétexte, ni permettre à quiconque d’en faire usage, sauf eux-mêmes. Ceux-ci exercent la propriété dans l’usage et sont des propriétaires. Les anciens détenaient tout ce dont ils avaient besoin en commun, même les bréviaires.
Frère scrupuleux – La possession et l’usage peuvent-ils être séparés, et un frère peut-il avoir l’usage de quelque chose sans en être propriétaire ?
Frère mûr – Dans § Porro, Nicolas III et d’autres souverains pontifes ainsi que [55r] les docteurs de l’Ordre disent que c’est le cas. Saint Bonaventure dit que dans les cas où certains ont l’usage des choses, mais la possession appartient à quelqu’un d’autre, l’usage et la possession peuvent être séparés, mais pas en ce qui concerne ceux qui utilisent quelque chose comme si c’était leur bien et qui ne sont pas les propriétaires.
Frère scrupuleux – Sommes-nous tenus à l’usage restreint et limité des choses ou pas ?
Frère mûr – Tant en raison de l’intention de la Règle et de Saint François que des souverains pontifes, notamment Nicolas III dans § Porro, et Clément V près de la fin, je dis que les frères sont liés par leur profession à un usage pauvre et restreint, et non seulement de toutes les choses, mais aussi des choses nécessaires à la subsistance de la nature et à l’accomplissement de l’oeuvre de l’Ordre. Lorsque, dans le chapitre quatre, l’acceptation de l’argent qui serait le plus utile pour une vie opulente est interdite, et d’après ce qui est dit dans le chapitre six, il est évident que Saint François voulait que nous observions un usage pauvre et restreint. Cela ressort des déclarations des docteurs de l’Ordre. Jean de Pecham dit que les frères ne peuvent pas avoir l’usage de tout, mais seulement de ceux qui ne dépassent pas la manière de vivre la pauvreté la plus élevée. Par conséquent, il n’est pas juste pour nous d’avoir des greniers, ou des caves, ni des bâtiments somptueux, mais tout devrait manifester la plus haute pauvreté et la rappeler.
Je crois que c’est ce que le Seigneur proposa aux Apôtres, et Saint François aux frères. Cependant, des dispenses et des privilèges ont été accordés principalement dans des situations de sensualité et pour accommoder la sensualité. Concernant la phrase du chapitre trois qui dit : « Qu’ils ne reçoivent pas… » il est évident que les frères doivent adhérer au style de la plus haute pauvreté dans l’usage des choses. Lorsque deux tuniques sont autorisées, cela signifie qu’ils observent la pauvreté la plus stricte. Dans le chapitre cinq [55v] où il leur permet de recevoir des salaires pour leur travail, cela signifie que nous recevons cela pour satisfaire les besoins corporels mais pas pour des choses surplus, et, bien que cette rétribution puisse être reçue à bon droit, il est préférable que nous exercions un usage pauvre dans ces choses sur lesquelles nous avons peu de contrôle.
Bienheureux François souhaitait que seuls quelques frères vivent dans un endroit, car il lui semblait difficile que la pauvreté soit observée là où il y avait beaucoup de frères.
Lorsqu’un ministre demanda à Bienheureux François son intention concernant la pauvreté, il répondit : « Je veux qu’un frère mineur n’ait pas plus qu’un habit, une corde et des sous-vêtements et un bréviaire selon la Règle. » Il ordonna que le livre à partir duquel l’Office était lu dans la maison soit donné à la très pauvre mère de deux frères afin qu’elle puisse le vendre, car il n’y avait rien d’autre dans la maison. Cela montre leur pauvreté, car il n’y avait rien d’autre dans la maison. Voir la Conformité, fruit 16.
Ubertino dit : Saint François éclata de louanges envers notre Règle et la façon dont elle estimait la pauvreté, déclarant que la pauvreté était la plus excellente et la plus féconde, à tel point que rien d’autre ne la surpassait. Par conséquent, sans usage restreint, de telles louanges seraient futiles, comme le seraient aussi les Bulls des souverains pontifes qui l’ont proclamée comme de la plus haute qualité, en particulier ceux d’Innocent IV et d’Alexandre IV ; Vobis patientibus extremam pro Christi nomine paupertatem.
Saint Bonaventure dit qu’il est horrible et profane de prétendre professer la plus haute pauvreté et de ne pas vouloir souffrir la destitution en possessions. Clément [56r] dit que les frères mineurs sont tenus à l’usage restreint des choses. Le Pisan dit : Il en résulte que les frères peuvent utiliser les choses nécessaires mais non les excédentaires. Cela est une vraie nécessité lorsque, à présent ou prochainement, il existe une situation où la communauté ou l’individu ne peut accomplir son travail sans entrave. Les Quatre Maîtres disent qu’indulgenter dans ce qui est superflu consiste en ce que, si ce qui est excédentaire était retiré, ce qui resterait suffirait. Deux choses sont superflues si une suffirait, quelque chose est trop si un peu suffirait, quelque chose est somptueux si ce qui est simple suffirait et quelque chose est coûteux si ce qui est bon marché suffirait.
Clément [V] dit aussi que nous sommes tenus à l’usage restreint et pauvre, des choses mentionnées dans la Règle, et dans la mesure où elles y sont mentionnées. Car certainement, rien d’autre n’est mentionné dans la Règle sauf un habit avec une capuche, une tunique, des sous-vêtements, une corde et un bréviaire. Dans le sixième chapitre, où Saint François loue la pauvreté, il dit : « Voici la hauteur… » Il entendait expressément que nous adhérions à cela et que nous n’ayons ni ne cherchions à avoir quoi que ce soit d’autre sous le ciel, sauf d’être héritiers et rois du royaume des cieux, pauvres en possessions, riches en vertu. Ces choses sont permises par la Règle, les autres sont sujettes à des dispenses.
Dans le Defensorio della Povertà, Saint Bonaventure ne défend pas toutes sortes de pauvreté, mais la pauvreté évangélique et sans argent et celle qui oblige sous un voeu à observer l’usage restreint des choses nécessaires et à s’abstenir de ce qui est superflu. Il dit que c’est ce type de pauvreté qui a été pratiqué par le Christ, les Apôtres, Saint François et ceux qui professent sa Règle. Cela [56v] pousse une personne à se défaire de tout, tant en ce qui concerne l’attachement que le contrôle, et à se contenter de ce qui est strictement nécessaire pour le soutien des besoins naturels ainsi que pour l’usage des choses. Ainsi, ce qui est nécessaire au soutien de la nature est fourni sans s’écarter de l’usage restreint. C’est ce que dit Saint Bonaventure.
Nicolas III, qui régna en 1277, a dit qu’il avait parlé à plusieurs compagnons de saint François concernant ses intentions concernant l’observance de la Règle et voici ce qu’il a dit : « Que les frères n’acceptent ni vases ni objets ménagers, ni d’autres choses dont l’usage n’est pas nécessaire pour la subsistance ou l’accomplissement des tâches de l’Ordre, et qu’ils ne manifestent pas d’abondance, de surplus, de richesse, de stockage qui déshonorent la pauvreté. Ils ne doivent pas accepter ces choses dans l’intention de les distribuer ou de les vendre sous prétexte de prévoir pour l’avenir ou pour d’autres raisons. Mais qu’une abdication totale de la propriété soit évidente parmi eux et l’usage de ce qui est nécessaire. Pierre Jean corrobore cela.
Le Concile de Constance a décrété que les supérieurs maintiennent les frères et les maisons dans un état conforme à une stricte observance, selon les déclarations et les statuts du Siège Apostolique et de l’Ordre, en supprimant tout excédent en choses mobilières et immobilières avec l’avis des supérieurs majeurs et des conseillers. Les procureurs peuvent vendre ces surplus et utiliser le revenu pour d’autres choses nécessaires.
Clément V a décrété dans § Proinde que la propriété soit retirée à la fois en commun et individuellement. Lors du Chapitre Général, saint Bonaventure ordonna aux ministres d’enlever toutes les choses excédentaires, vêtements, livres et tous objets interdits des frères, et de ne pas leur permettre de porter des épées à leur ceinture. À table, qu’ils ne se servent pas de gobelets hermétiques ou en verre, et qu’ils observent la pauvreté dans les bâtiments. Églises, oeuvres d’art, fenêtres, colonnes et autres, et qu’ils ne construisent pas de clochers afin que le zèle que ces saints frères avaient pour la pauvreté soit manifeste.
Frère Hugh dit qu’au début, il y avait peu de frères satisfaits de posséder quelques choses modestes. Parfois, ils soutenaient leur vie avec un peu de pain et d’eau sur la route. Parfois, ils n’avaient que des fruits, se considérant plus bénis en frottant les épis de maïs avec les Apôtres que de profiter des pots de viande avec les Égyptiens. Leurs vêtements, faits de matériaux usés, duraient trois ou quatre ans, et ils surmontaient la délicatesse vestimentaire par la ferveur de l’esprit. Ceux qui étaient malades ne cherchaient pas des médicaments adaptés aux riches, mais avec humilité, patience et l’incitation de la pauvreté, lorsqu’ils fournissaient ce qui était nécessaire, ils étaient satisfaits, et ils se réjouissaient d’être comme le Christ pauvre et affligé, en subissant des malheurs lorsqu’ils manquaient de ce qui était nécessaire.
Pourquoi les frères ne sont-ils pas satisfaits de quelques objets maintenant, mais souhaitent-ils être pourvus de choses fines et superflues, et d’articles ménagers extravagants, et se chargent-ils de livres superflus et extravagants, et veulent-ils avoir des bourses et des boîtes remplies d’objets et de choses somptueuses, et cherchent-ils à trouver des choses superflues, sont toujours dehors et perdent l’esprit et ne tiennent pas compte des choses divines, de la vie régulière et des cérémonies ? Ils s’agitent tellement pour obtenir ces surplus que ceux qui les saluaient auparavant en levant le chapeau et leur donnaient quelque chose, maintenant, lorsqu’ils les voient arriver, s’enfuient ou se cachent. Cela devient si grave que l’agitation pour obtenir de telles choses excédentaires multiplie tellement les activités que les frères sont presque toujours engagés dans des activités physiques. Ils n’occupent pas leur esprit ou leurs sens avec de bonnes délibérations et peu à peu ils entravent l’esprit et se prolongent au point de provoquer la ruine et la destruction de leurs âmes, de l’observance régulière, de leur profession et de la Règle.
Une déclaration majeure indique que la Règle permet explicitement l’usage de certaines choses, à savoir l’habit, la tunique, la corde, les sous-vêtements et le bréviaire. Certaines choses sont permises implicitement. Ainsi, en leur ordonnant de prêcher, elle décrète implicitement qu’ils ont les livres nécessaires, mais pas un nombre excédentaire ni des livres coûteux, etc. En leur ordonnant de prendre soin des malades et de les vêtir, elle décrète implicitement qu’ils possèdent ces choses sans lesquelles ils ne pourraient accomplir cela, mais cela et des choses similaires ne sont pas clairement mentionnées.
Nicolas III dit cela dans § Nec quisquam.
Que les frères qui ont des cellules et des boîtes pleines de choses excédentaires, et les maisons qui ont des accessoires ménagers excédentaires, du vin, de l’huile et d’autres denrées alimentaires, fassent attention. L’usage, qu’il soit implicite ou explicite, doit être restreint, pauvre, pour les nécessités, modéré, non superflu ou coûteux, etc. Comme le dit la Règle, l’usage doit être pauvre et prêcher la pauvreté la plus élevée.
Nous avons l’usage de certaines choses par voie de dispense accordée soit par les supérieurs, soit par les Souverains Pontifes, et aucune autre, comme le stipule la Règle, implicitement ou explicitement. Cela est accordé en raison d’une nécessité évidente qui n’est pas fabriquée pour fournir à la subsistance de la nature ou pour l’accomplissement des devoirs de l’Ordre, et elle exclut toute superfluïté, abondance, prétention, accumulation et l’intention de prévoir pour l’avenir, comme le disent Nicolas III, Clément V, saint Bonaventure et tous les autres. Sinon, ce ne serait pas une dispense mais une dissipation.
Notez bien ici que quiconque fait des choses que la Règle ne permet pas sans permission ou dispense est un propriétaire. Celui qui fait ces choses avec permission, mais sans nécessité évidente, est un propriétaire, car ce n’est pas une véritable dispense, mais une dissipation comme cela a été dit. Celui qui fait quelque chose avec permission et par nécessité mais souhaite avoir la domination et le droit de l’utiliser et ne veut pas qu’il soit retiré soit par les supérieurs, soit donné à quelqu’un d’autre, est un propriétaire, comme cela a été dit ci-dessus.
Frère scrupuleux – Ce genre d’usage que nous sommes autorisés à exercer est clair. Mais pourquoi la Règle permet-elle explicitement uniquement l’usage de l’habit, de la tunique, etc.? Pouvons-nous utiliser beaucoup d’autres choses qui ne sont pas dans la Règle en toute bonne conscience, comme un manteau, un mouchoir, un rosaire, une discipline, etc.?
Frère mûr – Frère Hugh dit que l’usage habituel est d’avoir l’habit, la tunique, etc. Cependant, les choses qui vont au-delà de ce qui est indiqué dans la Règle, comme les choses mentionnées ci-dessus, nécessitent une dispense. Cependant, l’absence de nécessité annule la dispense. Ainsi, pour qu’il soit licite d’utiliser de telles choses, deux conditions sont requises, à savoir la nécessité et la permission, et toute personne qui n’a pas ces conditions est un propriétaire, comme cela a été dit. Dans de tels cas, un frère doit être très scrupuleux pour ne pas agir contre la Règle.
Saint François permettait l’habit et la tunique, mais ne permettait pas le manteau. S’ils le souhaitent, les frères peuvent se passer de mouchoirs, de couteaux et d’articles similaires, car beaucoup se passent de ces choses par amour de Dieu sans en ressentir d’inconvénient. S’ils ne peuvent se passer de mouchoirs, ils doivent se contenter de deux petits mouchoirs usés et obtenir la permission. Les couteaux, les ciseaux et des objets similaires doivent être tenus en commun dans tous les lieux. Les chapeaux sont superflus. Lorsque je suis venu dans l’Ordre, ils n’étaient pas portés, et les frères n’en sont pas morts. Les Capucins ne les portent pas, et ils n’en meurent pas non plus, ni je ne crois que le Christ, les Apôtres ou saint François les aient portés. Croyez-moi, toutes ces choses, ainsi que les rosaires faits d’ambre, d’aloès, de calcédoine ou de nacre, et similaires, sont acquis pour satisfaire la sensualité et sont plus dignes de damnation, plus elles sont achetées couramment pour de l’argent. Voir ci-dessous dans le chapitre six. Ce qui est pire, c’est que beaucoup ne veulent pas que les supérieurs les voient de peur qu’ils ne les confisquent, etc.
Frère scrupuleux – Est-il nécessaire de demander l’autorisation au supérieur pour chaque petite chose comme du fil, une aiguille, un stylo et autres?
Frère mûr – Frère Hugh dit qu’il est suffisant dans de telles petites choses d’avoir la permission générale du supérieur.
Cependant, je crois qu’il serait plus sûr d’avoir une permission spéciale en raison du danger de transgression, ou de tenir ces choses en commun, comme les Capucins le font généralement.
Frère scrupuleux – À qui appartient la domination et la propriété des choses destinées à l’usage des frères ?
Frère mûr – Elles appartiennent au donateur et il peut toujours demander leur restitution. S’il ne souhaite pas exercer la propriété ou s’il meurt sans dire ce qu’il convient d’en faire, elles appartiennent au Siège Apostolique selon Grégoire IX, Innocent IV, Clément V et Nicolas III dans § Ad haec et les docteurs de l’Ordre.
Lorsque ces choses ne sont plus nécessaires, par l’autorité du Ministre Général ou Provincial, elles peuvent être échangées contre d’autres nécessités des frères ou le procureur peut les vendre et dépenser le revenu de la vente pour d’autres nécessités présentes ou imminentes, tant que cela n’est pas conservé pour des nécessités futures non spécifiées. Que les frères n’interfèrent en aucune manière dans la vente de telles choses, car ils ne peuvent accepter de l’argent, ni directement ni par intermédiaire. C’est ce que dit Nicolas III § Quia vero.
Notez que lorsque les choses superflues sont transformées en choses nécessaires par le Général ou le Provincial, cela ne s’applique pas aux articles consommables fournis pour la subsistance quotidienne, car les frères étant tenus à un usage restreint et pauvre, ils ne doivent pas se procurer de tels articles en quantité suffisante pour qu’ils restent pour être échangés.
À propos des privilèges
Frère scrupuleux – Puisque vous avez mentionné les dispenses, dites-moi, je vous prie, que pensez-vous des privilèges qui ont été demandés et qui empiètent sur la pauvreté ?
Frère mûr – Alvarus dit qu’un frère mineur ne peut pas avoir de propriété ni de privilèges, puisque, étant des hommes de l’Évangile, ils doivent être soumis à toute créature par amour de Dieu, particulièrement aux prélats de l’Église. Ayant renoncé à tous les droits, y compris les privilèges, qui sont des lois personnelles, quel intérêt les frères mineurs ont-ils à vouloir devenir grands dans le monde à travers des privilèges ?
En agissant ainsi, ils vont à l’encontre de leur titre et de leur profession, comme il est évident lorsque l’on réfléchit à leur position, à l’exception du privilège de la confirmation de la Règle. Ainsi, à travers les privilèges et les déclarations donnés par l’Église, les frères qui étaient faibles d’esprit se voyaient généralement accorder l’usage de l’argent, qu’ils acceptaient et utilisaient contre la Règle, bien que l’Église, avec de bonnes intentions, ait accordé cela à beaucoup de ceux qui étaient relâchés, pour qui les règlements concernant l’argent semblaient trop étroits et stricts. Parce que l’esprit apostolique primitif au sein de l’Ordre et l’esprit de saint François étaient devenus froids, et les frères vivant une vie de simplicité étaient partis, ayant emprunté la voie de l’étude et de la curiosité, il y avait place pour recevoir de l’argent par le biais de privilèges et une mauvaise interprétation générale de la Règle et de la pauvreté dans l’Ordre. C’est ce que dit Alvarus, et il ajoute qu’aucun supérieur de l’Ordre ne peut expliquer la Règle ou en dispenser.
Jean de Peckham dit que les privilèges et les dispenses sont donnés à cause de la chair et de la sensualité, et que les Souverains Pontifes les ont accordés à la demande des frères pour satisfaire leur imperfection. Parce qu’ils voulaient vivre dans l’abondance et non selon une pauvreté stricte, ils firent en sorte que les Pontifes leur permettent d’avoir des legs, de conduire des funérailles et autres, ce qui relâchait la pureté de la Règle. Comme de bons pères, les Souverains Pontifes, qui étaient instamment sollicités par les frères, concédaient des privilèges, parce que les pétitionnaires disaient que c’était une question urgente. Ils disaient : « Si c’est ainsi, que cela soit fait » ; et leurs consciences demeuraient tranquilles.
Le père Brendolino, qui était un bon et scrupuleux frère dans la famille, le leader des réformateurs dans la province de Saint-Antoine, prouve que la dispense tente d’établir une raison légitime et urgente. Ainsi, saint Bernardin dans son livre De praecepto et dispensatione dit que les supérieurs qui, sans raison légitime et urgente, mais uniquement par caprice, accordent la permission d’aller à l’encontre de la loi sont des dissipateurs, non des dispensateurs. Voilà ce que dit Bernardin.
De ces paroles, nous remarquons que pour accorder une dispense légitime, il est nécessaire qu’il y ait une raison légitime et urgente, surtout en ce qui concerne des questions qui ne sont pas simplement une question de loi positive, comme un voeu ou un serment ou autres. Il cite des exemples de nombreux privilèges illégitimes, etc.
Il n’a jamais été dans l’intention de saint François que de tels privilèges soient accordés, car il savait que, avec l’argent, suivraient des bâtiments, des décorations et d’innombrables maux. C’est ce qu’a dit Alvarus. Les compagnons de saint François disaient la même chose.
Frère scrupuleux – Tout ce que vous avez dit est très vrai. Cependant, pourquoi est-ce que je vois une relaxation générale dans tout ? Dites-moi, je vous prie, quel usage faire des choses et comment agir.
Frère mûr – De ce qui a été dit, vous pouvez voir qu’aucun type d’usage n’est permis aux frères, autre que l’usage pauvre, contrôlé et restreint des choses nécessaires pour la subsistance de la nature et l’accomplissement de l’oeuvre de l’Ordre, et tout excédent, abondance et excès sont interdits aux frères, comme il a été dit. Jean Philippus dit qu’à partir des paroles de Nicolas III, dans lesquelles il dit que les frères ne sont pas autorisés à l’usage de toutes choses, mais seulement de celles qui sont nécessaires, il découle que les frères doivent se contenter de peu de choses et de la subsistance nécessaire à la nature, et entreprendre des activités qui sont en harmonie avec leur état. De cette manière, ils satisfont à la nécessité sans jamais satisfaire la chair. Ainsi, à la fois la Règle et les déclarations montrent que nous sommes obligés de pratiquer un usage strict et pauvre.
Je ne m’étendrai pas davantage, mais vous devez bien considérer ce qui a été dit ci-dessus et ce qui sera dit concernant les chapitres 4 et 6 ainsi que l’ensemble de ce Dialogue, et vous déciderez rapidement de vous engager dans cette sainte réforme, que le Christ a récemment organisée par les mérites et les prières de saint François, afin que les véritables zélateurs de l’observance de la Règle puissent observer la Règle aussi spirituellement qu’ils le souhaitent.
Rappel de l’intention et de la vie de saint François et de ses compagnons
Frère scrupuleux – En vérité, Père, les choses qui ont été dites sont toutes très vraies et d’une importance capitale et ont été la cause d’un tel ruinement parce qu’elles n’ont ni été vues ni étudiées. Je rends infiniment grâce au Seigneur, qui de tenebris vocavit me in admirabile lumen suum, et qui m’a montré ce chemin très sûr, et je suivrai bientôt votre conseil. Cependant, pour satisfaire [61r] ma conscience et pour le bien commun des autres, dites-moi, je vous prie, savez-vous quelque chose sur l’intention de saint François concernant l’usage des choses et la vie d’observance stricte des frères de son époque ?
Frère mûr – D’après ce que j’ai lu dans la Conformité et dans les Chroniques de l’Ordre, cette manière de vivre apparaît à mes yeux comme suit :
Je semble voir notre Père saint François et ses compagnons assez pâles, maigres et épuisés par le jeûne, les veilles et l’abstinence, pieds nus, mal habillés, dans des habits serrés, grossiers et rudes, qui étaient durs et usés, tous rapiécés de morceaux de sac et d’autres matériaux usés, avec une corde rugueuse et usée. Certains portaient une chemise de fer, d’autres une cotte de mailles ou une ceinture de fer contre leur peau. Je n’ai vu ni couteaux, ni chapeaux, ni bourses, ni mouchoirs, sauf un linge en lin ou en laine pour les nécessités, et, avec permission, un chapelet usé fait de perles ou de bois. L’ambre, le calcédoine ou la nacre, les sceaux en argent ou en laiton et autres objets semblables n’étaient même pas mentionnés.
Le prêtre simple et le clerc avaient un bréviaire usé avec des marque-pages en papier, dépourvus de soie, d’or ou de toute autre chose coûteuse, et il était conservé dans un lieu public. Dans leurs petites cellules faites de roseaux et de boue, il n’y avait rien d’autre qu’un bloc pour la prière et une croix en bois, pas de bureaux avec des clés et des serrures, ni rien d’extra. Ils dormaient par terre ou sur des treillis ou de la paille, pas sur des lits de plumes ou des matelas. Leur oreiller était en bois ou en pierre et non en plumes. [61v] Dans la cellule d’un prédicateur, on ne voyait rien sauf un ou deux petits livres de sermons écrits à la main, sans ornementation, que d’autres pouvaient utiliser.
Les autres frères simples n’avaient rien d’autre que ce que la Règle mentionne.
Les procureurs ou agents n’étaient même pas mentionnés, tout comme les bourses, les foires, les marchés, les compétitions, les tombolas, les carnavals, les divertissements, les récréations ou les bons repas. Ils ne perdaient pas de temps, ne se querellaient pas et n’avaient rien de semblable. Certains mangeaient deux fois par semaine et pas plus. Certains mangeaient un jour et pas le lendemain. Certains mangeaient des aliments cuits ainsi que du pain. Certains ne buvaient jamais de vin. Certains ne mangeaient jamais ni viande ni poisson. Certains tourmentaient leur corps d’une manière ou d’une autre.
Je ne mentionnerai pas d’autres choses comme une obéissance très rapide qui n’obéissait pas seulement à la première parole du supérieur, mais à son simple désir. Je ne mentionnerai pas leur modestie et chasteté angéliques, ni leurs autres vertus remarquables, leur contemplation, leur familiarité avec Dieu et leur amour enflammé, leur désir des choses éternelles, l’oubli de l’amour de soi, de l’amour de toute personne et de toutes choses terrestres. Ils étaient morts au monde, vivants pour Dieu, embrassant la croix et le crucifié et la vie douloureuse de Jésus-Christ. Ils expérimentaient la dévotion, la ferveur, le désir de souffrir le martyre et toutes les tribulations, l’angoisse et la persécution pour l’amour de Jésus-Christ, l’unanimité, la piété, l’humilité et la discrétion. Ces vertus et d’autres semblables se trouvaient en ces hommes apostoliques, évangéliques et angéliques. Je ne dirai pas à quel degré ils les possédaient, car cela est indescriptible et la déficience [62r] de mon intellect n’atteint pas de tels sommets.
Cependant, j’ai dit ces choses pour vous satisfaire, afin que vous, ou quelqu’un d’autre, souhaitant être un vrai frère mineur, fasse tout son possible pour acquérir ces vertus, adopter cette vie, et imiter ces saints autant que possible et, du moins, faire ce qu’il peut en matière de pauvreté et d’usage restreint et nécessaire des choses.
Au début de nombreuses réformes qui ont déjà été entreprises, beaucoup ont cherché à adopter cette manière de vivre et ces vertus. Actuellement, nombreux sont ceux qui aspirent aux choses mentionnées ci-dessus avec des désirs ardents. Je soutiens avec certitude que Jésus-Christ et notre Père saint François les aideront et les libéreront de tout obstacle et opposition. Vous aussi, vous pouvez décider de répondre à Jésus-Christ et à saint François qui vous appellent doucement.
Cependant, pour confirmer ce qui a été dit ci-dessus, prenez note de deux conséquences qui en découlent et aussi des choses qui seront dites ci-dessous.
La première conséquence : Étant donné que le Siège romain accepte la propriété de ce qui est nécessaire aux frères pour leur usage et non de ce qui est superflu, comme il a été dit, en effet il interdit tout excédent, il en découle qu’il possède la propriété de ces choses, des lieux et des frères.
La deuxième conséquence : Puisque la Règle dit que là où l’on ne peut pas observer la Règle spirituellement en un lieu, il faut avoir recours aux ministres, etc., et puisque cet empêchement est presque partout présent (ce qui peut être vu dans le chapitre X qui traite de ce sujet), je dis qu’il faut, par tous les moyens, avoir recours aux ministres, etc. S’ils ne prennent pas de mesures, comme nous le voyons clairement, Jésus-Christ et notre Père [62v] ont prévu cette sainte réforme.
Chasteté consacrée
Frère mature – Le texte continue : « et dans la chasteté ». C’est le troisième voeu principal de notre profession, qui sans aucune réserve de dispensation, lie sous le péché mortel. Ainsi, pour le respecter, un frère ne doit pas seulement préserver son corps pur et immaculé de toute contamination, mais aussi éviter toutes les occasions, maintenir la garde des yeux et de tous les sens afin que la mort n’entre pas dans l’âme par eux. Par conséquent, il doit fuir très consciencieusement toute amitié, pensée ou conversation avec des femmes, sans envoyer ni recevoir de lettres ou de cadeaux. Il ne doit pas mener d’affaires avec des laïcs, comme se marier ou autre. Il doit éviter de rester oisif, d’être débauché, et tout ce qui y ressemble. Il doit maîtriser la chair, la réduisant à la servitude de l’esprit, par l’abstinence, le jeûne, la discipline, la prière, la confession ou d’autres remèdes appropriés comme l’a fait saint Chrysanthe.
Voici les meilleurs remèdes : fuir immédiatement, quia diaboli sagittae non melius quam fugiendo vincuntur, ait Hieronimus ; éviter les occasions, confession immédiate, intégrale et sincère, prière assidue, méditation sur la Passion du Christ, et penser à la manière dont nous obtiendrons les promesses faites par Dieu, gloire, châtiment et dernier jugement, et autres choses semblables. Deo gratias.