De la science utile et de la science inutile - Des prédicateurs de la parole de Dieu
Source: Google Books
“Celui qui veut savoir beaucoup doit baisser beaucoup la tête, travailler beaucoup, traîner son corps contre terre, et le Seigneur lui enseignera beaucoup de choses. La sagesse souveraine consiste à faire de bonnes œuvres, à bien se garder soi-même et à considérer les jugements de Dieu.”
Il dit un jour à quelqu’un qui voulait aller à l’école pour s’instruire :
“Pourquoi voulez-vous aller à l’école? La somme de toute science consiste à craindre et à aimer Dieu; ces deux choses vous suffisent. L’homme a autant d’habileté qu’il fait de bien, et rien de plus.
Ne vous inquiétez pas trop d’être utile aux autres, mais soyez plutôt empressé d’être utile à vous-même. Nous voulons quelquefois savoir beaucoup de choses pour les autres, et fort peu pour nous mêmes. La parole de Dieu n’est point le partage de celui qui l’entend ou l’annonce, mais de celui qui la met en pratique.
Plusieurs se sont mis à l’eau sans savoir nager afin de sauver ceux qui étaient en danger de périr, et ils ont trouvé la mort avec eux; d’abord il y avait un seul malheur à redouter, et ensuite il en est arrivé deux réellement. Si vous procurez bien le salut de votre âme, vous procurez également bien le salut de tous vos amis. Si vous faites bien ce qui vous concerne, vous ferez bien ce qui concerne ceux qui vous veulent du bien.
Le prédicateur de la sainte parole a été placé par Dieu pour être la lumière, le flambeau, le porte-étendard du peuple chrétien. Bienheureux celui qui dirige les autres par la voie droite et ne cesse pas d’y marcher lui-même. S’il ne s’arrête pas dans sa course, il invite par là même les autres à suivre ses traces, et, sans s’appauvrir lui-même, il les aide à s’enrichir.
Un bon prédicateur, selon moi, parle plus pour lui-même que pour les autres. Il me semble que celui qui veut retirer les âmes du péché doit craindre surtout d’être entraîné lui-même dans le péché.
Quelqu’un lui dit :
“Quel est le meilleur de bien prêcher ou de bien agir?”
Il répondit :
“Qui mérite le plus de celui qui fait le pèlerinage de Saint-Jacques, ou de celui qui en montre le chemin aux autres? Je vois bien des choses qui me sont étrangères; j’en entends beaucoup que je ne comprends pas; j’en annonce beaucoup que je ne mets pas en pratique, il me semble donc que l’homme ne se sauve pas seulement en voyant, en parlant et en écoutant, mais en pratiquant ce qu’il entend de bien; il y a plus de distance entre les paroles et les œuvres qu’il n’y en a entre le ciel et la terre.
Si quelqu’un vous permettait d’aller à sa vigne et d’y cueillir des raisins, vous contenteriez-vous de prendre des feuilles? Il vaut mille fois mieux que l’homme s’enseigne lui-même que d’enseigner le monde entier. Si vous voulez savoir beaucoup, travaillez beaucoup, et humiliez-vous autant que vous le pouvez. Dans la prédication l’homme ne doit employer un langage ni trop recherché, ni trop grossier, mais un langage commun.”
Puis, poussant un soupir, le saint religieux ajoutait :
“Il y a une grande différence entre la brebis qui bèle bien et celle qui est féconde, de même la différence est grande entre celui qui prèche bien et celui qui fait bien.”
Plusieurs fois on l’entendit s’écrier :
“Ο Paris! ô Paris! tu détruis l’ordre de Saint-François !” Il parlait ainsi en voyant l’inquiétude d’esprit de beaucoup de religieux lettrés qui mettaient leur confiance en leur savoir.