De la charité
Source: Berthaumier 1863
« La charité est la plus grande de toutes les vertus. Bienheureux l’homme qui ne se rassasie point des choses qu’il doit toujours désirer. »
Frère Égidius disait à un religieux à qui il portait une affection singulière : « Croyez-vous que Je vous aime? - Oui, assurément, répondit le religieux. - Eh bien, reprit le frère, n’en croyez rien; le Créateur seul aime vraiment sa créature, et notre amour n’est rien comparé à l’amour du Créateur. »
Un autre frère dit à Égidius: « Que signifie cette parole du prophète : Chacun de mes amis a agi avec fraude avec moi? » Il répondit : « Je suis pour vous un ami frauduleux, toutes les fois que je ne considère pas votre bien comme le mien propre; plus je regarde votre bien comme le mien, moins j’agis avec fraude à votre égard. Plus un homme se réjouit du bien du prochain, plus il participe à ce bien; plus il se réjouit de son mal, plus il a part à ce mal. Si donc vous voulez avoir part aux biens de tous, réjouissez-vous du bien de tous. Vous faites vôtre le bien des autres, si ce bien vous plaît, et le mal des autres vous devient un préservatif, si ce mal vous déplaît. La voie du salut consiste à vous réjouir du bien du prochain, et à vous attrister de son malheur; à croire le bien des autres, et de vous le mal; à honorer les autres, et à vous mépriser; celui qui ne veut pas honorer les autres ne sera pas honoré lui-même; celui qui ne veut pas les connaître demeurera inconnu; celui qui veut se soustraire à la fatigue ne goûtera pas le repos. C’est un travail au-dessus de tout travail de s’appliquer à la piété et à la bénignité; mais tout ce qui se fait sans dilection et sans amour ne saurait plaire ni à Dieu ni à ses saints.
« Quiconque devient pauvre de ses propres biens s’enrichit des biens de Dieu; donc l’homme doit choisir les richesses célestes, et mépriser les siennes propres. Qu’y a-t-il de plus grand que de savoir exalter les bienfaits divins et se reprendre de ses propres fautes? Je voudrais avoir étudié à pareille école depuis le commencement du monde, et y étudier jusqu’à la fin, si j’avais dû et si je devais y vivre, occupé à considérer et à louer les bienfaits du Seigneur, à considérer et à blamer mes fautes; et si je me trompais en me reprenant de mes désordres, je ne voudrais pas au moins me tromper en considérant les faveurs de mon Dieu. Vous voyez que les hommes du dernier rang louent d’une façon extraordinaire ceux qui leur donnent seulement un faible présent, que devons-nous donc faire nous autres pour le Seigneur notre Dieu? Nous devons ètre d’une fidélité à toute épreuve dans l’amour de Celui qui veut nous délivrer de tout mal et nous enrichir de tout bien. »