La prédication des premiers Pères
46 La prédication de Saint François et de ses Compagnons 47 Les Capucins renouvellent la prédication de l’Écriture Sainte dans l’Église 48 Une fécondité merveilleuse 49 Leur vie entière était un sermon
(46) Les Trois Compagnons racontent comment Innocent III, de sainte mémoire, inspiré divinement, approuva la seconde Règle pour Saint François et ses Compagnons. Bien que la plupart d’entre eux fussent sans instruction, le Saint Pontife, éclairé par Dieu, eut une telle confiance en la sainteté et le bon exemple de ces premiers fondateurs de l’Ordre des Mineurs qu’il les fit tous prédicateurs du Saint Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pour qu’ils puissent prêcher plus dignement, Sa Béatitude voulut que les Frères laïcs aient une petite tonsure. Leur prédication n’était pas vaine. Elle ne venait pas d’un instinct humain, mais de la Providence divine. Car, comme le disent les Trois Compagnons, le Saint-Esprit les éclaira si fortement afin qu’ils soient des vases purs, purifiés de toute affection terrestre, que dès qu’ils commencèrent à prêcher, ils inspiraient tous ceux qui les écoutaient. Le tumulte causé par leur vie sainte et leurs paroles enflammées fut tel que toute l’Italie se réveilla. Accompagné par le Père Séraphique, il les envoya deux par deux dans toutes les régions de la chrétienté. Beaucoup d’entre eux se rendirent chez les infidèles, prêchant l’Évangile du Christ.
(47) Par cet exemple, la Réforme des Capucins renouvela la vie du Père Séraphique dans le monde d’une manière telle que la dévotion des laïcs fut immense. Ils désiraient voir les Frères et les entendre parler des choses de Dieu. Presque tous les prêtres et les Frères laïcs Capucins prêchaient. Par leur prédication, le Seigneur Dieu produisit un fruit merveilleux dans le monde. Ainsi advint-il que la prédication de l’Écriture Sainte fut renouvelée dans l’Église. Avant cela, ce qu’on prêchait portait sur des Questions, la philosophie, les Fables d’Ésope et autres frivolités et vanités. Cependant, quand les Capucins commencèrent à prêcher l’Évangile, le peuple apprécia tellement cela que, s’il n’entendait pas la prédication de l’Évangile, il ne voulait pas écouter. Ainsi, tout le monde fut contraint d’abandonner les fables et de prêcher l’Évangile du Christ s’il voulait plaire au peuple.
Les Frères laïcs prêchaient les commandements de Dieu, donnaient quelques exemples et pas mal de réprimandes contre les vices, et ils portaient les plus grands fruits parmi les simples. Lorsque Frère Gilles d’Orvieto, un Frère laïc courageux, arriva dans un château de la Campagne de Rome, les gens se rassemblèrent immédiatement pour l’entendre prêcher. Cependant, Frère Gilles craignait qu’il y eût là une personne instruite ; pour le vérifier, il usa d’une sainte prudence. Il demanda du papier et un encrier car il voulait noter certaines choses. Les paysans répondirent : « Père, il n’y a ici ni papier ni encrier. Il n’y a personne ici qui sache quoi que ce soit. » Frère Gilles dit : « Allez sonner la cloche pour le sermon car je veux prêcher. » Sa prédication plut tant qu’il dut prêcher pendant environ quinze jours. Il insuffla en eux tant de ferveur et réalisa tant de réconciliations que cela fut extraordinaire. Un Frère de Saint Augustin, maître en théologie, vint pour une fête. Comme Frère Gilles craignait qu’il ne le conteste sur quelque point, avec une grande humilité il demanda au maître s’il voulait prêcher. Et celui-ci donna un sermon. Les paysans n’apprécièrent pas du tout cela et ne voulurent pas qu’il prêche davantage, mais que Frère Gilles continue. Il accomplit beaucoup de choses merveilleuses, non seulement dans ce château, mais aussi en bien d’autres endroits.
Lorsque Frère Louis vit le grand fruit que Dieu produisait ainsi, il leur donna la permission de prêcher. Cependant, lorsque des prédicateurs lettrés les rejoignirent, la réputation de leur prédication fut si grande dans toute l’Italie que la plupart ne prêchaient qu’avec un Bref Apostolique sollicité par les communautés auprès de Sa Sainteté. Parfois, il y avait trois ou quatre Brefs. Cependant, Sa Sainteté voulait que le premier fût respecté. Il y avait quinze à vingt mille personnes aux sermons, et quiconque pouvait les entendre se considérait comme béni. Des portraits de plusieurs d’entre eux furent réalisés, que de nombreux nobles conservaient dans leurs chambres, par dévotion, comme s’il s’agissait de saints.
(48) Nulle langue ne pourrait exprimer le grand fruit que les premiers Capucins portèrent par leur prédication. En ce temps-là, les saints sacrements étaient peu fréquentés. Les Frères en restaurèrent la pratique en organisant de nombreuses confréries et autres dévotions, ainsi que la Prière des Quarante Heures. Le Père Joseph de Milan en fut l’initiateur, et aujourd’hui elle est pratiquée dans toutes les parties de la chrétienté. Les Frères, surtout les simples, prenaient plaisir à faire cesser les danses, les jeux de cartes, les spectacles et autres rassemblements où le Christ était offensé. Souvent, ils grimpaient sur un point élevé au milieu d’une fête et se mettaient à prêcher avec tant de ferveur qu’ils transformaient la fête en deuil et en larmes.
(49) D’autres, qui n’avaient pas la grâce de la prédication, engageaient des discussions sur les choses de Dieu avec une telle familiarité qu’ils portaient souvent plus de fruit que les sermons eux-mêmes. Lorsqu’ils devaient loger chez des laïcs, les voisins venaient écouter leurs conversations sur les choses de Dieu. Bien qu’ils fussent de simples Frères laïcs, ils parlaient des choses de Dieu avec tant d’élévation que les laïcs les croyaient savants. Ils considéraient comme une question de conscience de ne pas parler avec les séculiers des choses du monde.
Il arrivait souvent que d’importantes réconciliations aient lieu à travers ces conversations. Ainsi, toute leur vie était un sermon par l’exemple qu’ils donnaient. Lorsqu’il arrivait que certains soient plongés dans les tribulations, ils faisaient venir les Capucins et étaient réconfortés en les écoutant parler des choses de Dieu.
Puisque la Congrégation des Capucins était si conforme aux débuts de l’Ordre, on peut certainement la considérer comme la véritable Réforme, réalisée dans l’esprit du Fondateur.