Grandes difficultés et permission miraculeuse obtenue du Pape
92 Des serviteurs d’un ordre religieux » découvrent Matteo pendant son voyage et le maltraitent 93 Il arrive à Rome après de nombreuses difficultés 94 Sa prière à Saint-Pierre 95 Il est miraculeusement conduit en présence du Pape 96 Il reçoit tout ce qu’il souhaite de Clément VII
(92) Le serviteur de Dieu, Fr. Matteo, avait quitté ledit couvent de Montefalcone déjà vêtu de l’habit des Capucins, lorsque le Seigneur Dieu voulut lui faire savoir qu’Il l’avait appelé à une nouvelle entreprise en Son service. C’est exactement ce qui arriva à l’Apôtre Paul. À peine était-il devenu disciple du Christ qu’une masse d’épreuves s’abattit sur lui. La Vérité Infaillible dit à Son disciple Ananie : “Je lui montrerai tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon nom.” Il en fut de même pour Son serviteur Fr. Matteo. Tout d’abord, Sa Majesté voulut qu’il entre dans une mer de tribulations. En y étant mieux purgé, il pourrait entendre plus clairement les paroles du Seigneur qui l’appelait à être compté parmi tous Ses serviteurs, ceux qui L’ont suivi dans Son service avec la croix.
Dès le lendemain, le pauvre homme, pieds nus et vêtu de cet habit modifié, ce qui était une véritable innovation à l’époque, croisa les garçons de course de certains religieux qui le connaissaient. Le prenant pour un fugitif, ils se mirent à crier derrière lui : “Vite, tous ! Voilà un traître, il a quitté tel couvent !” Et ils nommaient aussi le type de religieux de cet endroit. À ces cris, beaucoup de gens accoururent de partout et commencèrent à lui être très hostiles.
Fr. Matteo ne désirait rien d’autre que de souffrir par amour pour Jésus-Christ. Il n’avait aucune envie de se défendre contre les insultes. Le peuple crut ce que disaient les garçons de course des religieux. En conséquence, ils le saisirent et le lièrent fortement, promettant de le remettre entre les mains de la justice. Ceux qui l’accusaient savaient pourtant très bien qu’il était innocent. Ils faisaient tout cela uniquement pour complaire aux religieux et ne voulaient pas le livrer à la justice. Alors qu’il était encore ligoté, ils essayèrent de le reconduire au couvent susmentionné. Fr. Matteo savait que s’il tombait entre les mains de ces religieux, son dessein serait contrarié, le dessein même auquel Dieu l’avait appelé. Il résista donc résolument. Ne pouvant le faire céder, les garçons de course se mirent à crier sur Fr. Matteo, et une foule de gens s’assembla de nouveau. Certains le défendaient, d’autres l’accusaient. Néanmoins, ils le laissèrent entre les mains de ces garçons. Ce qui arriva à Notre Seigneur lorsqu’Il fut atrocement raillé dans le palais de Caïphe arriva aussi à Matteo. Ils lui donnèrent des coups de poing, le frappèrent et le battirent. Puis, pour éviter davantage de tumulte, ils le laissèrent partir dans l’état où ils l’avaient mis.
(93) Bien qu’il eût été si maltraité, le serviteur de Dieu reprit sa route pour se rendre directement à Rome. De nombreuses mésaventures l’assaillirent durant son voyage. Lorsque les gens voyaient son capuchon pointu, ils le prenaient pour un fou. Ils le couvraient d’injures et les enfants se moquaient de lui. Il ne trouvait personne pour lui offrir l’hospitalité. Par conséquent, il devait souvent chercher refuge comme il le pouvait, sous un arbre, dans une grotte, une grange ou un abri. Il trouvait peu à manger. Lorsqu’il arriva enfin à Rome, il se hâta de visiter la basilique de Saint-Pierre. Il voulait se recommander à Dieu afin que, par les mérites des saints Apôtres, Sa Très Haute Majesté daigne rendre son voyage fructueux et l’aider dans cette entreprise exigeante. Lorsqu’il atteignit les marches qui s’élèvent depuis la place devant l’église Saint-Pierre et qu’il les gravit, le Seigneur Dieu voulut lui montrer à nouveau que c’était Son oeuvre.
(94) En montant les marches, le serviteur de Dieu rencontra un jeune homme bien vêtu, au visage remarquable. Fr. Matteo ne le connaissait pas et ne l’avait jamais vu auparavant. Ce jeune homme gracieux observait Fr. Matteo. Dès qu’il l’aperçut au loin, il s’approcha lentement. Tendant les bras comme pour l’arrêter, le jeune homme lui dit : “Mon Père, voulez-vous parler à Sa Sainteté ?” Étonné et fixant le visage du jeune homme, il répondit humblement : “Mon Seigneur, c’est précisément la raison de ma venue. J’ai grandement besoin et désir de parler à Sa Sainteté.” Le gentilhomme répondit : “Revenez demain matin à la troisième heure au palais sacré. Je veillerai à ce que vous puissiez lui parler à votre convenance.” Fr. Matteo fut fort encouragé par cette proposition. Pour lui, c’était comme un miracle de Dieu. C’était comme si le jeune homme connaissait réellement son intention et avait fait cette offre pour cette raison. Fr. Matteo le remercia humblement pour son offre et sa bienveillance. Sans lui demander qui il était ni son nom, le modeste serviteur de Dieu entra dans l’église. Il s’agenouilla devant le Saint-Sacrement. Avec une grande tendresse de coeur, il remercia Dieu qui lui avait déjà offert une telle occasion de réaliser tout ce qu’il désirait auprès de Sa Sainteté. Réfléchissant à cette rencontre, il se dit à lui-même : “C’est un miracle de Dieu. Il y avait une foule sur les marches, mais le jeune homme n’a fait cette offre qu’à moi. Comment savait-il que je voulais parler à Sa Sainteté ? C’est ta grâce, mon Seigneur. Il se pourrait bien que ce fût un ange. Cela me donne du courage. Je suis plus assuré que cette entreprise vient de Toi.”
Il pria toute la journée dans ce temple sacré. Il suppliait encore notre Seigneur Dieu de prendre soin de son âme et de ne pas le laisser pécher, car le serviteur de Dieu était terrifié à l’idée de vivre ainsi en dehors de l’Ordre. D’un autre côté, il brûlait du désir d’observer parfaitement la Règle. Il craignait toutefois de s’égarer et de tomber entre les griffes de Lucifer. À cause de cela, il hésitait. Pourtant, lorsqu’il vit comment Dieu l’avait aidé et l’avait miraculeusement délivré de tant de difficultés, son espérance que tout cela venait de Dieu fut renforcée. Comme il ne désirait rien d’autre que de connaître la volonté de Dieu, ces signes miraculeux furent pour lui d’un grand secours.
(95) Comme il l’avait convenu avec le gentilhomme, le lendemain Fr. Matteo se rendit aux marches du palais sacré à la troisième heure, dans l’intention de retrouver cet homme. Ne sachant à qui s’adresser, le pauvre Fr. Matteo était comme une brebis égarée. Cependant, comme la Divine Providence l’avait décidé, lorsqu’il commença à chercher le jeune homme, Dieu accomplit un autre miracle. Fr. Matteo erra dans le palais sans savoir où il allait. Il passa devant tous les gardes de Sa Sainteté sans que personne ne dise un mot. Il entra dans une antichambre et, sans être introduit, il tomba sur Sa Sainteté en train de marcher là. En le voyant, Fr. Matteo fut totalement stupéfait. Très humblement, il s’agenouilla aux pieds sacrés. Un peu surpris, Sa Sainteté lui demanda : “Eh bien, qui vous a fait entrer ?” Tremblant de tout son corps, le serviteur de Dieu répondit : “Personne, Très Saint Père.” Le Pape répliqua : “N’y a-t-il donc pas de gardes ? Comment avez-vous pu entrer ici sans guide ?” Fr. Matteo répondit : “Il y a bien des gardes, Très Saint Père, mais aucun ne m’a adressé la parole.” Sa Béatitude demanda : “Que voulez-vous de Nous ?” Fr. Matteo répondit : “Votre Béatitude doit savoir que notre Père saint François portait le même habit à capuchon pointu que je porte. Nous le savons grâce aux Chroniques de l’Ordre. Nous voyons dans l’habit conservé en relique au couvent d’Assise que le sien est semblable à celui que je porte aujourd’hui. Je suis un Frère Zoccolant. Je sais avec certitude que la Règle n’est pas observée aussi littéralement que les premiers Pères l’observaient. En bon fils de saint François, je veux l’observer à la lettre et porter le véritable habit de saint François. C’est pourquoi je suis venu auprès de Votre Sainteté pour recevoir la permission d’observer la Règle littéralement, comme je l’ai promis au Seigneur.”
(96) Sa Sainteté reconnut en ce serviteur de Dieu une simplicité innée et un grand zèle pour souffrir par amour de Dieu. Il lui demanda beaucoup de choses sur la vie dans l’Ordre. Comme Sa Sainteté lui donnait la liberté de parler, Fr. Matteo lui dit beaucoup de choses. Il dit : “Très Saint Père, sachez qu’en ces temps, la Règle n’est observée nulle part. Je désire l’observer à la lettre. C’est pourquoi je vous supplie humblement de me permettre de porter cet habit et d’observer la Règle à la lettre. Puisque nos Pères ne voudraient pas que cet habit soit porté parmi eux, je vous prie de m’autoriser à parcourir le monde en prêchant les commandements de Dieu, plus par l’exemple que par la parole, selon ma simplicité, et d’exhorter tout un chacun au chemin de Dieu et aux bonnes oeuvres.”
Sa Sainteté répondit : “Notre volonté et intention est que la Règle soit observée à la lettre, selon la volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ et de saint François. C’est pourquoi nous accordons très volontiers tout ce que vous me demandez pour l’observation de la Règle. Toutefois, en signe d’obéissance, vous devrez vous présenter une fois l’an au Ministre des Zoccolanti, au moment du Chapitre, dans la province où vous vous trouverez. Pour assurer plus sûrement votre dessein et afin que nul ne vous entrave, revenez demain matin et nous vous remettrons un Bref. Priez Dieu pour moi et pour l’état de la Sainte Église.”
Après avoir baisé les pieds du Pape et reçu sa bénédiction, il partit plein de joie et de bonheur, car, à travers les nombreux signes que Dieu lui avait donnés, il se sentait assuré que notre Seigneur Dieu l’appelait à cet état.
Dès lors, comme il le racontait à tous ceux qui voulaient l’écouter, il croyait fermement que ce gentilhomme avait été un ange envoyé par Dieu, afin que Dieu lui parle visiblement. Dieu inspira ensuite son coeur invisiblement et le rendit invisible aux gardes de Sa Sainteté.
Pour remercier Dieu avec plus d’ardeur, il fit le tour ce jour-là de toutes les principales églises de Rome et revint cette nuit-là à Saint-Pierre.