Ordre des Frères Mineurs Capucins
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Comment la réforme des Clareni a débutée sous Célestin V

34 Les initiateurs 35 Leurs tribulations 36 La conduite de l’Inquisiteur envers eux 37 Leur expansion en Italie 38 La bulle Exivi de paradiso 39 Les frères zélés de la Custodie ou de Narbonne 40 Angelo Clareno devant le pape Clément V 41 Pourquoi on les appelait les Claréniens 42 La Congrégation des Claréniens supprimée par Pie V 43 Raisons des réformes de l’Ordre franciscain 44 Gentile de Spolète et sa réforme 45 Sa fin 46 Quelle réforme sera la réforme ultime 47 La réforme capucine était vraiment nécessaire

En 1296, au troisième mois, lorsqu’ils apprirent la création de ce nouveau Saint Pontife [Pape Saint Célestin V], les bons et zélés Frères furent remplis de joie. Ils espéraient que Sa Sainteté les soutiendrait dans la réalisation de leur sainte réforme. Le corps entier de l’Ordre avait été réduit à un point si bas que les Frères désireux de vivre selon l’observance de la Règle ne pouvaient plus y vivre à cause des grandes persécutions qu’ils subissaient de la part des Frères relâchés.

Fra Pietro de Macerata, Fr. Liberato, Fr. Corrado d’Offida, Fr. Jacopone de Todi, Frère Tomaso de Trevi et Fr. Corrado de Spolète aimaient tous parfaitement l’observance de la Règle et s’étaient réunis en secret. Il plut au Seigneur Dieu de mettre dans le coeur de ces saints hommes la décision que Fr. Pietro de Macerata et Fr. Liberato aillent trouver Sa Sainteté au nom des nombreux Frères désireux d’observer la Règle. Ils devaient demander à Sa Sainteté de les favoriser dans l’accomplissement d’une réforme parfaite, d’autant plus que, lorsqu’il était dans les ordres mineurs, il avait bien connu Fr. Pietro de Macerata.

Le Saint-Père se réjouit de leur bonne volonté et comprit leur vif désir de vivre dans l’observance pure, car le Saint-Père partageait lui-même leur désir de vivre dans la plus haute pauvreté. Il le montra peu après de manière très concrète en renonçant à la papauté et en se retirant dans un lieu désert.

Ainsi, en bon pasteur éclairé par l’Esprit Saint, et puisqu’il était impossible de vivre l’observance pure de la Règle dans le corps de l’Ordre, il les conseilla et dit à Fr. Liberato et à son compagnon d’observer soigneusement et parfaitement la Règle et le Testament de saint François.

“J’ai toujours été de votre avis et j’avais l’intention de l’observer avec mes Frères. Toutefois, il a plu à Dieu de me confier cette charge. Je voulais pourtant que mes Frères l’observent, mais pour gouverner en tant que Pape, j’ai dû accepter la possession. Maintenant, si vous voulez observer la Règle, vous devez vous séparer du corps de l’Ordre, vous détacher complètement d’eux et prendre la vie érémitique, qui est la perfection de la vie cénobitique.”

Convaincu que Fr. Liberato et Fr. Pietro, représentants d’une multitude entière, désiraient la réforme, Sa Sainteté les délia de toute obéissance envers le corps de l’Ordre. Il leur donna aussi pleine autorité pour absoudre une seule fois tous les autres qui voudraient cette réforme. Il leur accorda une indulgence plénière et leur ordonna d’accueillir tous ceux qui voudraient observer cette vie. Pour la paix et l’honneur plus grands de l’Ordre, ils ne seraient pas appelés Frères Mineurs mais Frères du Pape Célestin et pauvres Ermites. Il les recommanda à Monseigneur le Cardinal Napoléon parce qu’il était généreux pourvoyeur et soutien de toutes les causes pieuses. Il recommanda cette cause au cardinal comme étant la plus chère à son coeur.

Quand ces deux revinrent auprès de leurs autres compagnons, ils quittèrent l’Ordre et prirent l’habit des ermites. Se cachant dans certains lieux déserts, ils observèrent la vie qu’ils avaient promise à Dieu de manière si élevée qu’il y eut un profond étonnement et émerveillement chez tous ceux qui les voyaient. Leur réputation se répandit rapidement dans toute l’Italie et cette initiative s’étendit dans tout l’Ordre. En peu de temps, leur nombre augmenta encore.

Toutefois, lorsque l’ennemi de la nature humaine vit que de nombreux fruits remarquables découleraient de cette sainte réforme, il mit dans le coeur de certains adversaires de se comporter comme des loups enragés envers ces pauvres hommes. Ils assemblèrent de petites troupes de soldats armés pour se rendre là où étaient les serviteurs de Dieu et les arrêter pour les mener liés devant le magistrat. Ils ne respectaient pas le précepte de Sa Sainteté, ni ne craignaient les censures portées contre ceux qui maltraitent les religieux.

Cédant à cette hostilité, ils furent contraints de fuir en Grèce. Là, ces serviteurs de Dieu se retirèrent sur une île où ils continuèrent dans une dure pénitence et une haute contemplation, ainsi que dans la prédication et les grands miracles que notre Seigneur Dieu accomplissait par eux. Ils rayonnaient dans toute la région. Leur bonne renommée se répandit partout, si bien que tous disaient : “Ce sont de véritables serviteurs de Dieu envoyés pour que nous révisions notre conduite. Par les nombreux miracles qu’ils font et leur sainte prédication, il est évident combien ils plaisent à Dieu.”

Comme leurs adversaires ne pouvaient supporter l’honneur rendu à ces serviteurs de Dieu, ils écrivirent avec une malice extraordinaire aux évêques de ces régions. Ils disaient que ces serviteurs étaient des schismatiques, des hérétiques, une bande perverse, appartenant à la secte d’un ancien philosophe. Ils ne célébraient pas la messe et ne mangeaient pas de viande. Ils ajoutèrent bien d’autres mensonges. Lorsque ces saints pasteurs entendirent cela, dans leur zèle ils envoyèrent des observateurs secrets pour converser longuement avec eux, jusqu’à être certains de la vie de ces Frères. Quand ces saints évêques virent que les accusations étaient totalement fausses, ils voulurent que les Frères sortent au grand jour, qu’ils célèbrent leurs messes et prêchent publiquement, afin que chacun sache que tout ce qui était allégué contre eux était entièrement faux.

L’ennemi ne dort jamais, mais cherche toujours à empêcher quiconque de faire le bien. Il enflamma de nouveau le coeur de leurs adversaires. Après avoir sollicité une lettre de Rome, ils incitèrent des personnes mauvaises à les persécuter atrocement sous prétexte d’hérésie. On leur assigna un inquisiteur séculier, un homme corrompu. Dans sa cupidité, il pensait leur soutirer de l’argent. Par la torture et les coups, il essaya de les forcer à admettre qu’ils étaient hérétiques. Pourtant, avec une patience miraculeuse, ces serviteurs de Dieu endurèrent tout ce mal. Ils restèrent fermes et affirmèrent qu’ils étaient catholiques et bons fils de la Sainte Église. L’inquisiteur, homme diabolique, prit un de leurs novices. Après l’avoir dépouillé de son habit, il usa de nombreux tourments pour le contraindre à dire que ces pauvres frères étaient hérétiques. Comme les habitants d’un Castello voisin connaissaient ces Frères, il les fit payer et leur extorqua une grosse somme d’argent, puis relâcha le novice.

Un jour, alors qu’il conduisait ces pauvres religieux ligotés, il traversa un bois. Une vive lumière tomba juste devant son cheval, qui s’écroula au sol. Le misérable fut si terrifié qu’il se mit à genoux et promit à Dieu de ne plus les persécuter. Mais il ne tint pas la promesse faite à Dieu. Il en fit brûler plusieurs. Tels de doux agneaux, ils livrèrent leur corps à la mort, acceptant tout de la main de Dieu qui voulait les couronner de cette manière et les compter parmi les saints Martyrs. La colère de Dieu ne put le tolérer plus longtemps. Frappé d’une maladie mortelle, il dit : “Malheur à moi. Je suis damné à cause des torts que j’ai causés à ces serviteurs de Dieu. Je les ai punis si injustement. Je peux rendre l’argent que je leur ai fait payer, mais qui peut leur rendre leur réputation et leur vie ?” Il mourut pour comparaître devant le tribunal juste de Dieu et tous crurent qu’il était allé en enfer. Le novice qui les avait diffamés rétablit leur réputation en beaucoup d’endroits. Il affirma qu’ils étaient tous des saints, et que c’est la torture de l’Inquisiteur qui l’avait fait mentir.

À leur retour en Italie, le nombre de ces grands serviteurs de Dieu augmenta encore. Ils fondèrent de nombreux couvents, surtout dans le royaume de Naples, dans la Campagne de Rome, en Ombrie et dans les Marches.

En 1304, la deuxième année de Clément V, il plut au Seigneur Dieu qu’Ubertino da Casale, Fr. Angelo da Cingoli, Fr. Adamo et Fr. Cesario, avec bien d’autres Frères saints et savants du temps, désirent l’observance de la Règle. Ils voyaient que dans le corps de l’Ordre, non seulement les Frères ne l’observaient pas, mais qu’ils persécutaient atrocement ceux qui voulaient le faire.

Avec un grand zèle, enflammés par le Saint-Esprit, ces serviteurs de Dieu proposèrent au Saint-Père Clément V une réforme nécessaire de l’Ordre. Comme un bon pasteur, Sa Sainteté leur ordonna, sous sainte obéissance et sous peine d’excommunication, de consigner fidèlement tout ce qui dans la Règle n’était pas observé. Ils le firent très fidèlement. Ensuite, comme le Saint-Père présidait le Concile assemblé à Avignon, il réunit de nombreux maîtres en théologie, évêques et hommes savants, et fit une belle et détaillée exposition de la Règle. Il ordonna et interdit à l’avenir toute action contraire à sa déclaration, et qu’elle soit observée. Fr. Consalvo, un Espagnol très zélé, commença à visiter tout l’Ordre. Il ferma tous les couvents qui avaient abandonné la pauvreté, supprima les testaments et rentes annuelles, les habits luxueux et tout ce qui allait contre la sainte pauvreté. Le corps de l’Ordre était tellement déformé et dégradé que le saint Général Ubertino et tous les autres eurent beaucoup à faire.

Notre Seigneur Dieu ne manque jamais de donner à ses serviteurs l’occasion de le servir fidèlement. Quand des frères zélés de la Custodie de Narbonne virent que la déclaration de Clément V n’était plus observée, ils décidèrent entre eux, avec l’aide de quelques laïcs, d’expulser tous les frères relâchés du couvent de Narbonne. Ils réformèrent les couvents de Narbonne et Béziers.

En 1314, autour de la Pentecôte, environ soixante-quatre Frères allèrent courageusement d’abord à Avignon où résidait Sa Sainteté le Pape Jean XXII. Ils n’allèrent pas chez les Frères mais directement au Palais pontifical. Ils y restèrent toute la nuit, devant la porte. Ils ne voulaient pas partir sans que le Pape les ait entendus. Le matin, l’un d’eux, Fr. Bernardo Délicieux, homme d’une grande maturité, de science et de très sainte vie, exposa avec éloquence et prudence au Saint-Père et aux Cardinaux leur besoin d’aide pour observer la Règle qu’ils avaient promise à Dieu. Ils avaient souffert tant d’opposition qu’il leur était impossible de l’observer sans ce soutien.

Par respect, je tairai ce qui arriva à ces pauvres serviteurs de Dieu. Car là où ils pensaient avoir la possibilité de vivre la Règle dans l’abstinence, la pauvreté et autres souffrances, le Seigneur ne voulut pas qu’ils soient frustrés de leur désir saint. Presque tous furent si affligés qu’on les considéra comme de saints Martyrs. Un grand nombre d’entre eux s’envolèrent au ciel avec la palme du martyre. En vérité, ils furent punis comme les saints martyrs. Pour que tous sachent que ces serviteurs de Dieu étaient animés d’un bon esprit et mus par un zèle pur, le Saint-Esprit fortifia leurs coeurs de telle manière qu’ils endurèrent tout avec grande joie et une patience invincible.

À cette époque, le Saint-Siège se trouvait à Avignon, en France. Inlassablement, les adversaires des Frères du Pape Célestin, dont nous avons raconté l’histoire plus haut, sollicitaient à Rome des lettres très calomnieuses adressées à Sa Sainteté contre eux. À cause de cela, même le Bienheureux Frère Ange de Cingoli fut contraint de se présenter lui-même afin d’éclaircir la situation auprès de Sa Sainteté. Le Pape se retrouva en présence des Frères de Narbonne dans sa cour. Parmi eux se trouvaient le Frère Ubertin, le Frère Gaufredo et le Frère Ange de Cingoli, venus répondre à une lettre diffamatoire dirigée contre leur Réforme des Clareni.

Le Pape demanda au Frère Ange s’il était un Frère Mineur. Il répondit : “Oui.” Le Pape répliqua : “Alors pourquoi les as-tu quittés ?” Le Frère Ange répondit : “Saint-Père, je ne les ai pas quittés. Demandez-leur plutôt pourquoi ils m’ont chassé.” Le Pape resta silencieux. Puis, après un moment, il lui demanda : “As-tu jamais entendu des confessions ?” Le Frère Ange répondit : “Saint-Père, je ne suis pas prêtre, et l’une des raisons pour lesquelles je n’ai pas reçu les Ordres est que je ne voulais pas entendre les confessions. Je n’en ai donc entendu aucune.”

Alors, le Pape fit lire les lettres du Pape Boniface et du Patriarche de Constantinople. Lorsqu’elles furent lues, le Pape dit : “Frère Ange, tu es excommunié.” Il répondit : “Saint-Père, je ne suis pas excommunié ni même excommuniable. J’ai toujours obéi au Pape Boniface, au Patriarche et à tous les prélats de la Sainte Église.” Des chuchotements et une agitation emplirent toute l’assemblée lorsqu’il affirma que ces lettres avaient été sollicitées et utilisées à des fins malveillantes, et comment, par des mensonges, ses adversaires les avaient obtenues injustement.

Le Pape pressa alors Frère Ange par ses paroles, l’empêchant de terminer ce qu’il voulait dire au sujet des actes qu’on avait commis contre lui. Alors Frère Ange parla : “Saint-Père, vous avez écouté les mensonges de mes adversaires et vous ne pouvez supporter la vérité que je vous dis.” Il était environ la sixième heure, le moment du dîner. Pour hâter les choses, le Pape ordonna que le Frère Ange soit détenu et absous provisoirement, jusqu’à ce qu’il soit mieux informé de la vérité, auquel cas il pourrait le libérer.

Finalement, le Pape lui dit de retourner dans son Ordre ou d’en rejoindre un autre reconnu. Le Frère Ange demanda au Pape de prendre des dispositions pour lui et pour sa Congrégation, afin qu’il puisse observer le voeu qu’il avait fait, lui ainsi que les autres, entre les mains du Pape Célestin, et que celui-ci avait confirmé. Le Pape dit : “Nous n’acceptons pas vos raisons.” Le Frère Ange répondit : “Nous sommes un Ordre approuvé pour deux raisons.” Il expliqua que la première était que le Pape Célestin l’avait accepté comme son propre Frère, et que, par l’autorité pontificale, il avait embrassé la vie érémitique, qui est la perfection et équivaut au but de la vie cénobitique. Sa Sainteté leur ordonna, par l’intermédiaire du Cardinal Napoléon, de porter l’habit de Saint Pierre Célestin, comme le faisait déjà Frère Ange. Ainsi, il fit le voeu de suivre Saint Pierre Célestin, c’est-à-dire de vivre et de mourir dans la très haute pauvreté du Christ.

Ainsi, avec la sainte Réforme confirmée par trois Souverains Pontifes, à savoir le Pape Célestin, le Pape Boniface et le Pape Jean XXII, le saint homme retourna en Italie. Il dirigea la Réforme avec un grand zèle pendant de nombreuses années. Le nom de la Congrégation vint du fait que la première maison qu’il fonda se trouvait dans les Marches, près d’une rivière appelée le “Chiarino”. Ils furent appelés les “Frères Chiarini”. Ils fondèrent de nombreuses maisons dans les Marches, encore plus dans le Royaume de Naples et dans toute l’Ombrie.

Parmi eux se trouvaient des hommes très saints qui observèrent parfaitement la Règle aussi longtemps que ce saint homme vécut. Je me souviens avoir recopié trente-cinq lettres qu’il avait écrites à ses frères en différents endroits. Elles m’avaient été prêtées par le Frère Santi Corsico, Gardien de Saint-Antoine de Spolète, où sont conservés les documents les plus importants, dans lesquels transparaissait la haute sagesse de ce serviteur de Dieu. On dit que Dieu révéla au Frère Ange la langue grecque et que c’est lui qui traduisit Jean Climaque du grec en latin.

En raison de sa sainteté, après sa mort, le Frère Ange fut considéré comme bienheureux. Il fut orné de nombreux miracles et, tant qu’il gouverna, cette sainte Congrégation ne cessa d’aller de bien en mieux. Mais après sa mort, ils furent à nouveau persécutés. Dans le Royaume de Naples, toutes leurs maisons furent brûlées. Quand les Comtes d’Anagni vinrent en Campagne de Rome, ils affrontèrent les persécuteurs et conservèrent tous les couvents qu’ils avaient là-bas. Une partie d’entre eux fut contrainte de se soumettre aux Pères Zoccolanti, l’autre resta sous l’obéissance des évêques. Ensuite vint Pie V. Pasteur sage et bon, il constata que l’observance de la Règle avait fortement décliné. Il voulut les incorporer entièrement aux Pères Zoccolanti. Et c’est ce qui advint.

Puisqu’ils sont mutuellement opposés, il existe évidemment toujours un combat cruel entre l’esprit et la chair. Ainsi, dans le saint Ordre du Séraphique François, il y a toujours eu une guerre civile entre les Frères relâchés, charnels et sensuels, et les Frères spirituels. Cela parce que les Frères zélés et bons désiraient toujours l’observance parfaite de la Règle. Les Frères relâchés, repliés sur eux-mêmes, menaient une vie sensuelle et plus confortable pour la chair. Et tout comme l’air enfermé dans les entrailles de la terre se raréfie avec le temps sous l’influence des astres, et que la nature ne tolérant pas ce déséquilibre, le jour vient où la terre se rompt et éclate, et dans un fracas énorme l’air retrouve son équilibre, de la même manière, l’esprit des saints ne peut supporter d’être enfermé dans les pièges de la sensualité. Il cherche à se libérer dans un grand fracas. Il ne craint aucun effort ni aucune souffrance pour obéir à Dieu et à sa conscience.

C’est ce qui arriva au saint homme Frère Gentile de Spolète. Grâce à sa sainteté et sa bonne réputation, il avait de nombreux amis à la cour de Clément VI. Lorsqu’il vit que la Règle n’était pas observée dans l’Ordre, inspiré par Dieu et avec l’aide de ses amis influents, il obtint une Bulle pour lui-même et pour de nombreux autres Frères zélés de la Province de Saint François. Cette Bulle lui permit de se retirer avec ses compagnons pour observer véritablement la Règle. C’était en 1352. Ils demandèrent et obtinrent du Saint-Père la permission de se retirer dans quatre couvents : celui de Monteluco di Spoleto, celui du Carcere à Assise, celui de Giano et l’Ermitage de Cesi. Il pouvait y avoir douze Frères dans chaque couvent. Ils adoptèrent un habit humble et strict avec une capuche pointue et vécurent dans une observance extraordinaire. En apprenant cela, les Frères zélés de tout l’Ordre furent remplis de joie. Ceux qui désiraient se retirer pour mener une vie stricte espérèrent que cette Réforme se répandrait dans toutes les Provinces. Si elle avait perduré, elle se serait rapidement remplie de nombreux Pères saints et vénérables. Car même si l’Ordre était alors assez relâché, il y avait en toutes Provinces de nombreux Frères saints et zélés qui aspiraient à cette Réforme. Elle se serait rapidement développée.

Mais lorsque le Ministre général en fut informé, il s’inquiéta de ce qui pourrait arriver. Il craignait que l’Ordre ne perde tous ses bons Frères et ne se divise. Mû par un zèle peu louable, il consulta les Pères et décida de faire comparaître les Frères (réformés) devant Sa Sainteté afin de les confondre par des débats et des arguments subtils. Cependant, il changea d’avis plus tard, craignant quelque agitation. Il savait que le Frère Gentile et ses compagnons avaient hébergé deux religieux infectés d’hérésie. Cela suffisait à les ruiner, même si ces pauvres hommes avaient été accueillis par charité, et que les Frères avaient tenté autant que possible de les détourner de leurs vues hérétiques. Comme ils restaient obstinés, les Frères les renvoyèrent.

Le Saint-Siège se trouvait alors à Avignon, et pour plaire au Ministre général, un Cardinal chargé de commission par Sa Sainteté fit emprisonner le Frère Gentile et certains de ses compagnons à Orvieto. Ils endurèrent de nombreuses tribulations, et leur Bulle, qui leur avait accordé l’autorisation d’accueillir tout type de Frères et même des séculiers, fut totalement suspendue. Ainsi, la pauvre Réforme prit fin dans de nombreuses afflictions.

Il serait trop long de raconter toutes les fois où des hommes saints ont tenté de réformer l’Ordre franciscain. Par conséquent, les Capucins ne furent pas les premiers, mais pourraient bien être les derniers. J’ai entendu, très souvent, des Frères saints et prudents, au début de notre Congrégation, dire que selon les prophéties, il s’agit de la dernière Réforme. Elle se poursuivra ainsi jusqu’à la réforme universelle de la Sainte Église. Ensuite, par les nombreuses tribulations subies par des hommes saints et raffinés dans l’esprit, notre Seigneur Dieu les exaltera dans leur prédication. Il les rendra illustres par de nombreux miracles pour le bien de son Église catholique. L’Église sera alors complètement purifiée. Très peu, cependant, resteront sous les coups de feu de l’ennemi infernal, mais ces quelques-uns, par la grâce de Dieu, seront pour le bien de son Église. Ensuite, l’Ordre saint sera réduit et limité à quelques bons hommes, comme notre Père Saint François l’avait désiré, selon ce que Jésus-Christ lui avait révélé.

C’est pourquoi la Réforme des Capucins fut bonne, faite par Dieu dans sa miséricorde, et non par les hommes. Pour cette raison, nos premiers Pères répondirent à ceux qui disaient que la Réforme n’était pas nécessaire, ainsi qu’à toutes leurs autres objections. Ils disaient : “Nous sommes certains que la Réforme vient de Dieu parce qu’elle est conforme aux prophéties de nombreux hommes saints. En outre, le Seigneur nous a révélé comment nous réformer et vivre selon la Règle que nous avons promise, et selon la volonté de Dieu. Mais puisque toutes les oeuvres de Dieu sont bonnes, et que celle-ci est son oeuvre, elle est donc bonne. Vivre dans l’observance de la Règle est nécessaire pour notre salut. Nous n’aurions pas pu vivre dans l’observance de la Règle si nous n’avions pas fait cette Réforme. C’est pourquoi la Réforme est bonne et nécessaire.”

C’est cela qui a toujours poussé de nombreux hommes saints dans l’Ordre. Indépendamment de toute autre considération, ils ont entrepris tant de Réformes pour ne pas risquer la condamnation en vivant comme des transgresseurs de leur Règle. Cela seul suffit à nous réformer et vivre dans la grâce de Dieu. Cependant, lorsque les Ordres se relâchent au point que la Règle ne peut plus être observée, qui pourrait douter que chacun soit obligé, pour son propre salut, de prendre des dispositions ? D’autant plus lorsqu’il y a des hommes plus saints qui agissent juridiquement et font appel au plus haut tribunal, c’est-à-dire à Sa Sainteté, lorsque tous dans l’Ordre ne s’accordent pas sur l’observance de la Règle. Se réformer avec la permission et la volonté de Sa Sainteté est toujours une bonne chose. Nos premiers Pères ont agi ainsi, comme cela est manifeste dans la très noble Réforme des Pères Zoccolanti, qui sera décrite ci-dessous.

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