Ordre des Frères Mineurs Capucins
Visitez le site vaticancatholique.com pour des informations cruciales sur la foi catholique traditionnelle.

Comment notre Congrégation a commencé fortuitement.

19 Les sept Réformes franciscaines 20 La signification de la vision de la statue 21 La Réforme de l’Ordre franciscain sous le pontificat de Clément VII 22 Les Frères zélés obtiennent la Bulle 23 L’apparition de Matteo di Bascio 24 La valeur de certaines expressions 25 Le début opportun de la Réforme capucine

(19) Lorsque la Synagogue tomba dans une totale décadence quant à l’observance de la Loi, de ses bonnes coutumes, de ses cérémonies et de sa puissance royale, tout le Peuple hébreu fut privé du pouvoir civil et de toute autorité royale, sous la domination et la servitude des Romains. Alors, le Dieu Très-Haut commença la Loi de grâce en envoyant son Fils béni dans le monde. Il mit fin à l’ancienne Loi avec toutes ses cérémonies et commença la nouvelle Loi de grâce. Il laissa comme choses périmées les figures, les prophéties et les ombres de l’Ancien Testament, et renouvela toute chose dans le Nouveau Testament. De la même manière, l’Ordre séraphique de saint François tomba dans une telle décadence qu’on n’y voyait plus rien de l’empreinte originelle du Père Séraphique – ni l’habit, ni l’observance de la Règle, ni le mode de vie selon les anciennes coutumes. Laxiste au possible, l’Ordre dormait dans les douceurs de la chair. Peu nombreux étaient ceux qui observaient la Règle. Au contraire, les frères vivaient selon les privilèges, concessions et interprétations relâchées. Ainsi, le Seigneur Dieu se souvint de sa promesse à notre Père saint François de toujours veiller sur son Ordre. Par sa providence, la Réforme capucine émergea à l’époque indiquée par le Bienheureux Bernard, compagnon et premier-né du Père saint François. Inspiré et illuminé par l’esprit de prophétie, il déclara que bien qu’une partie de l’Ordre se réformerait, celui-ci irait de mal en pis jusqu’au septième degré.

La première réforme n’atteindra pas la perfection que l’Ordre avait au commencement. Pas plus que la deuxième. Ni aucune des autres réformes. Cela montre les sept degrés correspondant aux sept réformes réalisées dans le saint Ordre. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, ce furent les réformes de saint Bonaventure, Frère Gentile, le Bienheureux Ange Clareno (le premier des Pères Zoccolanti), Frère Francesco Guadalupe, et celle de Frère François de Montepulciano. La dernière réforme, celle des Pères Zoccolanti, correspondait au septième degré.

(20) Selon cette prophétie, la Réforme des Capucins dans l’esprit du Fondateur devait maintenant arriver. Notre Réforme ne découle d’aucun mérite humain. Dieu l’a accomplie miraculeusement. Cela se produisit lorsque les quatre états de l’Ordre furent passés, comme saint François le vit dans la vision de la statue. La statue avait une tête d’or, représentant le genre de vie originel que le Fondateur menait avec ses compagnons et tout l’Ordre de l’époque. Le torse était d’argent, évoquant la période des frères instruits, lorsque l’Ordre grandit en nombre. Le troisième état, un ventre de cuivre. Cela signifie pour nous l’époque où l’Ordre avait beaucoup grandi, mais sans être comparable à l’or et l’argent. De même que le cuivre est inférieur, cet état de l’Ordre l’était aussi en perfection et en observance de la Règle, comparé au temps du Bienheureux Bernard. Le quatrième état – les jambes de fer et les pieds de terre cuite – représente pour nous les deux réformes entreprises par saint Bernardin et d’autres Pères sous Léon X et Clément VII.

(21) Sachez donc que jusqu’à Clément VII, l’Ordre vivait dans une grande paix et était bien vu des laïcs. Il y avait des hommes saints, et partout ils vivaient dans la paix, la tranquillité, voire le luxe. La dévotion des séculiers et l’abondance facile des biens temporels de l’époque, puisque ceux-ci coûtaient peu, faisaient que les Frères vivaient dans l’aisance et l’abondance. Je le sais, car je l’ai vu moi-même, et je voudrais en donner un exemple. Il arrivait souvent que, dans un couvent particulier de la Province de saint François, on apportât cent chèvres à la porte le Samedi Saint. Bien que je puisse en dire bien davantage, je me tairai sur l’abondance dans laquelle les Pères se complaisaient alors.

Il plut au Seigneur de réveiller à nouveau l’Ordre. À cause de nombreux péchés, Dieu permit qu’une armée vienne, et que le duc de Bourbon mette Rome à sac. Une famine sévère et une terrible peste se répandirent dans le monde entier. Comme dit le Sage : « Vexatio dat intellectum », le corps de l’Ordre commença à réfléchir à sa situation. Inspirés et illuminés par Dieu, de nombreux hommes saints se retirèrent dans des ermitages et de petits couvents. Là, ils se consacrèrent à la sainte contemplation et à l’observance de la Règle. Chaque jour, beaucoup d’hommes instruits et saints parlaient de la Règle et de la manière de la vivre. Ils découvrirent et montrèrent à quel point l’Ordre s’était éloigné de la véritable observance de la Règle. D’autres parlaient avec tant d’élévation des choses de Dieu que beaucoup se sentirent inspirés et décidèrent de se retirer. Je les connais, tels que le Très Révérend Père Francesco da Iesi. Il se retira au couvent de Monteluco avec beaucoup d’autres du même esprit. Il porta des fruits remarquables. Il en va de même pour le serviteur extraordinaire de Dieu Frère Giovanni Battista de San Severino della Marca, l’homme saint Frère Bartolomeo de Città di Castello, Frère Felice de Spello, et bien d’autres. Ainsi éclairés par Dieu, ils se rendirent compte du très dangereux état (de l’Ordre) et à quel point ils s’étaient éloignés de la véritable observance de la Règle.

Ils commencèrent donc à parler entre eux de Réforme. Par expérience claire, ils savaient qu’il était impossible que tout le corps de l’Ordre revienne à la vie austère selon la volonté de notre Père saint François. Ce courant était si puissant qu’il émut tout l’Ordre. Dieu l’avait vraiment ordonné. Dans toutes les Provinces, avec grande insistance, aux Chapitres provinciaux comme généraux, ils cherchèrent à entamer la Réforme.

(22) D’un autre côté, la chair remplissait son rôle parmi les laxistes. Ils ne voulaient rien entendre de la réforme. Mais l’esprit prévalut, et de nombreux Pères courageux décidèrent d’aller voir Sa Sainteté Clément VII. Ils lui firent comprendre que l’Ordre était très relâché et en dehors de l’observance de la Règle. De là naquirent de nombreux désagréments entre les frères relâchés et ceux qui voulaient observer la Règle. Ces Pères supplièrent Sa Sainteté de pourvoir à leur situation. Le Saint-Père répondit qu’il aimait tendrement l’Ordre. « Il est de mon devoir de pourvoir à de telles affaires. Mais dites-moi ce que je peux faire pour ramener l’Ordre à l’observance parfaite de la Règle ? » Le Très Révérend Père Bernardino d’Asti était alors Procureur à la Cour. Il désirait ardemment la Réforme. Il répondit : « Très Saint-Père, vous pouvez pourvoir en nous donnant une Bulle favorable – non pour que les bons frères quittent le corps de l’Ordre, mais plutôt pour qu’il leur soit accordé, dans leurs Provinces, quelques petits couvents dévots où ils puissent observer la Règle sans obstacle. Il ne manque pas de lieux propices à l’esprit. Il ne manque pas non plus de frères qui désirent s’y retirer. Mais ils ne peuvent le faire parce que nos Supérieurs ne le veulent pas. Nous avons donc besoin de la main ferme de Votre Sainteté pour commander à nos Supérieurs et leur faire vouloir ce qu’ils ne veulent pas faire par amour, comme cela a été démontré maintes fois. »

Le Souverain Pontife accueillit favorablement cette proposition. Se tournant avec bonté vers ces Pères – Frère Bernardino d’Asti et Frère Francesco da Iesi – il leur dit : « Cela me plaît. Rédigez une note sur la manière dont vous souhaitez la Bulle. Lors de la prochaine assemblée du Consistoire, je discuterai de la question avec les cardinaux. J’espère que tout ce que vous souhaitez sera accompli. »

Voici la traduction française, fidèle au texte original et en conservant la même mise en forme (y compris le frontmatter Hugo si nécessaire) :


C’est exactement ce qui arriva. En peu de temps, la bulle fut obtenue. Elle accordait aux Frères réformés tout ce qu’ils désiraient. Elle ordonnait que tous les frères souhaitant rejoindre la Réforme soient laissés libres de le faire, et obligeait les Supérieurs à les y envoyer. Le Pontife étant si favorable, ces Pères pensèrent que la Réforme était pratiquement accomplie. Cependant, lorsqu’ils tentèrent d’organiser la Réforme dans les Chapitres et de dresser la liste de ceux qui voulaient y participer, un tel tollé éclata dans les Provinces que les frères zélés durent littéralement fuir les mains des autres. Ce combat dura environ trois ans. Ainsi, la Réforme ne put jamais réussir. Le Père Frère Francesco da Iesi apporta la bulle au Chapitre de Notre-Dame des Anges et y parla de la Réforme. Les Frères relâchés le jetèrent en prison, lui et le Père Frère Battista da Norcia. Voilà ce qu’était la Réforme.

(23) Il plut au Seigneur Dieu que, dans la troisième année du pontificat de Clément VII, Frère Matteo da Bascio fasse son apparition, après une révélation divine, comme il sera expliqué plus loin. C’était un homme simple, mais animé d’un grand esprit. Avec le capuchon pointu et la bénédiction de Dieu et du Souverain Pontife, il commença à prêcher avec grande ferveur. Il portait cet habit oublié et allait pieds nus. Il était tout entier enflammé. On aurait dit un homme tout juste sorti du purgatoire, étranger à la terre, un Apôtre de Jésus-Christ. Lorsqu’une chose nouvelle et importante survient, il arrive habituellement qu’elle effraie ses adversaires tout en consolant profondément ses partisans. L’arrivée de Frère Matteo alarma les Frères relâchés et apporta une grande joie aux Frères zélés qui désiraient la Réforme. Lorsque les Supérieurs relâchés réalisèrent que le lièvre s’était échappé et qu’on ne pouvait plus l’attraper, ils craignirent que d’autres ne s’échappent aussi et pensèrent fermer la porte en amadouant les Frères zélés et en leur permettant de rejoindre la Réforme. Néanmoins, il y eut tant d’oppositions secrètes qu’il était de notoriété publique qu’on les avait contraints à accorder la Réforme aux Frères zélés. Ils y consentirent parce qu’ils y étaient obligés, non par volonté. Une fois entrés dans la Réforme, les Frères zélés furent rapidement transférés par les Frères relâchés sous prétexte d’autres missions importantes. Ainsi, la Réforme avançait péniblement.

Le Seigneur Dieu permit donc, pour la plus grande gloire des bons frères, qu’il y ait à cette époque un Ministre général — dont je ne me rappelle honnêtement plus le nom — si pervers et si ennemi de l’observance de la Règle qu’on aurait dit qu’il s’était échappé de l’enfer. Il les persécuta atrocement. Il persécuta les deux Réformes : celle des Pères Zoccolants d’abord, puis cruellement celle des Capucins.

(24) C’est pourquoi, dans ce livre, chaque fois que je parle d’adversaires ou de frères relâchés, je me réfère toujours aux frères relâchés et non pas au corps de l’Ordre, duquel nous n’avons reçu que du bien et que nous regardons comme nos anciens. Nous leur sommes profondément redevables. Que Dieu me préserve donc de jamais accuser mon Ordre Mère à qui je dois tant et envers qui j’ai la plus haute estime. Au début, de nombreux saints hommes de l’Ordre ont rendu notre Congrégation illustre. C’est pourquoi, bien que je doive écrire l’histoire de notre Congrégation et que je ne puisse rien omettre, chaque fois que je parle de nos adversaires, je vise toujours ces frères relâchés qui se sont constamment opposés à toutes les réformes et à toute forme de vie authentique.

(25) Ainsi donc, telle fut la cause de la croissance de notre Congrégation. Lorsque Frère Matteo et le Père Frère Lodovico da Fossombrone arrivèrent, après avoir déjà obtenu d’abord le Bref puis la Bulle, la multitude des Pères zélés au sein de l’Ordre, voyant que la réforme des Pères Zoccolants n’irait pas plus loin, décidèrent délibérément de partir pour rejoindre notre Congrégation. Leur grande résolution fut de faire progresser la Réforme capucine. Ainsi fut accomplie la prophétie du Bienheureux Bernard : après les sept degrés, l’Ordre devait être réformé. Ainsi, et cela dura de nombreuses années, lorsque ces Frères qui avaient rejoint la Réforme rencontraient des séculiers qu’ils avaient utilisés pour harceler les Capucins, ils leur demandaient pardon à genoux, en pleurant.

Je pense qu’il est pertinent de nommer l’un d’entre eux, le principal, à savoir le Vénérable Père Giovanni da Fano. Il persécuta notre Réforme comme un lion déchaîné. Mais il ne le fit pas avec une mauvaise intention. Il pensait agir correctement, et que cela était nécessaire pour préserver le corps de l’Ordre. Il lui semblait que la Réforme capucine allait détruire son Ordre. Cependant, lorsque cet homme de Dieu comprit que la Réforme venait de Sa Majesté, il ne voulut plus lui nuire. Au contraire. Comme il l’a dit maintes fois : « Je sentais que je ne pouvais me sauver si je ne défendais pas la réputation des Capucins — et pas seulement par des paroles. Je devais me joindre à eux et faire savoir à tous que je reconnaissais avoir fait du tort à ces pauvres frères meilleurs que moi. »

Il ne manqua pas d’autres exemples, mais je n’en dirai rien afin de ne pas m’étendre. Ceux-ci persécutèrent sévèrement notre Congrégation. Puis, éclairés par Dieu, ils se joignirent à nous et vécurent de manière à accomplir de nombreux miracles.

Ainsi donc, tel fut le début opportun, la croissance et le progrès de notre Congrégation. Car si ces Pères avaient véritablement promu leur propre Réforme, Dieu n’en aurait pas permis une autre. Mais ces difficultés amenèrent de nombreux hommes saints à la Réforme capucine, car après l’expérience évidente qu’ils avaient eue, ils avaient complètement perdu l’espoir de pouvoir mener à bien une autre réforme au sein du corps de l’Ordre.

Conformément aux prophéties, la Réforme capucine fut bien opportune et très adéquate pour les besoins de l’Ordre. C’est pourquoi nous pouvons dire que ce fut Dieu — et non les hommes — qui l’accomplit. Les signes en sont innombrables, et de bien des manières nous en avons acquis la certitude, car au milieu de tant d’épreuves, aucune puissance terrestre n’aurait pu la réaliser sans l’action de la main de Dieu.

0%