Chapitre 12
(139) Pour assurer la pure observance de la Règle, pour assurer le bon déroulement des offices divins et pour observer en même temps la plus haute pauvreté, nous ordonnons qu’il y ait dans nos couvents au moins six et pas plus de douze frères qui, unis au doux nom de Jésus, ne soient qu’un cœur et qu’une âme, s’efforçant toujours d’arriver à une plus grande perfection. Et s’ils veulent être de vrais disciples du Christ, ils s’aimeront cordialement les uns les autres, supporteront les défauts les uns des autres, s’exerceront à l’amour divin et à la charité fraternelle, s’efforceront de donner le bon exemple les uns aux autres et à tous, faisant constamment violence à leurs passions et à leurs mauvaises inclinations, car, comme le dit notre Sauveur : « Le Royaume des cieux souffre violence, et les violents, c’est-à-dire ceux qui se font violence, s’en emparent. »
(140) Nous ordonnons aussi qu’il n’y ait dans nos églises qu’une seule petite cloche, pesant environ septante kilogrammes. Dans nos églises, il n’y aura pas d’autre sacristie qu’un coffret ou un coffre avec une bonne clef, qui sera gardé par un frère profès. Dans ce coffret ou coffre seront déposés tous les objets nécessaires au culte divin. Elles auront deux petits calices, l’un en étain, l’autre avec seulement la coupe en argent. Elles n’auront pas plus de trois vêtements simples, sans or, argent, velours ou soie, ni rien de coûteux ou de superflu, mais tout sera propre et net. Les linges d’autel seront simples, les chandeliers seront en bois. Nos missels, bréviaires et autres livres seront reliés simplement et sans aucun signet orné, afin que dans tout ce dont nous nous servons, la sainte pauvreté resplendisse, ce qui nous fera aspirer aux richesses du ciel où sont tous nos trésors, nos joies et notre gloire.
(141) Comme il est impossible d’établir des lois et des statuts pour chaque cas particulier qui pourrait se présenter, le nombre de ces lois étant indéfini, nous exhortons tous nos frères, dans la charité du Christ, à garder à l’esprit dans toutes leurs actions le saint Évangile, la Règle qu’ils ont promise, les coutumes saintes et louables et les exemples des saints, en dirigeant leurs pensées, leurs paroles et leurs actions vers l’honneur et la gloire de Dieu et le salut du prochain. Ainsi le Saint-Esprit les éclairera en toutes choses.
(142) Pour maintenir l’uniformité dans les services divins, tant au chœur qu’en tout autre lieu, on lira l’enseignement de saint Bonaventure et les ordonnances de nos premiers Pères. Pour mieux comprendre la pensée de notre Père séraphique, les frères liront ses « Fioretti », le « Livre de la Conformité » et les autres livres qui parlent de lui.
(143) Notre Père Séraphique ayant à cœur la conversion des infidèles, il est ordonné, conformément à la Règle, que si des Frères, enflammés d’amour pour le Christ et de zèle pour la foi catholique, veulent, par inspiration divine, prêcher aux infidèles, ils s’adressent à leurs Vicaires provinciaux ou au Vicaire général. Si les Supérieurs les jugent aptes, ils les enverront avec leur permission et leur bénédiction pour une mission aussi pénible. Les sujets ne doivent pas se croire témérairement capables d’accomplir des travaux aussi périlleux et aussi difficiles, mais ils doivent soumettre leurs désirs au jugement de leur Supérieur avec toute la crainte et l’humilité nécessaires. Il convient en effet de faire une distinction entre les infidèles doux, dociles et bien disposés à recevoir la foi chrétienne, comme le sont ceux que les Espagnols ou les Portugais ont récemment découverts aux Indes, et les Turcs et les Hagaréniens qui, par la force des armes et par de cruelles persécutions, maintiennent et défendent leur secte pernicieuse. Les supérieurs ne penseront pas au petit nombre des frères, ni ne seront attristés de voir partir de bons frères, mais, remettant tout souci et toute sollicitude à Celui qui a toujours soin de nous, ils agiront en toutes choses selon l’inspiration de l’Esprit de Dieu, et ils disposeront tout avec la charité qui fait tout bien.
(144) Pour que la bien-aimée pauvreté, la sainte épouse du Christ notre Seigneur, si chère à notre Père, demeure toujours avec nous, les frères prendront garde de ne laisser apparaître ni luxe, ni rareté, ni superfluité dans les choses qui appartiennent au culte divin, ni dans nos édifices, ni dans les meubles dont nous nous servons, se souvenant que Dieu désire de nous plutôt l’obéissance promise dans la sainte pauvreté que les sacrifices. Et comme le dit le pape Clément dans sa déclaration, Dieu désire un cœur pur et des œuvres saintes plutôt que des choses coûteuses et richement ornées. Cependant, la propreté doit briller dans notre pauvreté.
(145) Et comme le Sauveur a commencé par faire avant d’enseigner, de même nos prélats seront les premiers à observer ces Constitutions, et ensuite, avec tout le zèle saint et efficace, à les faire observer inviolablement à leurs sujets. Et si certaines choses paraissent quelque peu difficiles au début, l’habitude les rendra faciles et agréables. Pour les graver plus profondément dans l’esprit des frères et les faire observer, tous les gardiens les feront lire à table une fois par mois. Et bien que nous n’ayons pas l’intention par ces Constitutions de lier les frères sous peine de péché, nous voulons et ordonnons cependant que ceux qui les transgressent soient sévèrement punis. Et si les gardiens négligent de les observer ou de les faire observer, ils seront encore plus sévèrement punis par les vicaires provinciaux, et ceux-ci par le Père Vicaire général.
(146) Les présentes Constitutions ayant été rédigées avec le plus grand soin et la plus grande mûre délibération, et approuvées par tout notre Chapitre général et par le Siège apostolique, Nous ordonnons qu’elles ne soient pas modifiées sans le consentement du Chapitre général. Nous exhortons aussi tous nos Pères et Frères présents et à venir à ne pas modifier ces Constitutions, même au cours des Chapitres. L’expérience a prouvé que les Ordres religieux ont subi de grands torts en modifiant fréquemment leurs Constitutions. Il ne sera pas non plus établi de Constitutions provinciales, mais, si des cas particuliers se présentent, les Chapitres généraux y pourvoiront. Ces Constitutions resteront intactes et, conformément à elles, notre Congrégation vivra et sera gouvernée avec une sainte uniformité.
(147) Comme notre Père Séraphique, au moment de sa mort, a laissé une bénédiction féconde de la Très Sainte Trinité, avec la sienne, à l’observance zélée et véritable de la Règle, rejetons donc tous toute négligence et appliquons-nous assidûment, avec sincérité et dévouement, à l’observance de la perfection que ladite Règle et notre Ordre proposent et inculquent.
(148) Les frères se rappelleront que l’obéissance sans autre intention que d’échapper à la peine n’appartient qu’aux esclaves et aux mercenaires ; mais qu’obéir par amour de Dieu, pour la gloire et le bon plaisir de la divine Majesté, pour donner le bon exemple au prochain et pour d’autres motifs semblables, appartient aux vrais enfants de Dieu. Les frères se garderont de transgresser ces Constitutions sous prétexte qu’elles n’obligent pas sous peine de péché ; mais, reconnaissant l’esprit qui nous a fait naître, ils observeront inviolablement les lois, les ordonnances et les statuts de notre Congrégation, afin que la grâce soit ajoutée à leur tête. Ainsi, par ce saint service, ils mériteront la miséricorde divine et deviendront conformes au Fils de Dieu, qui, bien que n’étant pas lié par les lois qu’il a faites lui-même, les a néanmoins observées pour le salut des autres. Qu’ils maintiennent donc la sublimité de l’État religieux et deviennent une source de nombreux bienfaits pour leurs voisins. Qu’ils se souviennent que les bons serviteurs ne doivent pas seulement accomplir les ordres de leurs maîtres, imposés sous la menace d’un châtiment, mais encore leur plaire de bien d’autres manières.
(149) C’est pourquoi, en accomplissant ces devoirs, gardons les yeux fixés sur notre Rédempteur, afin que, connaissant son bon plaisir, nous nous efforcions de lui plaire, non seulement en ne méprisant pas les Constitutions actuelles (ce serait un péché grave), mais en évitant par amour pour lui toute négligence dans leur observation. Cette observation nous aidera à être fidèles non seulement à la Règle, mais à la Loi divine et aux conseils évangéliques. La grâce de Dieu, par Jésus-Christ, nous délivrera de tous les dangers. Comme nos travaux abondent, ainsi aussi nos consolations abonderont en Jésus-Christ. Nous pouvons tout en Celui qui nous fortifie, c’est-à-dire en Jésus-Christ qui est tout-puissant, et en tout nous serons instruits par Celui qui est la Puissance, la Sagesse et le Sauveur, qui donne abondamment à tous les hommes et ne les censure pas. Celui qui soutient toutes choses par sa parole puissante nous donnera la force.
(150) Rappelons-nous souvent, chers Pères et Frères, ce texte sacré et mémorable sur lequel notre Père séraphique a prononcé un sermon très impressionnant devant plus de 5000 frères : « Nous avons promis à Dieu de grandes choses, mais il nous a promis de plus grandes choses. » Observons les choses que nous avons promises et aspirons avec un ardent désir à celles qui nous ont été promises. Les plaisirs de cette vie sont courts, mais les peines de l’enfer que nous encourons pour les poursuivre ne finissent pas. Les souffrances que nous supportons par amour du Christ et les pénitences que nous faisons pour lui ne dureront que peu de temps ; mais la gloire dont Dieu nous récompensera ne finira pas. Beaucoup ont été appelés au royaume de la vie éternelle, mais peu ont été élus, car très peu suivent le Christ avec sincérité de cœur. Mais au dernier jour, Dieu donnera à chacun la récompense de ses œuvres : aux bons, la gloire du ciel ; aux méchants, la confusion du feu éternel.
(151) Grandes sont les promesses, mais elles ne sont rien en comparaison de la récompense éternelle que Dieu nous accordera si nous demeurons fidèles. Agissons donc avec courage et ne doutons pas de nos forces, car le meilleur des Pères, qui nous a créés et nous a appelés à la perfection évangélique, connaissant notre condition, nous accordera non seulement la force par son aide, mais aussi les dons célestes en si grande abondance que, surmontant tous les obstacles, nous pourrons non seulement obéir à son Fils bien-aimé, mais encore le suivre et l’imiter avec la plus grande joie et la plus grande simplicité de cœur, méprisant complètement les choses visibles et temporelles, et aspirant toujours à celles qui sont célestes et éternelles.
(152) En Christ donc, qui est Dieu et homme, vraie lumière, splendeur de gloire et de lumière éternelle, miroir et image sans tache de Dieu, En Christ, établi par le Père éternel pour être le juge, le législateur et le Sauveur des hommes ; en Christ, à qui le Saint-Esprit a rendu témoignage, et de qui viennent tout mérite, exemple, secours, grâce et récompense ; en qui soit toute notre méditation et notre imitation ; en qui tout est doux, savant, saint et parfait ; en Christ, qui est la lumière et l’attente des nations, la fin de la loi, le salut de Dieu, le père du monde à venir, notre dernière espérance, que Dieu a fait notre sagesse et notre justice, notre sanctification et notre rédemption, qui avec le Père et le Saint-Esprit, coéternels, consubstantiels et coégaux, vit et règne comme un seul Dieu, soient la louange, l’honneur, la majesté et la gloire éternelles, aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.