Chapitre 9
(110) La prédication de la Parole de Dieu, à l’exemple du Christ, Maître de la vie, est l’un des devoirs les plus honorables, les plus utiles, les plus élevés et les plus divins de l’Église de Dieu, dont l’accomplissement est une grande partie du salut de l’humanité. C’est pourquoi nous ordonnons que nul ne soit promu à la prédication s’il n’a été examiné et approuvé, comme le veut la Règle, par le Chapitre général ou par le Père Vicaire général. On ne confèrera la prédication à personne s’il n’est pas prouvé qu’il a une vie sainte et exemplaire, un jugement clair et mûr, une volonté forte et ardente, car la science et l’éloquence sans la charité ne tendent nullement à l’édification, mais souvent à la destruction. Les supérieurs veilleront avec soin à ce que, lorsqu’ils accordent la prédication, ils ne soient pas complaisants envers les personnes, ni influencés par l’amitié ou la faveur humaine, mais qu’ils aient en vue uniquement l’honneur de Dieu, et qu’ils s’efforcent d’avoir un petit nombre de prédicateurs vertueux plutôt qu’un grand nombre de prédicateurs inutiles. Ainsi, ils suivront l’exemple du Christ, la Sagesse suprême, qui, de toute la nation juive, n’a choisi que douze apôtres et soixante-douze disciples, et cela après de longues prières.
(111) De plus, il est ordonné aux prédicateurs de s’abstenir d’introduire dans leurs sermons des bagatelles, des histoires insensées, des questions inutiles, des opinions curieuses et tirées par les cheveux, mais, à l’exemple de l’apôtre saint Paul, qu’ils prêchent le Christ crucifié, en qui sont tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu. C’est cette Sagesse divine que saint Paul a prêchée aux parfaits après qu’il fut devenu chrétien ; car, jeune hébreu, il pensait comme un enfant, comprenait comme un enfant, parlait comme un enfant des ombres et des types de l’Ancien Testament. Les prédicateurs, outre les saints docteurs, citeront surtout le Christ, dont l’autorité a plus de poids que celle de toutes les autres personnes et de toutes les autres raisons du monde.
(112) Les prédicateurs s’abstiendront de phrases difficiles et affectées, indignes de Celui qui est mort nu et humble sur la Croix. Leur langage sera simple, pur, simple et humble, mais saint, plein de charité et enflammé de zèle, à l’exemple de saint Paul, le Vase d’élection, qui prêchait non avec la grandeur du langage et l’éloquence humaine, mais avec la puissance du Saint-Esprit. Les prédicateurs sont donc exhortés à faire tout leur possible pour imprimer le bienheureux Jésus dans leur cœur et lui donner une possession paisible de leur âme, afin que ce soit Lui qui les pousse à parler avec la plénitude de l’amour, non seulement par des paroles, mais bien plus encore par des actes, à l’exemple de saint Paul, le Docteur des Gentils, qui n’osait rien prêcher aux autres avant que le Christ ne l’ait rendu capable de le faire. De même, Jésus, notre Maître très parfait, nous a enseignés non seulement par des paroles, mais par des actes. Ceux qui font d’abord, enseignent ensuite et prêchent aux autres, sont grands dans le royaume des cieux.
(113) Les prédicateurs ne doivent pas croire qu’ils remplissent leur devoir en prêchant pendant l’Avent et le Carême. Qu’ils s’efforcent de prêcher au moins tous les jours de fête, à l’exemple du Christ, miroir de toute perfection, qui a traversé la Judée, la Samarie et la Galilée, prêchant dans les villes et les villages, et parfois même parlant à une seule personne, comme ce fut le cas de la Samaritaine.
(114) Et s’ils sentent que leur esprit faiblit, ils retournent à la solitude et y demeurent jusqu’à ce que, remplis de Dieu, l’impulsion du Saint-Esprit les pousse à aller répandre la grâce divine sur le monde. Ainsi engagés, tantôt comme Marthe, tantôt comme Marie, ils suivront le Christ dans sa vie mixte, qui, après avoir prié sur la montagne, est descendu au temple pour prêcher, et même est descendu du ciel sur la terre pour sauver les âmes.
(115) Nous défendons formellement aux prédicateurs de recevoir des repas. Ils vivront comme des pauvres et des mendiants, comme ils l’ont promis volontairement pour l’amour du Christ. Surtout, qu’ils se gardent de toute espèce d’avarice, afin qu’en prêchant Jésus-Christ librement et sincèrement, ils recueillent des fruits plus abondants. Lorsqu’ils prêchent, qu’ils ne demandent ni pour eux-mêmes ni pour leurs frères, afin que, selon l’enseignement de l’Apôtre, tous sachent qu’ils ne cherchent pas leurs propres intérêts, mais ceux de Jésus-Christ.
(116) Puisque celui qui ne sait pas lire et imiter le Christ, le Livre de Vie, ne peut pas avoir la science nécessaire à la prédication, il est défendu aux prédicateurs d’emporter avec eux beaucoup de livres, afin qu’ils trouvent tout dans le Christ.
(117) Afin que le saint office de la prédication, si précieux et si agréable au Christ, notre Dieu, qui l’a prouvé en prêchant la très salutaire doctrine évangélique avec tant d’ardeur de charité divine pour le bien de nos âmes, afin aussi de mieux graver dans le cœur des prédicateurs la norme et la méthode qu’ils doivent suivre dans le digne exercice de la prédication du Christ Crucifié et du Royaume des cieux, en procurant efficacement la conversion et le bien spirituel des fidèles, en reproduisant, pour ainsi dire, et en implantant le Christ dans leurs âmes, nous leur conseillons et commandons d’utiliser les Saintes Écritures, spécialement le Nouveau Testament et en particulier les Évangiles, afin qu’étant des prédicateurs évangéliques, nous puissions former un peuple évangélique.
(118) Qu’ils s’abstiennent de questions et d’opinions profanes et inutiles, de théories et de subtilités que peu de gens comprennent. Mais, à l’exemple du très saint Précurseur Jean-Baptiste, les très saints Apôtres et autres saints prédicateurs enflammés d’amour divin, et même à l’exemple de notre très doux Sauveur lui-même, qu’ils prêchent : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. » Comme nous y exhorte notre Père séraphique dans la Règle, qu’ils parlent des vices et des vertus, des peines et de la gloire, en peu de mots, ne désirant et ne recherchant rien d’autre que la gloire de Dieu et le salut des âmes rachetées par le sang très précieux de l’Agneau sans tache, Jésus-Christ.
(119) Que leurs discours soient bien réfléchis et si discrets qu’ils ne désignent personne en particulier, car, comme le dit le glorieux saint Jérôme, un discours général n’offensera personne. Qu’ils dénoncent bien tous les vices, mais qu’ils glorifient l’image du Créateur dans la créature. Et comme le Père Séraphique nous y exhorte dans son Testament, qu’ils s’efforcent de respecter, d’aimer et d’honorer tous les prêtres, les évêques, les cardinaux et surtout le Saint et Souverain Pontife, Vicaire du Christ sur la terre, Chef suprême, Père et Pasteur de tous les chrétiens et de toute l’Église militante. Qu’ils aiment et honorent aussi tous les autres ecclésiastiques qui vivent selon la manière de la Sainte Église romaine et sont humblement soumis au Chef, Père et Seigneur, le Souverain Pontife. Que tous les frères se souviennent de l’avertissement laissé par notre Père Séraphique dans son Testament, que tous les théologiens et ceux qui nous servent la Très Sainte et Divine Parole, nous devons les honorer et les révérer comme ceux qui nous servent l’esprit et la vie.
(120) Et pour que, tout en prêchant aux autres, les prédicateurs eux-mêmes ne deviennent pas des réprouvés, ils quitteront parfois la multitude et, avec notre très doux Sauveur, graviront la montagne de la prière et de la contemplation.
(121) Comme nous l’avons dit plus haut, il est recommandé aux prédicateurs de ne porter aucun livre avec eux, afin qu’ils puissent étudier attentivement le livre le plus excellent, la Croix. Et comme notre bien-aimé Père a toujours voulu que les frères aient les livres nécessaires en commun et non individuellement, et pour mieux observer la pauvreté et éloigner du cœur des frères tout sentiment d’attachement, il est ordonné qu’il y ait dans chaque maison une petite pièce où seront conservés les Saintes Écritures et quelques-uns des saints docteurs. Mais les livres qui sont vraiment inutiles et rendent l’homme mondain plutôt que chrétien (comme nous l’avons dit plus haut au premier chapitre) ne seront pas conservés dans nos maisons. On disposera de ceux qui se trouveront selon l’injonction des Vicaires généraux ou provinciaux.
(122) Et comme il faut à celui qui veut prêcher dignement et convenablement, outre une vie religieuse et exemplaire, une certaine connaissance des Saintes Ecritures, qui ne peut s’acquérir que par l’étude littéraire, de peur qu’une fonction aussi noble et utile que la prédication ne s’affaiblisse dans notre Congrégation au plus grand dommage des âmes, nous ordonnons que soient enseignées des études pieuses et saintes, abondantes en charité et en humilité, tant pour les humanités que pour les lettres sacrées. On n’admettra à ces études que les frères que le Vicaire provincial et les définiteurs jugeront distingués par une charité fervente, une conduite louable, une conduite humble et sainte, et qui soient en même temps suffisamment aptes aux études pour être ensuite utiles et féconds dans la Maison du Seigneur par leur vie et leur doctrine.
(123) Les étudiants ne chercheront pas à acquérir des connaissances qui enflent, mais qu’ils s’efforcent d’acquérir la charité du Christ qui illumine et enflamme, et qui vivifie l’âme. Il ne faut pas qu’ils s’adonnent à la littérature au point de négliger l’étude de la sainte oraison, car autrement ils agiraient contre la volonté expresse de notre Père Séraphique, qui voulait que la prière ne fût jamais omise pour aucune étude. Pour mieux acquérir l’esprit de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les lecteurs et les étudiants doivent s’efforcer d’approfondir la vie spirituelle plus encore que de cultiver les lettres. Ils tireront ainsi plus de profit de leurs études, car sans l’esprit on n’atteint pas le vrai sens, mais la simple lettre qui aveugle et tue.
(124) Les étudiants s’efforceront, tout en gardant la sainte pauvreté, de ne jamais s’écarter de la voie royale qui conduit au ciel : la sainte humilité. Qu’ils se souviennent souvent de la parole du bienheureux Giacapone : « La science acquise sans l’humilité du cœur donne une blessure mortelle. » Ce sera une occasion de s’humilier s’ils se rendent compte qu’ils ont contracté de nouvelles obligations envers Dieu, en étant promus à l’étude et en étant jugés dignes d’être introduits dans la vraie et agréable connaissance des lettres sacrées, sous lesquelles se cache le Bien suprême dont l’Esprit est plus doux que le miel pour ceux qui le goûtent.
(125) Au début, et dans un esprit d’humilité et d’un cœur contrit, ils diront : « Domine, iste vilissimus servus tuus et omni bono indignus, vult ingredi ad videndum thesauros tuos. Placeat tibi ut ipsum indignissimum introducas, et des sibi dans son verbis et sancta lectione tantum te diligere, quantum te cognoscere, quia nolo te cognoscere nisi ut te diligam, Domine Deus Creator meus. Amen."