Chapitre 5
(63) Conscients que notre fin dernière est Dieu, vers lequel chacun de nous doit tendre et aspirer, et en qui il doit s’efforcer de se transformer, nous exhortons tous les frères à diriger toutes leurs pensées vers cette fin et à y orienter, avec tous les désirs d’amour possibles, toutes leurs intentions et tous leurs désirs, afin de s’unir de tout leur cœur, de tout leur esprit et de toute leur âme, de toute leur force et de toute leur puissance, par une affection réelle, continue, intense et pure, à leur Père souverainement bon.
(64) Comme il est impossible d’atteindre la fin sans les moyens, que chacun rejette comme inutile et funeste tout ce qui pourrait nous égarer ou nous détourner de la voie du salut. Que les frères ne se préoccupent pas de choses superflues, mais choisissent celles qui sont utiles et nécessaires pour nous conduire à Dieu. Telles sont la plus haute pauvreté, la chasteté sans tache, l’humble obéissance et les autres vertus évangéliques que le Fils de Dieu nous a enseignées par sa parole et son exemple, en sa personne et dans ses saints.
(65) Comme il est très difficile à l’homme d’avoir toujours l’esprit élevé vers Dieu et d’éviter l’oisiveté, racine de tous les maux, de donner le bon exemple à ses semblables, d’être moins à charge au monde, de suivre l’exemple de saint Paul qui travaillait en prêchant, et de beaucoup d’autres saints, d’observer l’avertissement au travail que nous a donné notre Père séraphique dans sa Règle, et de nous conformer à sa volonté exprimée dans son Testament, nous ordonnons que les frères, lorsqu’ils ne sont pas occupés aux exercices spirituels, s’occupent de quelque honnête travail manuel. Ils ne manqueront pas, autant que la faiblesse humaine le permettra, d’occuper leur esprit à quelque méditation spirituelle. Nous ordonnons en outre que pendant les heures de travail, ils parlent de Dieu ou se fassent lire quelque livre pieux.
(66) Les frères prendront garde de ne pas faire du travail leur unique objet, ni d’y attacher toute leur affection, ni de s’y engager au point d’éteindre, de diminuer ou d’affaiblir l’esprit auquel toutes choses devraient être soumises. Les yeux fixés sur Dieu, ils prendront le chemin le plus élevé et le plus court, afin que le travail imposé par Dieu à l’homme, accepté et recommandé par les saints comme moyen de conserver le recueillement intérieur, ne devienne pas une occasion de distraction et de relâchement.
(67) Que chaque frère se souvienne que la pauvreté évangélique consiste à n’avoir aucune affection pour les choses terrestres, à user des biens de ce monde avec la plus grande parcimonie, comme par contrainte, par nécessité et pour la gloire de Dieu à qui nous sommes redevables de tout. Tout ce qui dépasse leurs besoins, ils le donneront aux pauvres pour l’honneur de la pauvreté. Nous devons aussi nous rappeler que nous habitons une auberge et que nous mangeons les péchés du peuple, et que nous serons appelés à rendre compte rigoureusement de tout.
(68) Le dévot saint Bernard disait que rien n’est plus précieux que le temps, et que rien n’est moins estimé. Il nous avertit aussi que nous serons rigoureusement examinés pour savoir comment nous avons utilisé le temps qui nous est imparti. Nous exhortons tous nos frères à ne jamais être oisifs, à ne pas perdre leur temps dans des choses sans importance, et encore moins dans des conversations vaines et inutiles. Qu’ils se souviennent toujours des terribles avertissements de l’infaillible vérité : pour chaque parole oiseuse que nous prononçons, nous en rendrons compte au jour du jugement. Les frères doivent donc consacrer tout leur temps à des occupations louables, honnêtes et utiles, soit pour l’honneur et la gloire de la divine Majesté, soit pour l’édification et le bon exemple de tous nos frères et de nos concitoyens, religieux et séculiers.