Article troisième
(1) Les Frères, ajouterons-nous, ne peuvent rien acquérir pour eux en particulier, ni pour leur Ordre, comme propriété commune. Néanmoins, quand, pour l’amour de Dieu, il leur est offert, concédé ou donné quelque chose, il semble bien que celui qui fait cette offrande, concession ou donation, ait l’intention, s’il ne déclare le contraire, de la faire d’une manière complète, et de transférer à d’autres, en y renonçant pour lui-même, la propriété de l’objet ainsi offert, concédé ou donné, et cela pour l’amour de Dieu.
Or, il n’est personne à qui le domaine de cet objet puisse être, au nom de Dieu, plus convenablement transféré qu’au Siège Apostolique ou à la personne du Pontife Romain, vicaire de Jésus-Christ, qui est le père de tous, mais spécialement des Frères Mineurs. On évitera ainsi de laisser dans une sorte d’incertitude la propriété de ces choses. Le fils n’acquiert-il pas en quelque manière à son père, le serviteur à son maître, et le moine à son monastère, les objets qui leur sont offerts, concédés ou donnés ?
En conséquence, à l’exemple de notre prédécesseur Innocent IV, d’heureuse mémoire, en vertu de notre autorité apostolique, nous recevons entre nos mains, entre les mains de l’Église romaine, la propriété et le domaine de tous les ustensiles, livres et objets mobiliers, présents et à venir, qu’il est permis à l’Ordre ou aux Frères d’avoir pour leur usage (de fait); et par la présente constitution, valable à perpétuité, nous arrêtons que tous ces objets appartiennent pleinement et franchement à nous et à cette Eglise.
(2) De plus, par la même autorité, nous prenons pareillement en notre droit, domaine et propriété, au droit, domaine et propriété de ladite Église, les lieux achetés au moyen de diverses aumônes, ainsi que ceux qui auront été offerts ou concédés aux Frères, sous quelque forme de paroles que ce soit. (Les Frères se rappelleront, toutefois, qu’ils doivent, en pareilles circonstances, se garder d’user de termes qui ne conviendraient pas à leur état.)
Nous parlons ici de personnes possédant par indivis les biens qu’elles donnent, ou certaines parts déterminées; et nous entendons prendre ainsi leurs dons, en tant que ces propriétaires de portions déterminées ou de lieux indivis n’auront apporté aucune réserve en leur faveur, dans cette offrande ou concession.
(3) Quant aux lieux et maisons qui pourront être concédés ou offerts en entier pour l’habitation des Frères par quelque particulier ou quelque communauté (s’il arrive que les Frères occupent de telles demeures, de la volonté du concédant), qu’ils y habitent tant que durera cette bonne volonté. Mais si les dispositions de ce concédant viennent à changer et à être manifestées aux Frères, qu’ils abandonnent sans difficulté ces lieux (à l’exception de l’église et des oratoires destinés à l’église, que nous prenons de la même manière et de la même autorité, tant actuellement que pour l’avenir, en notre droit et propriété, et en la propriété de l’Église Romaine); hors cette exception, nous ne retenons sur ces lieux aucun domaine ni propriété pour nous ou pour l’Église Romaine, à moins qu’ils n’eussent été spécialement acceptés avec notre assentiment ou le sien. Et si celui qui concède ces lieux s’en est réservé la propriété, cette propriété ne passera pas à l’Église Romaine, à cause de l’habitation des Frères, mais demeurera pleinement au concédant.
(4) De plus, dans l’acceptation des ustensiles et autres objets dont l’usage leur est permis, comme nécessaire à eux-mêmes ou à l’accomplissement des devoirs de leur état (car nous rappelons qu’ils ne doivent pas avoir l’usage de toutes espèces de choses), les Frères doivent éviter tout ce qui constituerait la superfluité, la richesse ou une abondance qui dérogerait à la pauvreté.
Ils ne recevront donc, ni dans le but d’amasser, de distraire ou vendre, ni sous le couvert de provision pour l’avenir, ou sous tout autre prétexte; mais plutôt, qu’en toute circonstance, on voie en eux abdication complète de propriété, et besoin réel des choses dont ils se permettent l’usage.
Que tout cela, du reste, soit réglé avec discrétion, selon l’exigence des personnes et des lieux, par les Ministres et les Custodes, tant en commun que dans leurs administrations et custodies respectives; car, sur ces points, la qualité des personnes, la diversité des températures, la situation des lieux et d’autres circonstances, peuvent quelquefois requérir du plus où du moins, ou d’autres différences, dans ces sortes de mesures. Qu’ils le fassent, toutefois, de telle façon que toujours on voie reluire en eux et en leurs actes la sainte pauvreté, telle qu’elle leur est enjointe par leur Règle.