Chapitre 12
(240) Notre séraphique Père eut toujours souverainement à coeur la conversion des infidèles; en conséquence, à la gloire de Dieu et pour le salut de leurs âmes, nous ordonnons, conformément à la Règle, que, si quelques Frères embrasés de l’amour du Christ béni et du zèle de propager la foi catholique, voulaient, par inspiration divine, aller prêcher parmi les infidèles, qu’ils recourent d’abord au Ministre général, par l’intermédiaire de leurs Supérieurs provinciaux. Le Ministre général, réserve faite des prescriptions du droit, enverra aux Missions ceux d’entre eux qu’il jugera doués des qualités requises.
Que les sujets toutefois ne présument pas témérairement de leur aptitude pour une entreprise aussi difficile et aussi périlleuse, mais, qu’avec une humble défiance d’eux-mêmes, ils remettent leur désir au jugement des Supérieurs. Le petit nombre des Frères ne doit pas être pour ceux-ci une raison de les retenir; abandonnant tout souci et toute préoccupation aux mains de Celui qui pourvoit constamment à nos besoins, ils se conduiront en tout selon le mouvement de l’esprit de Dieu, et selon la charité qui fait bien toute chose.
(241) Toutes les Missions confiées à l’Ordre, ainsi que tous les missionnaires qui s’y trouvent, sont soumises au Ministre général, sous la dépendance immédiate de la S. Congrégation préposée aux Missions 1.
(242) Que les Frères qui sont dans les Missions, les Supérieurs aussi bien que les sujets, observent fidèlement les lois ecclésiastiques 2 et les ordonnances des Supérieurs de l’Ordre qui les concernent.
(243) Afin qu’en cherchant à amener les autres à l’obédience du Siège Apostolique, nous ne venions pas à nous négliger nous-mêmes, comme aussi pour nous conformer aux saintes intentions de notre séraphique Père, si entièrement catholique, qui comprenant combien il est nécessaire à tous les hommes, et surtout aux religieux, d’être inviolablement soumis au Saint-Siège, voulut que nous ayons un des Cardinaux pour seigneur, nous ordonnons que le Procureur général, quand ce sera nécessaire, muni d’une lettre signée du Ministre général et de son Définitoire, aille se jeter aux pieds du Souverain Pontife et lui demande humblement pour Protecteur un des Cardinaux de la sainte Eglise Romaine.
(244) Et, vu que les Frères Mineurs de saint François sont tout spécialement obligés de garder l’intégrité et la pureté de la foi, telle qu’elle est renfermée dans le saint Evangile et telle que l’Eglise Romaine la propose, de la professer inviolablement, de la prêcher avec sincérité, et d’être disposes à répandre leur propre sang pour sa défense, nous commandons à tous nos Frères de veiller en toute humilité à la conservation de ce don inestimable du ciel, s’appliquant à penser et à juger, en tout et toujours, comme la Sainte Eglise.
C’est pourquoi, tous nos Supérieurs, Lecteurs, prédicateurs, confesseurs et autres, avant d’entrer en charge ou de recevoir la faculté d’exercer leur office, feront, ainsi qu’il est prescrit par le droit 3, la profession de foi, dans la forme approuvée par le Siège Apostolique. .
(245) Afin de garder avec la saine doctrine le précieux trésor de la foi, nous ordonnons expressément aux Supérieurs provinciaux et locaux d’exercer une surveillance attentive sur les livres, publications, journaux et revues qui entrent dans nos maisons; de punir sans respect humain quiconque s’adonnerait à des lectures mondaines et profanes; de défendre de lire les livres qui exposent des doctrines suspectes et dangereuses, ou encore des nouveautés malsaines; car ces lectures, comme le prouve l’expérience, dépravent l’esprit et le coeur, et éloignent insensiblement des enseignements du Christ et de son Eglise.
(246) Comme il est impossible de faire des lois et des statuts pour tous les cas particuliers qui peuvent se présenter, nous exhortons tous les Frères par la charité du Christ, à avoir devant les yeux, en toutes leurs actions, le Saint Evangile, la Règle promise à Dieu, les pieuses et louables coutumes de l’Ordre, et les exemples des Saints, à diriger toutes leurs pensées, paroles et actions à l’honneur et à la gloire de Dieu, et à la sanctification du prochain; s’ils agissent ainsi, le Saint-Esprit leur servira de Maître en toutes choses.
(247) À l’exemple de notre Sauveur, qui commença par agir avant d’enseigner 4, tous les Supérieurs doivent être les premiers à observer les présentes Constitutions, afin de pouvoir ensuite, avec une sainte fermeté, engager efficacement tous leurs sujets à les garder inviolablement. Quelques points en pourront peut-être paraître un peu difficiles au premier abord, mais une sainte habitude les rendra faciles et agréables. Et afin de les graver plus profondément dans l’esprit des Frères, les Supérieurs locaux auront soin de les faire lire au réfectoire, une fois tous les six mois 5.
(248) Quoique nous n’ayons pas l’intention d’obliger les Frères à observer ces Constitutions sous peine de péché, autrement qu’ils n’y sont déjà tenus, en vertu des préceptes de Dieu, de l’Eglise et de la Règle, nous voulons néanmoins, et nous ordonnons que ceux qui les transgresseraient soient sévèrement punis, et que les Supérieurs locaux qui négligeraient de les observer ou de les faire observer soient punis plus gravement encore par les Supérieurs provinciaux, et ceux-ci par le Ministre général, quand ils y manqueront.
(249) Attendu que les présentes Constitutions ont été faites avec le plus grand soin, et maintenant qu’elles ont été revues et corrigées avec une attention non moins grande, du consentement de tout le Chapitre général assemblé à Rome, nous voulons qu’elles ne puissent être changées sans le méme consentement du Chapitre général et la permission du Saint-Siège, auxquels revient l’interprétation authentique et permanente de ces Constitutions. Et pareillement, instruits par l’expérience des grands préjudices que les trop fréquents changements de Constitutions ont causés aux Ordres religieux, nous renouvelons à tous les Pères et Frères, présents et à venir, l’admonition de nos anciens Pères de ne les jamais changer sans grave nécessité, même aux Chapitres généraux.
On ne fera pas non plus de Constitutions provinciales; mais pour les cas particuliers, qui pourraient se présenter, le Chapitre ou le Définitoire général, y pourvoiront sans toucher aux présentes Constitutions, selon lesquelles tout notre Ordre doit vivre et se régler avec une sainte uniformité.
(250) Et puisque notre séraphique Père, lorsqu’il alla mourir, promit avec la sienne aux vrais et zélés observateurs de la Règle, une abondante bénédiction de la Très Sainte Trinité, appliquons-nous tous, sans la moindre négligence et avec un vif et sincère amour, à acquérir la perfection que nous indiquent notre Règle et notre Ordre, évitant soigneusement toute espèce de négligence.
Et que les Frères prennent bien garde surtout de ne pas transgresser les présentes Constitutions, sous prétexte qu’elles n’obligent pas sous peine de péché, mais, pénétrant l’esprit qui les a dictées, qu’ils s’appliquent à les garder inviolablement 6, afin d’ajouter sans cesse de nouveaux ornements à leur couronne 7, de mériter la divine clémence par la pratique de ces devoirs sacrés, et de devenir conformes au Fils de Dieu, qui, sans y être obligé, a cependant voulu, en vue de notre salut, garder les lois que Lui-même avait faites.
Qu’ils s’efforcent donc de conserver à la Religion tout son lustre, et à procurer au prochain les plus grands avantages spirituels. Et qu’ils sachent bien que les bons et fidèles serviteurs ne se bornent pas à exécuter les ordres que leurs maîtres leur intiment avec menace, mais qu’ils cherchent encore à leur être agréables en beaucoup d’autres choses.
(281) Méditons souvent, nos très chers Pères et Frères, cette sainte et mémorable sentence, qui fournit à notre séraphique Père le sujet du discours si solennel qu’il adressa à la multitude de ses Frères assemblés : Nous avons promis de grandes choses à Dieu, mais Dieu nous en a promis de plus grandes encore.
Observons donc ces Constitutions et tout ce que nous avons promis, aspirons par l’ardeur de nos désirs aux biens qui nous attendent. Les plaisirs de ce monde sont de courte durée, mais les peines de l’enfer, que méritent ceux qui les recherchent, n’ont point de terme. Les souffrances que nous endurons, les pénitences que nous faisons pour l’amour de Jésus-Christ passeront bien vite, mais la gloire que Dieu nous donnera en récompense n’aura pas de fin.
Beaucoup sont appelés au Royaume de la vie éternelle, mais il y en a peu d’élus, parce qu’il y en a très peu qui suivent le Christ dans toute la sincérité de leur coeur; aussi, au dernier jour, Dieu donnera-t-il à chacun selon ses oeuvres, ou la gloire, ou le châtiment 8.
(252) C’est pourquoi, accomplissant fidèlement toutes ces choses, ayons sans cesse les yeux fixés sur notre Rédempteur, afin qu’instruits de ses volontés, nous nous efforcions de lui plaire, non seulement en évitant de mépriser ces Constitutions, ce qui serait un péché grave, mais encore en fuyant, pour son amour, toute négligence à les observer. Cette fidèle observance nous aidera à accomplir tant la Règle, que les divins préceptes et les conseils évangéliques, et deviendra pour nous, par les mérites de Jésus-Christ, une source abondante de consolations au milieu de nos peines.
Aisi nous pourrons tout en Celui qui nous fortifie 9, et même,en toutes choses, Il nous accordera l’intelligence, Lui qui est la sagesse de Dieu et qui donne à tout le monde avec abondance, sans reprocher ses bienfaits 10.
(253) Le Christ donc, qui est la lumière et l’espérance des nations, la fin de la loi, le salut de Dieu, le Père du siècle futur, le Verbe et la vertu qui soutient toutes choses, qui est enfin notre espérance, en qui tout est possible, doux et facile, et à qui notre fragilité est connue, non seulement nous donnera la force de suivre ses commandements et ses conseils, mais encore répandra sur nous ses faveurs célestes avec tant de largesse et d’abondance que, malgré tous les obstacles, nous pourrons Le suivre et L’imiter en toute allégresse et simplicité de coeur, méprisant souverainement toutes les choses visibles et temporelles et aspirant vers celles qui sont célestes et éternelles.
(254) Que Jésus-Christ, Dieu et homme, vraie lumière, éclat de la gloire, splendeur de l’éternelle clarté, miroir sans tâche, image de la bonté de Dieu, qui a été établi par le Père éternel, juge, législateur et Sauveur des hommes, à qui le Père et le Saint-Esprit ont rendu témoignage, en qui sont renfermés tous nos mérites, notre règle de conduite, les secours, les grâces et les récompenses, que Dieu nous a donné pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption 11, qu’Il soit l’unique objet de toutes nos pensées, de toutes nos réflexions et de notre imitation.
(255) Louanges, honneur et gloire soient à jamais à Jésus-Christ, seul vrai Dieu consubstantiel, coéternel, égal au Père, dans l’unité du Saint-Esprit, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.