Chapitre 10
Que les Frères qui sont Ministres et serviteurs des autres Frères, visitent et avertissent leurs Frères, et les corrigent avec humilité et charité ne leur commandant rien qui soit contre leur âme et notre Règle. Mais que les Frères, qui sont sujets, se souviennent que, pour Dieu, ils ont renoncé à leur propre volonté. C’est pourquoi, je leur commande fermement d’obéir à leurs Ministres, en toutes les choses qu’ils ont promis au Seigneur d’observer, et qui ne sont pas contraires à leur âme et à notre Règle.
Et en quelque lieu que soient les Frères, s’ils savent et reconnaissent ne pouvoir observer spirituellement la Règle, qu’ils doivent et puissent recourir à leurs Ministres. Et que les Ministres les reçoivent avec charité et bienveillance, et aient une si grande familiarité à leur égard, que ces Frères puissent parler et agir avec eux, comme des maîtres avec leurs serviteurs : car ainsi doit être, que les Ministres soient les serviteurs de tous les Frères.
Or, j’avertis les Frères, je les exhorte dans le Seigneur Jésus-Christ, de se préserver de tout orgueil, de la vaine gloire, de l’envie, de l’avarice, des soins et des sollicitudes de ce siècle, de la détraction et du murmure. Et que ceux qui ne savent pas les lettres, ne se soucient pas de les apprendre; mais qu’ils considèrent que, par-dessus toutes choses, ils doivent désirer de posséder l’esprit du Seigneur et sa sainte opération; de prier toujours Dieu avec un coeur pur; d’avoir humilité et patience dans la persécution et dans l’infirmité, et d’aimer ceux qui nous persécutent, nous reprennent et nous blâment : parce que le Seigneur a dit : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent et calomnient. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. Mais celui qui persévérera jusqu’à là sera sauvé.
Fr. Matthieu : le passage qui commence par Et en quelque lieu que soient les Frères… et fini par … soient les serviteurs de tous les Frères, ne correspond pas au texte que Saint François soumit au Pape Honorius III, mais à la version modifiée par ce dernier. Voici la version original :
“Partout où il y a des frères qui savent et reconnaissent qu’ils sont incapables d’observer la règle à la lettre, ils doivent et peuvent avoir recours à leurs ministres, mais les ministres sont tenus de leur donner la permission requise par l’obéissance aux mêmes frères avec bonté et généreusement; que s’ils ne veulent pas le faire, que les frères eux-mêmes aient la permission et l’obédience de l’observer littéralement, car tous les frères, tant ministres que sujets, doivent être soumis aux règles. 1
Voici l’échange entre Saint François et le Pape Honorius III sur ce point. Ayant pris connaissance du passage en question que Saint François lui soumettait pour approbation 2 :
[Pape Honorius III :] “Ces paroles, mal interprétées, pourraient devenir une occasion de scandale et de division, pour ceux qui ne seraient pas fermement établis dans la connaissance de la vérité et dans l’amour de la vertu. Aussi, pour écarter tout danger à cet égard, il importe que vous changiez quelque peu ce texte.”
[Saint François :] “Très-Saint-Père, ce n’est pas moi qui ai introduit ces paroles dans la règle, mais Jésus-Christ lui-même, qui sait mieux que moi ce qui est utile et nécessaire au salut des âmes et au maintien de cette religion. Aussi, je ne dois ni ne puis les changer, car, viendra un jour où les Ministres et les prélats feront beaucoup souffrir ceux qui voudront observer cette règle à la lettre, comme le commande Notre-Seigneur.”
[Pape Honorius III :] “Frère François, je ferai moi-même en sorte que tout en conservant pleinement le sens de ces paroles, les Ministres comprennent qu’ils sont tenus de faire ce que Notre Seigneur demande et ce que prescrit la règle, et les Frères, qu’ils ont toute liberté d’observer strictement cette vie et cette règle.”